Edrix : un indice pour évaluer le niveau de dépendance numérique de l'Europe

L'indice européen de résilience numérique (Edrix) tente de mesurer la dépendance des 27 pays de l'UE à la technologie venue d'autres continents. La France se classe 6ème, en recul de 4 places en deux ans.
PublicitéLa question de la souveraineté numérique s'est invitée tout en haut de l'agenda politique. Mais comment l'évaluer et comment évolue-t-elle ? Certes, une étude d'Asterès, pour le Cigref, a évalué à 264 Md€ la dépense annuelle de l'Europe en technologies américaines (sur la base d'une méthodologie discutable toutefois). « Cette grave vulnérabilité économique est dangereusement amplifiée par l'effondrement de la vieille alliance transatlantique en 2025 », écrit l'Edrix, une nouvelle initiative créée par Stéfane Fermigier et visant à évaluer la dépendance numérique des différents pays de l'Union européenne, autrement dit à fournir une mesure de la « capacité d'une nation à créer, maintenir et contrôler son propre destin numérique ».
Sans surprise, Edrix pointe des lacunes majeures de la plupart des pays européens, « un échec stratégique généralisé » qui menace les fondements mêmes de la souveraineté européenne et de la vie privée de ses citoyens, estime Stéfane Fermigier. Le rapport note notamment la dépendance d'institutions publiques de premier plan à la technologie américaine : sites web officiels des gouvernements de l'Estonie, de l'Irlande et de Malte, du Président français, du monarque danois et de la capitale finlandaise, Helsinki, ou encore messageries d'administrations clés en Belgique, Bulgarie, à Chypre, en Espagne, en Italie, Lettonie, Lituanie, aux Pays-Bas, en Slovaquie et en Suède.
Derrière l'Allemagne, mais devant l'Espagne ou l'Italie
Des lacunes qui ne sont guère compensées par l'adoption des technologies souveraines ou Open Source par les citoyens et entreprises. Selon Edrix, la part de Linux sur les ordinateurs de bureau en Europe est limitée à 3,7% ; celle des navigateurs 'souverains' ne dépasse pas 17%. Soit, dans les deux cas, moins que les niveaux observés aux Etats-Unis. « Notre indice est conçu pour exposer ces faiblesses structurelles profondes et servir d'appel urgent à une action décisive de la part de chaque capitale européenne », écrit Stéfane Fermigier.
Dominé par l'Allemagne, qui obtient un score global de 7,8 (sur 10), le classement Edrix (European Digital Resilience Index) du premier semestre 2025 classe la France en 6ème position. Avec un score de 6,64, la France est devancée, outre l'Allemagne, par la République Tchèque, la Suède, la Finlande et l'Estonie. La France devance toutefois d'autres grandes économies européennes, comme les Pays-Bas (8ème), l'Espagne (17ème) ou l'Italie (19ème).
Pour calculer l'index Edrix, cinq dimensions sont prises en compte : les politiques publiques en matière d'Open Source (en se basant sur les résultats de l'Observatoire de l'Open Source de la Commission européenne), l'écosystème de développeurs, l'adoption des technologies souveraines ou Open Source par les citoyens et entreprises, la résilience du secteur privé (en évaluant la dépendance des grands sites privés de chaque pays à la technologie non européenne) et, enfin, la résilience numérique du secteur public de chaque Etat membre.
Publicité
A la seconde place jusqu'en 2023, la France perd 4 places dans le classement Edrix des 27 (Source : Edrix)
Si la France obtient des résultats assez équilibrés sur ces 5 critères, d'autres s'affichent en champions d'un domaine, affichant des scores maximaux dans un domaine particulier, comme l'Allemagne sur les politiques publiques, la République Tchèque sur la résilience de ses secteurs privé et public, l'Estonie sur son écosystème de développeurs ou la Finlande sur l'adoption de technologies souveraines. Précisons que ces scores sont relatifs, autrement dit une note de 10 signifie simplement que le pays obtient le meilleur score parmi les 27.
Ni écosystème de développement solide, ni adoption de technologies souveraines
« La France demeure un acteur stratégique majeur de la souveraineté numérique européenne, s'appuyant sur une politique publique forte et un secteur public robuste pour mener à bien son programme. Cependant, son approche descendante ne s'est pas encore pleinement traduite par un écosystème de développeurs de premier plan ni par une adoption massive [de technologies souveraines] par la population », commente l'auteur de l'index, notant que le site officiel de la Présidence dépend de technologies américaines (même si Elysée.fr tourne sur le cloud de Cegedim, dûment labellisé SecNumCloud, il exploite la technologie américaine Cloudflare). Selon Edrix, la France a toutefois reculé dans le classement européen, passant de la seconde place (toujours derrière l'Allemagne), qu'elle occupait de 2010 à 2023, à la 6ème.
Article rédigé par

Reynald Fléchaux, Rédacteur en chef CIO
Suivez l'auteur sur Twitter
Commentaire
INFORMATION
Vous devez être connecté à votre compte CIO pour poster un commentaire.
Cliquez ici pour vous connecter
Pas encore inscrit ? s'inscrire