L'Open Source pour rééquilibrer les relations transatlantiques dans le numérique ?

La Linux Foundation Europe souligne les atouts de l'Open Source pour un continent cherchant à gagner en indépendance par rapport à la technologie américaine. A condition toutefois d'investir pour ne plus seulement être des consommateurs passifs de logiciels libres.
PublicitéUne modalité technique en passe de devenir un « impératif stratégique ». C'est ce que veut croire la Linux Foundation Europe, dans son rapport 2025 sur l'état de l'Open Source sur le vieux continent. Basé sur une étude auprès de 316 participants représentant des organisations de tailles diverses, parmi les fournisseurs de technologies (à 39%), les entreprises utilisatrices (42%) et le monde académique ou le secteur public (19%), ainsi que sur 14 interviews plus poussées, le rapport témoigne de l'usage très répandu de l'Open Source. 64% des organisations européennes utilisent au moins un système d'exploitation de cette nature. Elles sont 55% à en faire de même pour les technologies cloud et de conteneurisation, 54% pour les outils de développement, 53% pour les bases de données et la gestion de données...
Mais si les usages sont largement répandus, la maturité des organisations face au modèle Open Source, et aux manières de le faire perdurer, reste largement perfectible. « Derrière cette surface se cache une maturité organisationnelle très variable en matière d'Open Source, écrivent les auteurs du rapport. Si 56% des répondants reconnaissent que les avantages des logiciels libres dépassent leurs coûts, seuls 34% font vivre une stratégie en la matière et 22% ont mis en place un programme Open Source dédié (OSPO, Open Source Programme Office). »
Pour développer les usages, une stratégie claire
Par ailleurs, si 86% des participants n'ayant pas de fonction de direction reconnaissent la valeur du modèle pour le futur de leur organisation, ils ne sont plus que 62% dans ce cas parmi les cadres dirigeants. Et ce, alors même que pour environ 6 répondants sur 10, l'Open Source concourt souvent à améliorer la productivité, à réduire la dépendance aux fournisseurs et à diminuer le coût de possession des logiciels, les trois bénéfices les plus fréquemment associés au modèle. Pour les répondants à l'étude, le développement des usages de l'Open Source au sein de leur organisation passe par la définition d'une stratégie claire en la matière (à 34%), par la compréhension de la valeur non technique du modèle (30%) et par l'amélioration du support juridique et en matière de sécurité (26%). Preuve que c'est avant tout l'environnement entourant les usages de composants libres qui pêche à l'heure actuelle.
En pratique, seulement 42% des organisations européennes sont actives dans les projets Open Source dont elles dépendent, en maintenant et contribuant au code source. Et un peu plus d'un quart de ces mêmes organisations emploient des mainteneurs ou contributeurs Open Source à plein temps (sachant que près de 40% du panel provient de l'écosystème des fournisseurs IT). « Cependant, 81 % de ceux qui le font déclarent percevoir une valeur très élevée ou élevée dans cette approche, indiquent les auteurs du rapport. Ce contraste met en évidence le potentiel inexploité d'investissement privé dans les logiciels libres, qu'il s'agisse de recruter des développeurs contribuant à des projets Open Source upstream ou de financer leurs dépendances via des outils comme GitHub Sponsors ou thanks.dev [des programmes de financement de développeurs contribuant à des projets, NDLR]. »
PublicitéInvestir dans l'Open Source ? Considérer le long terme
Près d'un répondant sur deux estime que son organisation devrait investir davantage dans les projets Open Source dont elle dépend. Cité dans l'étude, Lucian Balea, directeur adjoint de la R&D et directeur Open Source de RTE, estime que les organisations se focalisent trop sur le retour sur investissement à court terme de leur engagement dans l'Open Source, alors que les principaux bénéfices tendent à se concrétiser uniquement à long terme. « Le plus délicat est d'articuler les priorités internes à court terme avec la nécessité de prendre le temps d'interagir avec la communauté, explique-t-il dans le rapport. Or, interagir avec elle prend du temps, car nous devons comprendre les attentes des autres [membres, NDMR] et repenser nos développements pour répondre à des besoins plus variés. Cela signifie que les projets doivent se réserver du temps et de la marge de manoeuvre pour s'écarter de la manière la plus immédiate de répondre aux besoins internes et s'engager avec la communauté dans une collaboration efficace. Ce qui a un coût à court terme. »
En termes de priorités, les participants à l'étude attendent à 55% des alternatives Open Source aux monopoles numériques et voudraient voir, à 52%, les gouvernements européens s'emparer des technologies régies par ce modèle. Deux items qui devancent le classement des technologies Open Source comme communs numériques, une législation plus favorable au modèle et une meilleure éducation à ses caractéristiques. « La question est de savoir si nous pouvons sensibiliser à l'Open Source à un niveau tel que les réglementations soient rédigées de manière à lui bénéficier plutôt qu'à lui nuire, et, sur ce terrain, il reste encore un long chemin à parcourir », dit de son côté Lucian Balea.
Article rédigé par

Reynald Fléchaux, Rédacteur en chef CIO
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