Stratégie

Adopt AI : Grand Palais, petits pas

Adopt AI : Grand Palais, petits pas
Lors du sommet Adopt AI, qui se tenait au Grand Palais, à Paris. L’intégration de l’IA au cœur des processus métier soulève la question de l’adoption de la technologie. (Photo : R.F.)

Le sommet Adopt AI, qui se tenait les 25 et 26 novembre à Paris, débouche sur un constat déjà connu : si les entreprises croient toujours au potentiel de l'IA, elles n'ont pas encore trouvé la recette pour en bénéficier pleinement.

PublicitéDurant deux jours, la nef du Grand Palais, où se tenait le sommet Adopt AI, organisé par le cabinet de conseil Artefact, a vibré de l'enthousiasme entourant actuellement le déploiement de l'IA. Le président de la République Emmanuel Macron, plusieurs ministres (Roland Lescure, Anne Le Hénanff...) ainsi que de nombreux Pdg (Paul Hudson, de Sanofi, Alexandre Bompard, de Carrefour, Nicolas Namias, de BPCE, Christel Heydemann, d'Orange, Bernard Fontana, d'EDF, Patrick Pouyanné, de TotalEnergies, Olivier Gavalda, de Crédit Agricole, Guillaume Faury, d'Airbus, Estelle Brachlianoff, de Veolia...) se sont pressés pour témoigner de leur foi en cette technologie. Une foi qui ne gomme pas les doutes qui entourent aujourd'hui sa mise en oeuvre, en particulier quand on parle de GenAI.

Première difficulté : l'adoption, comme le traduit d'ailleurs implicitement le nom donné au sommet. De nombreuses entreprises ont ainsi déployé leur propre assistant, ouvert à de larges populations au sein des organisations, afin de développer les usages (et éviter l'emploi sauvage d'IA grand public). Reste ensuite à s'assurer, au-delà des premiers tests, de leur utilisation régulière dans un cadre professionnel par le plus grand nombre de collaborateurs. Et à valider que ces usages justifient bien les investissements consentis. « Le déploiement de l'IA est aussi une gestion du changement, souligne Alice Guéhennec, qui dirige l'IT, la data, le digital et l'innovation du groupe Sodexo. Et il ne faut pas négliger l'intégration du management intermédiaire dans ces programmes, car il doit être l'ambassadeur de ces initiatives. » Pour Sébastien Arbola, le vice-président exécutif en charge de la data, du digital, de l'IT, de la recherche et de l'innovation d'Engie, « les gens sont bousculés par le rythme de l'innovation. Aux dirigeants des organisations d'impulser une vision qui permette de les orienter. »

Impliquer tous les salariés

Pour l'heure, de nombreuses organisations ont mis sur pied un programme de formation censé donner à un maximum d'employés de premières clefs pour exploiter la GenAI : son mode de fonctionnement, ses capacités, mais aussi ses limites. Ce préalable semble désormais faire l'unanimité tant au sein de grandes organisations, comme la SNCF où plus de 35 000 employés ont bénéficié de cette première approche, que d'ETI comme Léon Grosse, spécialisée dans le BTP. « En 2025, nous avons lancé un programme de formation massif, portant sur les fondamentaux, comme la rédaction de prompts. Nous avons aussi poussé la démarche en organisant une journée dédiée aux dirigeants, afin qu'ils se familiarisent avec la technologie, mais aussi imaginent de premiers scénarios d'utilisation », précise Jean-Stéphane Didier, le directeur général de l'activité construction de cette entreprise ayant réalisé 904 M€ de chiffre d'affaires en 2024. Prochaine étape pour l'ETI : intégrer la technologie aux processus opérationnels.

PublicitéUn objectif qu'affichent toutes les organisations ou presque, et sur lequel reposent nombre de gains espérés associés à la GenAI. Mais où les échecs sont nombreux. « Quand nous échouons, c'est parce que toutes les personnes d'une chaîne de valeur n'ont pas été impliquées correctement dans l'initiative. Car, vous avez besoin de tout le monde, de l'employé au contact des clients jusqu'au Pdg », assure Clément Dietschy, Pdg de la start-up Ask the Moon. Et d'ajouter : « les experts doivent gagner du temps avec votre solution dès la première semaine d'utilisation. Sinon, vous n'aurez ni qualité ni autorité. Mais les collaborateurs doivent aussi y trouver leur compte, sinon les données du terrain ne vont pas venir enrichir la solution. »

Des techniciens de terrain circonspects

Les DSI présents sur Adopt AI n'éludent d'ailleurs pas la difficulté, de ce passage d'un assistant généraliste mis à la disposition de tous à une IA embarquée au coeur des processus. « Un de nos objectifs consiste à pousser les métiers à aller un cran plus loin, à dépasser l'optimisation des processus existants pour les repenser. C'est une étape plus complexe », dit ainsi Sébastien Arbola. Le dirigeant explique notamment que le groupe Engie rencontre des problèmes d'adoption de la technologie avec la population des techniciens de terrain. Un constat que partage pour partie Fabien Mangeant, le Chief data et AI Officer d'Air Liquide, qui insiste sur les notions d'explicabilité des résultats et de transparence des systèmes : « Les utilisateurs doivent être impliqués dans la conception des systèmes, ces derniers ne peuvent pas leur être simplement poussés par le haut. » SNCF Réseau a ainsi créé son propre laboratoire IA il y a environ deux ans, pour se pencher sur les problèmes spécifiques de ses collaborateurs de terrain, « dans une approche bottom-up », selon Emmanuel Cox, directeur de la stratégie et de la transformation numérique de cette filiale du groupe ferroviaire.


Lors d'une table ronde sur le sommet Adopt AI, le 26 novembre. De gauche à droite, Frédéric Vincent (Renault), Julien Nicolas (SNCF) et Sébastien Arbola (Engie). (Photo : R.F.)

Dans cette intégration aux processus métiers, les DSI sont aussi confrontés à la nécessité de spécialiser les solutions, en fonction des attentes des utilisateurs, mais aussi de la tolérance aux risques du métier concerné. Frédéric Vincent, le DSI et responsable du digital du groupe Renault, explique : « avec le développement de l'agentique, nous voulons apporter un turbo à nos employés, illustre-t-il. Cette partie de notre programme IA s'avère un peu plus complexe [que l'amélioration des processus existants, NDLR], car il suppose de développer un jeu d'agents très différents les uns des autres. » Julien Nicolas, le directeur du numérique et de l'IA de la SNCF, indique que son groupe se concentre désormais sur 10 usages de l'IA jugés particulièrement prometteurs et mesure les bénéfices apportés par ceux-ci de façon très serrée. Sans oublier de discuter des impacts de ces transformations annoncées avec les partenaires sociaux, autre angle mort de la mise en oeuvre de l'IA : « avec les syndicats, nous discutons des risques créés par ces solutions sur les chemins de carrière actuels et de la manière d'en créer de nouveaux en tenant compte de ces transformations », dit Julien Nicolas. Une autre condition sine qua non à l'adoption de l'IA.

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