Stratégie

IA : beaucoup d'enthousiasme des DSI, peu de résultats

IA : beaucoup d'enthousiasme des DSI, peu de résultats
88% des responsables IT et métiers affichent leur confiance dans le potentiel de l’IA au sein de leur organisation, alors que seulement 12 % d'entre eux disposent d’un projet en production. (Photo : SEO Galaxy/Unsplash)

Si une part importante de DSI et responsables métiers estiment que leurs efforts en matière d'IA atteindront, voire dépasseront, leurs objectifs, seul un petit nombre a déjà déployé des projets avec succès.

PublicitéUne large majorité de responsables informatiques estiment qu'ils atteindront, voire dépasseront, leurs attentes en matière d'IA. Une confiance en la technologie qui n'est toutefois pas encore étayée par des succès avérés. En réalité, la plupart ont encore un long chemin à parcourir avant d'y parvenir.

Selon une étude menée par Riverbed, éditeur de solutions d'observabilité, pas moins de 88% des spécialistes techniques et des responsables IT et métiers estiment que leurs organisations vont répondre aux attentes en matière d'IA, même si seulement 12 % d'entre eux disposent actuellement de projet en production à l'échelle de l'entreprise. De plus, selon les répondants, seul un projet d'IA sur dix a été pleinement déployé, ce qui suggère que l'enthousiasme pour la technologie dépasse de très loin la capacité à mener à bien ce type d'initiatives.

L'étude de Riverbed fait écho à d'autres, notamment à un rapport récent du MIT indiquant que 95 % des projets pilotes d'IA de nouvelle génération échouent à atteindre un quelconque ROI.

Le frein des données

Par ailleurs, si les entreprises interrogées ont doublé leurs investissements en IA au cours de l'année écoulée, seulement 36% des répondants déclarent que leur organisation est prête à exploiter pleinement cette technologie. Selon l'étude, les dirigeants se montrent plus optimistes que les profils IT, souligne Jim Gargan, directeur marketing de Riverbed. Aux yeux de ces derniers, la qualité et la cohérence des données semblent constituer un obstacle majeur.

Les personnes interrogées expriment ainsi des doutes quant à la qualité de leurs données - un frein à la mise en oeuvre de l'IA -, bien que de nombreuses personnes constatent des améliorations sur ce terrain. Malgré tout, seul un tiers des répondants jugent leurs données excellentes en termes de pertinence, d'adéquation, de cohérence et de standardisation, tandis que moins de la moitié affichent leur optimisme quant à la qualité, l'exhaustivité, l'exactitude, l'intégrité, l'accessibilité et la simplicité d'usage de ces mêmes données. « Les promesses sont grandes, mais les progrès un peu plus lents que prévu, même s'ils sont effectifs d'une année sur l'autre, explique Jim Gargan. Cela ne se produit pas aussi vite que souhaité. Il faut du temps pour que tout cela fonctionne vraiment. »

Attentes floues et précipitation

L'un des problèmes liés à l'excès de confiance supposé des responsables IT est que la plupart des organisations n'ont pas d'attentes concrètes au départ, explique Warren Wilbee, directeur technique de ToolsGroup, fournisseur de logiciels pour la supply chain. « Vise-t-on une nouvelle hausse de productivité de 10% ou une baisse de 2% des effectifs ? Les attentes sont mal définies », souligne-t-il.

PublicitéD'autres experts constatent que les difficultés nées de l'enthousiasme suscité par l'IA dépassent les seules difficultés de déploiement de la technologie. Dans de nombreux cas, les dirigeants d'entreprise sous-estiment les exigences technologiques, de conformité et de gouvernance, explique ainsi Patrizia Bertini, associée directrice du cabinet britannique de conseil en réglementation IT Aligned Consulting Group. « La pression pour "faire quelque chose avec l'IA" a créé un faux sentiment d'urgence, affirme-t-elle. Trop d'organisations se lancent sans vision claire, ni compréhension des exigences nécessaires au fonctionnement concret de l'IA. Elles se concentrent sur ce qu'il faut déployer, et non sur la manière de le faire de manière responsable. »

La loi européenne sur l'IA (AI Act), par exemple, comprend plusieurs règles auxquelles de nombreux DSI ne sont pas préparés, ajoute-t-elle. « Lorsque nous expliquons les exigences de la future loi européenne sur l'IA - de la documentation des sources de données aux tests de biais en passant par la présentation des flux décisionnels -, nous sommes stupéfaits, appuie Patrizia Bertini. La plupart des DSI admettent n'en avoir aucune idée. Leurs partenaires de la conformité ne leur donnent pas une vision complète » de ces obligations.

