SAP et IBM impliqués dans l'échec de l'ERP de la compagnie d'assurance auto du Québec

La brigade anticorruption de la province a perquisitionné l'organisation qui a commandé la refonte de l'ERP, dont le budget a explosé. L'enquête sur les errements de ce projet se poursuit.
PublicitéL'enquête sur la mise en oeuvre d'un système ERP controversé au Canada, projet impliquant SAP et LGS, une filiale d'IBM, a pris une tournure étrange mercredi lorsque le service anticorruption du Québec a effectué des perquisitions au siège de l'organisation qui a commandé la refonte du système.
Selon des informations de la Canadian Broadcasting Corporation (CBC), la télévision et radio publique au Canada, cette perquisition au siège social de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ), la régie publique provinciale de l'assurance automobile, qui gère également les permis de conduire et plaques d'immatriculation, est liée au déploiement en 2023 de son portail de services en ligne, SAAQclic, destinée aux démarches des particuliers, entreprises et partenaires de la SAAQ. L'enquête a été menée par l'Unité permanente anticorruption (UPAC), un organisme gouvernemental chargé de lutter contre la corruption.
Contacté par CIO, le porte-parole de l'UPAC, Mathieu Galarneau, expliquait mercredi : « Nous confirmons que nous effectuons aujourd'hui une perquisition au siège social de la SAAQ concernant des allégations relatives à la plateforme SAAQclic. Nous ne fournirons aucun détail sur cette perquisition afin de protéger notre enquête. »
La régie « a explosé le budget »
En février, CBC a rapporté que la vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, avait constaté que la régie des assurances « a explosé le budget... et n'a rien à montrer pour le justifier. Deux ans après le début du projet, le système SAAQclic ne fonctionne toujours pas correctement. Le coût réel de la tentative de numérisation de la SAAQ risque maintenant de dépasser 1,1 milliard de dollars canadiens (soit 700 M€ environ, NDLR) ». Soit un dépassement de budget de 500 millions de dollars canadiens (près de 320 M€).
À la suite de ce rapport cinglant, une enquête publique sur les problèmes liés au déploiement de SAAQclic était en cours. Alors qu'un porte-parole d'IBM s'est refusé à tout commentaire, SAP a publié la déclaration suivante : « SAP s'engage à respecter les normes les plus strictes en matière d'éthique et de conformité et dispose d'une approche solide en matière de gestion de la conformité. »
Se regarder dans le miroir
Pour Scott Bickley, du cabinet Info-Tech Research Group, voir des échecs de projets ERP à grande échelle dans les secteurs privé et public est assez courant.Et d'énumérer une série d'échecs de ce type impliquant plusieurs fournisseurs, notamment la litanie de problèmes du ministère américain de la défense (DoD) avec les débâcles des projets DEAMS et ECSS (Oracle), l'implosion du système de paie de Queensland Health en Australie (SAP et IBM), celle du programme de modernisation informatique de la recherche clinique au Royaume-Uni (Oracle, Accenture) ou encore l'échec du projet de modernisation du système de déclaration de santé pour les vétérans du ministère américain de la défense avec Cerner (Oracle).
Publicité« Il est toutefois injuste de rejeter la faute sur les fournisseurs et les consultants sans se regarder d'abord dans le miroir, reprend Scott Bickley. La réussite des projets ERP repose sur un ensemble de facteurs de succès en cascade, et les recherches montrent qu'un petit nombre de facteurs détermine la réussite ou l'échec. Les projets ERP à grande échelle, très complexes, avec des sponsors de programme et des équipes de mise en oeuvre immatures chez le client, échouent massivement ».
Fautes partagées, échec assuré
Dans la plupart des cas, ajoute-t-il, « les organisations clientes n'ont pas suffisamment investi dans les préparatifs initiaux tels qu'une pré-implémentation, une cartographie détaillée des besoins et une évaluation de la gouvernance des données avant de se lancer tête baissée dans un projet de plusieurs millions ou milliards de dollars ».
Et de souligner : « Je n'ai jamais été témoin d'un échec de programme à grande échelle de ce type où la faute n'était pas imputable aux deux côtés de la barrière. Les problèmes sont exacerbés lorsque le client n'a pas correctement investi dans ses propres ressources humaines, dans la formation et dans la restructuration de l'organisation de manière à se donner les moyens de réussir. »
Décrivant SAAQclic comme une « catastrophe », Scott Bickley ajoute que « les projets de grande envergure sont très difficiles à mener dans les meilleures conditions. Il est préférable de diviser ces projets en lots plus petits et plus digestes et de passer des contrats par tranches. Bien que le prix unitaire/horaire puisse être plus élevé, le contrôle offert via un découpage en petits projets plus facilement gérable est inestimable. Personne ne mange un éléphant en une seule bouchée, comme dit le proverbe, alors pourquoi continuons-nous à concevoir des projets de la taille d'un éléphant ? »
Article rédigé par
Paul Barker, CIO US (adapté par Reynald Fléchaux)
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