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La Cour des Comptes dénonce les 346 millions d'euros perdus dans l'ONP

La Cour des Comptes dénonce les 346 millions d'euros perdus dans l'ONP
La Cour des Comptes vient de publier son rapport public annuel 2015

La Cour des Comptes a rendu son rapport public annuel 2015. Tout un chapitre est consacré à l'échec de l'Office National de Paye et du SIRH de l'Etat.

PublicitéL'abandon du Programme ONP, autrement dit du SIRH unique de l'Etat avec un calculateur de la paye unique (hors armées) géré par l'Office National de la Paye, a entraîné une perte sèche de 346 millions d'euros. L'échec du projet ne laissait cependant guère de choix comme Jacques Marzin l'avait rappelé dans nos colonnes. Dans son rapport public 2015, la Cour des Comptes consacre toute une partie à ce sujet.
C'est là le principal sujet en rapport avec l'informatique abordé cette année par la Cour. Mais l'informatique surgit parfois au détour de telle ou telle partie où les systèmes d'information sont tantôt en embuscades, tantôt en sauveurs.

ONP : un projet hors de contrôle

Tous les chiffres du Programme ONP donnent le vertige. Il devait permettre rien moins que la paye de 2,7 millions d'agents selon un nombre incalculable de grilles salariales et de statuts. La Cour rappelle : « Les bénéfices attendus étaient une amélioration du service rendu aux agents, des économies d'effectif à hauteur de 3 800 postes, la rationalisation des structures en charge de la paie, un renforcement du contrôle interne et de l'auditabilité des processus ainsi qu'un meilleur suivi de l'effectif et de la masse salariale de l'État. »
Las ! Lancé en 2007, le programme connaît des déboires de plus en plus importants dès 2010. Les spécifications sont l'objet de difficultés manifestes trois ans après le lancement du projet. Et tous les ministères renoncent petit à petit à être pilotes, le dernier, le Ministère de l'Agriculture, renonce à s'interfacer en 2013. Six ans après le lancement du projet sans l'ombre d'un début de déploiement réel. L'audit mené par Jacques Marzin aboutit à l'abandon du projet en 2014.

Pour la Cour, « l'échec du programme de refonte du circuit de paie des agents de l'État est pour une large part imputable à son ambition excessive ainsi qu'à sa gouvernance défaillante. Ses conséquences, financières et opérationnelles, porteront durablement préjudice à l'État (III). » Derrière « l'ambition excessive », il faut plutôt voir l'absence de refonte de l'incroyable Tour de Babel que constituent les statuts des agents de l'Etat avec des règles de gestion d'une effroyable complexité et requérant des informations issues de multiples systèmes. La situation rendait donc illusoire un système unique avec une architecture solide.
A cela s'ajoute, il est vrai, un volume de traitement de 2,8 à 3,1 bulletins de paye par mois, soit plus que n'importe quel autre système de paye dans le monde. La complexité du projet tenait aussi, comme le souligne la Cour, à la multiplicité obligée des maîtrises d'ouvrage, chacune devant donner les informations relatives à ses propres agents. Aucun pilotage interministériel n'a existé. Et les directions ministérielles se sentaient peu impliquées, déléguant plutôt des subordonnés.

PublicitéUn taux de rotation des effectifs de 60% par an

La difficulté du programme a abouti à des situations effrayantes. Ainsi, la Cour souligne que le taux de rotation des équipes a atteint le chiffre époustouflant de 60% par an ! Il en résultait des difficultés à remplir les postes vacants. « 18 emplois étant en moyenne vacants sur un effectif théorique moyen de 133 agents » dénonce la Cour. Un projet mené dans de telles conditions ne peut pas réussir.
140 millions d'euros ont été perdus en licences de logiciels. Les quelques réalisations abouties et fonctionnelles n'ont aucun système auquel se raccorder. Même ces quelques réussites dans un océan d'échec sont donc perdues. Au total, l'échec a entraîné un coût direct de 346 millions d'euros dont 16 rien que pour financer l'arrêt du projet !
Le coût pour l'Etat ne se limite pas à ce coût direct. Il faut en effet y ajouter la prolongation de vie des applications obsolètes qui devaient être remplacées, avec une maintenance (y compris évolutive) de plus en plus complexe à mettre en oeuvre. La Cour formule quelques recommandations sur l'évolution de ces outils pour optimiser ce qui peut l'être.
Le point positif de cet échec retentissant est le choc induit. Il a permis de justifier et de légitimer la DISIC (Direction Interministérielle des Systèmes d'Information et de Communication) dont l'objet est précisément d'éviter ce genre d'échec.

La mutualisation (intelligente) conserve tout son sens

La Cour des Comptes n'est cependant pas vaccinée contre la mutualisation, bien au contraire. Ailleurs dans son rapport annuel, elle recommande même, par exemple, une plus grande mutualisation informatique entre les CROUS.
L'informatique est également appelée au secours de réorganisations jugées nécessaires. Par exemple, la Cour appelle à la suppression de trésoreries publiques situées à l'étranger dont les tâches pourraient être gérées sur le territoire national avec des économies importantes à réaliser dans le développement de la dématérialisation.
Des difficultés techniques surgissent parfois au détour des pages du rapport. C'est ainsi qu'arrivent des difficultés de migration d'outils gérant des paiements vers la norme SEPA. Et les difficultés rencontrées par le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM) situé à Marseille sont en (petite) partie dues à des difficultés d'accès aux outils informatiques nationaux par les agents sur place.

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