La Macif crée une chaire sur l'avenir du travail à l'heure de l'IA
Les impacts de l'IA sur le travail sont nombreux, complexes, multiformes, intriqués, et tout autant sociaux que techniques. Pour les comprendre et y répondre concrètement, la Macif crée la chaire « IA : pour un futur du travail désirable » à la croisée de la technologie et des sciences humaines, avec Inria et Matrice.
PublicitéAprès avoir travaillé durant plus d'un an sur un manifeste pour l'utilisation éthique de l'intelligence artificielle au sein de son organisation, publié début 2025, la Macif crée la chaire « IA : pour un futur du travail désirable ». La mutuelle travaillera au sein de cette chaire, qui sera inaugurée en janvier 2026, avec une équipe de chercheurs en sciences humaines et sociales d'Inria et de Matrice. Cette structure associative étudie les transformations sociales et humaines par la technique, et en particulier le numérique. D'autres organisations issues de secteurs différents, mais avec les mêmes préoccupations liées à l'arrivée de l'IA, devraient également rapidement rejoindre la chaire.
Cette dernière va suivre un programme de 3 ans pour étudier l'intégration de l'IA dans le quotidien des salariés de la mutuelle et, plus largement, la transformation du travail à l'heure de l'IA. Les grandes thématiques explorées seront l'intégration d'un assistant IA à destination de plusieurs milliers de salariés de la Macif dès l'an prochain, un cas d'usage en relation client en 2027 et un autre en lien avec l'engagement des employés en 2028. Les enjeux managériaux de l'intégration de l'IA feront aussi l'objet de travaux de recherche la même année.
« Nous ne mesurons ni la portée, ni les limites de l'IA »
« L'IA capte aujourd'hui toute l'attention des entreprises, des employeurs, des salariés, des citoyens, observe Jean-Philippe Dogneton, directeur général de la Macif. Et tout le milieu économique vit aujourd'hui autour de l'IA. [...] Elle est clivante et elle a tous les symptômes de la transformation et de la révolution. Et c'est ce que nous devons aborder de la manière la plus concrète possible, car nous n'en mesurons encore ni la portée, ni les limites, ni le cadre ».
En créant cette chaire, la Macif souhaite produire des connaissances scientifiques nouvelles sur le sujet. Mais l'initiative va aussi accompagner la transformation de la mutuelle avec l'IA en tenant compte des enjeux humains autant que des enjeux économiques. L'entreprise associe, par ailleurs, dans ce dispositif l'ensemble des parties prenantes : les dirigeants de la Macif et les représentants du personnel, mais aussi les managers et les salariés.
Mais la Macif a également souhaité coupler compétences technologiques dures et expertises en sciences humaines et sociales, sans oublier l'apport d'acteurs socio-économiques. Preuve de cette orientation voulue par la Macif, le conseil scientifique est constitué de chercheurs en économie, en philosophie ou en histoire des idées, et dirigé par le docteur en sociologie Yann Ferguson. Ce dernier est également directeur scientifique du LaborIA, centre de ressources et d'expérimentations sur l'intelligence artificielle dans le milieu professionnel du Ministère du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion. Il y travaille déjà avec le troisième pilier de la chaire Macif, la start-up Matrice.
Publicité« À quoi vais-je encore servir demain ? »
Celle-ci explore le sujet de l'IA et du travail en s'appuyant sur la connaissance scientifique en sciences humaines et sociales, croisée avec les expériences de terrain issues d'entreprises de toutes tailles ou d'institutions publiques « où l'on essaye de fabriquer des synthèses entre les humains et les machines », comme le précise François-Xavier Petit, directeur général de Matrice. Il décrit sa structure comme un centre d'innovation technologique et d'imaginaires. « Nous venons des sciences humaines. Et, à partir de la sociologie, de l'anthropologie, de l'histoire, de la philosophie notamment, nous regardons la question des effets sociaux du numérique. [...] Or, la question de l'intelligence artificielle se joue justement très largement dans ses usages, dans la façon dont elle pénètre le social, dont elle rentre sur le terrain, dont elle s'agence, s'allie avec les humains dans une réalité de pratique de travail ».
Pour François-Xavier Petit, au-delà de la performance de la technologie, les questions largement posées par l'IA et le travail sont tout autre : "Quel est mon métier ? Quelle est mon identité professionnelle ? Quelle est la dynamique de mon secteur ? À quoi vais-je encore servir demain ? En quoi cela a-t-il encore du sens ?" Mais Matrice contribuera aussi à un travail de prospective au sein la chaire. « Ce que la technologie dessine aujourd'hui est tout à fait décisif, rappelle le DG. Et nous devons être capables d'anticiper, de comprendre pourquoi on y va, ce que cela signifie pour l'organisation, pour les salariés, pour le sens qu'on veut donner au mutualisme. On doit être capables de dire cela pour, aujourd'hui, faire les bons choix en matière de technologie, d'organisation du travail, etc. »
Une gouvernance et des projets déjà en place
Par ailleurs, si le président, le directeur général de la Macif, ainsi que le directeur Réponses besoin sociétaires et Innovation et le directeur du Digital et des systèmes d'information participeront à la chaire, c'est aussi le cas du DRH, Nicolas Llorens. En particulier, il travaillera l'an prochain sur le sujet de la transformation du dialogue social à l'heure de l'IA. La Macif a déjà impliqué les instances représentatives de ses salariés dans l'écriture de son manifeste, mais elle les inclut aussi systématiquement dès le choix d'un cas d'usage pour un déploiement. La mutuelle a déjà déployé une quarantaine de cas d'usage d'IA, tous passés par le CSE. Et c'est encore le cas pour les trois projets qui seront déployés à partir de janvier et étudiés dans le cadre de la chaire.
« Nous avons une structure de gouvernance dédiée aux projets d'IA qui repose sur 4 principes, rappelle le président de la Macif, Jean-Louis Grosse-Delasalle. Ces principes sont la responsabilisation de tous les maillons de la chaîne, la capacité pour tous à questionner, une approche transversale quel que soit le sujet et, parce qu'avec l'IA, nous sommes sur des sables mouvants, un pilotage permanent ». Pour le président de la mutuelle, l'impact social, en particulier sur les équipes, vient de ce que l'IA est une technologie émergente qui arrive dans tous les métiers et qui peut être perçue comme une perte de sens, à un moment où il y a, au contraire, une importante quête de sens dans le travail. En 2023, la Macif a créé des instances de gouvernance pour l'IA et, en 2026, elle compte faire en sorte que ses 12 000 salariés s'approprient l'outil. Avec la réalisation de tâches répétitives, comme le traitement des mails, ou d'un nombre massif de tâches en parallèle, comme le traitement de sinistres en grand nombre après une catastrophe.
Article rédigé par
Emmanuelle Delsol, Journaliste
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