Management

Malika Mir (Bel) : « La DSI en full télétravail, c'est 35% de gains de productivité »

Malika Mir (Bel) : « La DSI en full télétravail, c'est 35% de gains de productivité »
Malika Mir : « Le télétravail est clairement un argument pour recruter. Sans oublier le fait qu'il me permet aussi de rechercher des compétences en Province. » (Photo : Bruno Levy)

Pour les équipes IT de Bel, le télétravail est la règle, et la présence au bureau l'exception. La DSI et directrice du digital du groupe agroalimentaire dresse le bilan de cette organisation du travail qui tranche avec les choix opérés par la plupart des entreprises françaises.

PublicitéDes équipes IT à 100% en télétravail ? Rares sont les entreprises françaises à avoir fait ce choix, malgré les attentes de leurs salariés - et des candidats à l'embauche - en la matière. Pourtant elle-même peu adepte du télétravail, Malika Mir, la DSI et directrice du digital et de la data du groupe Bel, a instauré une nouvelle organisation où le travail à distance est la règle. L'ensemble des équipes se voyant imposées un jour de présence par mois au siège, à Suresnes, pour renforcer le sentiment d'appartenance et favoriser les échanges. La DSI dresse un bilan extrêmement positif de cette mutation du travail. Tant en termes d'efficacité des équipes que de capacité à recruter de nouvelles compétences.

Comment cette organisation du travail est-elle née ?

Malika Mir : Le dispositif est en place depuis 2021. Lors du premier retour au bureau, après le confinement, j'avais remarqué que les modalités qui étaient alors proposées - soit 2 jours de télétravail - étaient la source d'une certaine grogne dans les équipes. On observait des tensions et le moral des salariés n'était pas très bon. J'ai donc proposé la création d'un groupe de travail avec quelques volontaires, à l'exclusion de mes n-1. Et, aux 18 volontaires - un total élevé par rapport à la taille de notre équipe -, j'ai posé trois questions : quel était, à leurs yeux, le plus gros irritant dans le fait de venir au bureau ? ; quelles seraient les conditions de travail idéales ? ; enfin, quelle est la raison n°1 pour venir au bureau ? Les réponses ont été assez unanimes. Le bureau était synonyme de bruit dans l'open space, de perturbations par des micro-sujets et, paradoxalement, de moindre disponibilité des managers par rapport aux périodes de confinement. Les salariés voulaient venir dans nos locaux quand ils le souhaitaient, et non quand les RH le leur imposaient, et ne plus être limités en nombre de jours de télétravail. Le bureau étant vu avant tout comme un lieu pour socialiser entre collègues.

J'ai discuté de ces résultats avec mes n-1 et j'ai proposé à l'entreprise de lancer une expérimentation de 6 mois sur ces bases. Soit du télétravail jusqu'à 5 jours par semaine, à l'exception d'une journée par mois où toutes les équipes doivent être présentes dans les locaux, pour de la communication interne, des déjeuners entre collègues, des moments de convivialité et du team building. Signalons que les managers gardent la possibilité de demander à leur équipe d'être présente dans les locaux, soit à une date déterminée, soit une journée fixe chaque semaine. Par ailleurs, cette nouvelle organisation du travail s'accompagne pour les salariés du droit à habiter où ils le souhaitent. Elle s'est d'ailleurs traduite par de nombreux déménagements de salariés en province.

PublicitéAvez-vous dû vaincre des réticences en interne ?

La direction générale a soutenu la démarche. Tout comme la DRH qui a vu l'IT comme une locomotive pour mettre en place une organisation du travail plus moderne au sein de groupe. Mais d'autres fonctions ont effectivement fait part de leur crainte de voir les salariés perdre tout sentiment d'appartenance à l'entreprise. L'expérimentation visait précisément à rassurer sur ces aspects. Au bout de six mois, nous avons effectué un premier bilan, via une enquête auprès de tous les collaborateurs de la DSI. Celle-ci faisait apparaître deux évolutions notables : d'abord, les managers sont plus disponibles au sein de cette organisation du travail ; ensuite, les salariés se sentent davantage responsables de leurs actions, en échappant au micro-management qui pouvait avoir cours dans certaines équipes.
Par ailleurs, ce bilan a permis de lever les doutes sur l'engagement des collaborateurs. Sur ce terrain, l'IT figure parmi les meilleurs départements de l'entreprise depuis deux ans dans les enquêtes internes... alors que nous étions parmi les derniers en 2019.

En tant que DSI, quel bilan tirez-vous de cette transformation de votre organisation ?

D'abord, à titre personnel, je déteste le télétravail. J'ai mené ce projet pour l'efficacité du département et la productivité des équipes. Et l'efficacité collective a évolué de façon incroyable ! C'est très sensible sur le nombre de projets livrés dans les temps et au budget. Ca l'est aussi sur la rapidité avec laquelle nous répondons aux attentes des métiers (le time-to-market). J'estime que nous avons gagné environ 35% de productivité !

Par ailleurs, la politique full-télétravail est clairement un argument pour les collaborateurs qui nous rejoignent. Sans oublier le fait qu'elle me permet aussi de recruter des compétences en province. Sans ces leviers, il m'aurait été difficile de tenir mon objectif de 50 recrutements en 2022. Pour un groupe comme Bel, si on avait dû se limiter à la région parisienne et compte tenu des tensions sur nos métiers, cet objectif était difficilement atteignable.


Malika Mir : « La nouvelle organisation du travail pousse les managers à mettre en place des méthodes plus structurée »

Comment vos managers se sont-ils adaptés ?

Tous s'y sont mis, même les plus réticents au départ. Mais tous m'ont expliqué avoir eu besoin d'un temps d'adaptation. La nouvelle organisation du travail les pousse à mettre en place des méthodes plus structurées, auxquelles je dois aussi m'adapter en évitant de les solliciter pendant les temps dévolus aux échanges avec leur équipe. Tous ces rendez-vous - les réunions d'équipe, les temps de présence au bureau, mais aussi des sessions de team building en virtuel que certaines équipes ont mis en place de leur propre initiative - sont planifiés à l'année. Ce qui permet de maintenir le lien et de conserver le sentiment d'appartenance.

Est-ce que ce mode de fonctionnement a été bien accepté par tous les collaborateurs ?

Au total, sur 180 personnes dans les équipes tech et digitale, une seule a démissionné en 2022 parce que cette organisation du travail ne lui convenait pas. La généralisation du télétravail me pousse à être très attentive à l'évolution de l'humeur des équipes. Chaque vendredi, via un petit outil, je prends la température auprès de tous les collaborateurs. C'est un outil de pilotage que les managers d'équipe et moi scrutons avec attention.

Le full télétravail a-t-il eu des conséquences sur les locaux que vous occupez ?

Les espaces à notre disposition ont certes été réduits, mais cela m'a permis de négocier un rafraîchissement des locaux et une organisation différente des lieux.

Est-ce que vos confrères DSI émettent des doutes quant à la pertinence d'une telle organisation ?

Oui, c'est fréquent. Nombreux sont ceux, DSI ou non d'ailleurs, convaincus qu'il est nécessaire que les équipes se voient chaque semaine pour conserver l'engagement des salariés. Je pense qu'ils oublient un peu vite le rôle des managers d'équipe dans le maintien de ce lien.

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