Prendre conscience de l'ampleur du changement

Outre les défis liés à la conformité et à la gouvernance, de nombreux projets d'IA en sont encore à leurs premières étapes, selon les experts. Les agents d'IA, en particulier, sont très prometteurs, mais les implémentations restent balbutiantes, selon Warren Wilbee de ToolsGroup.

Pour l'expert, si l'enthousiasme suscité par l'IA est justifié, le manque de déploiements à l'échelle de l'entreprise s'explique par l'ampleur de la transformation requise. « Si l'IA peut être utilisée comme une simple mise à niveau fonctionnelle, comme dans le cas des chatbots ou autres outils similaires, son véritable potentiel va bien au-delà, affirme-t-il. Pour en tirer pleinement parti, l'IA agentique ne peut être considérée comme une simple solution prête à l'emploi : elle exige de repenser les processus et de remodeler le mode de fonctionnement des travailleurs du savoir. »

Warren Wilbee s'attend à des progrès significatifs d'ici un an, à mesure que les organisations maîtriseront les changements opérationnels nécessaires au déploiement d'une IA transformant réellement leurs modes de fonctionnement. Selon lui, de nombreux dirigeants d'entreprises ne comprennent pas encore pleinement les implications du déploiement et de l'utilisation de l'IA, et beaucoup ignorent l'ampleur des changements que cette technologie va opérer sur la nature du travail. Au lieu d'exécuter des tâches, de nombreux employés géreront des agents chargés de les accomplir : un bouleversement radical. « L'IA agentique recèle un potentiel énorme, mais son déploiement complet prendra du temps, nécessitera des efforts et des investissements, résume-t-il. La réussite dépendra de la rapidité et de la qualité de l'intégration de la technologie aux processus des organisations et de la mise en place des fondations nécessaires. »

Sortir du purgatoire des PoC

Les projets d'IA ont encore besoin de temps pour atteindre la phase de déploiement massif, abonde Yoni Michael, CTO et cofondateur de Typedef, une start-up spécialisée dans la transformation des prototypes en déploiements. Si lui aussi estime l'enthousiasme pour la technologie justifié, il anticipe un point d'inflexion qui verra un grand nombre de projets passer en production à grande échelle d'ici deux à trois ans. « On assiste à un réel enthousiasme sur le marché ; et je ne pense pas que la plupart de ces dirigeants se bercent d'illusions, affirme-t-il. Mais ils sous-estiment souvent la distance qui existe entre "ça marche sur un notebook ou lors d'une démonstration" et "ça fonctionne de manière fiable, à grande échelle, en production". »

Pour sortir du purgatoire des projets pilotes, Yoni Michael suggère aux DSI d'investir dans une infrastructure nativement pensée pour l'IA le plus tôt possible. « Les environnements de données traditionnels n'ont jamais été conçus pour l'inférence ou les données non structurées », explique-t-il.

Ne pas laisser l'IA devenir une boîte noire

Les DSI devraient également se pencher sur les questions de responsabilité et sur les garde-fous encadrant projets d'IA. Et devraient lier les projets pilotes aux indicateurs clés de performance (KPI) de l'entreprise. Sans oublier d'appliquer les limites prédéfinies en matière d'erreurs, de latence et de coûts. Enfin, Yoni Michael conseille aux DSI de « prévoir des solutions de secours en cas de dysfonctionnement ».

De plus, les responsables informatiques devraient constituer des équipes pluridisciplinaires, recommande-t-il. « L'avenir ne se résume pas à la science des données ; il passer par la collaboration entre l'ingénierie des données, le machine learning, les ingénieurs systèmes et les ingénieurs spécialistes de fiabilité, ajoute Yoni Michael. Favorisez la collaboration entre les équipes informatiques centrales, d'infrastructure et d'IA. Ne laissez pas l'IA devenir une boîte noire : intégrez-la à vos opérations principales, et non à un projet secondaire. »

Enfin, les responsables IT devraient prévoir d'entrée de jeu la maintenance de leurs initiatives, et non les penser comme un simple lancement ponctuel. « Les modèles dérivent, les données évoluent et les habitudes d'utilisation changent, constate Yoni Michael. Vous avez besoin de pipelines pour le réentraînement, les retours arrière, le travail en mode fantôme et la gestion des versions. »

Partager cet article

Commentaire

Avatar
Envoyer
Ecrire un commentaire...

INFORMATION

Vous devez être connecté à votre compte CIO pour poster un commentaire.

Cliquez ici pour vous connecter
Pas encore inscrit ? s'inscrire

    Publicité

    Abonnez-vous à la newsletter CIO

    Recevez notre newsletter tous les lundis et jeudis