Grand Théma DSI 2026 : les DSI d'ETI aux prises avec l'IA et la relation aux éditeurs
Nous avons reçu les pilotes des SI d'Heppner, de la région Île-de-France et de Thuasne pour évoquer leurs priorités pour 2026. Les stratégies cloud et IA dominent avec, en toile de fond, la transformation des relations avec les fournisseurs de logiciels.
PublicitéIA, agentique et cloud font partie des préoccupations des ETI pour 2026. Mais, elles croisent celles liées aux coûts du logiciel ou à l'indépendance vis-à-vis des éditeurs en général, et des éditeurs hors Union européenne en particulier. Autrement dit, les structures de taille moyenne commencent à s'intéresser à leurs propres capacités de réinternalisation du développement logiciel avec l'IA pour challenger les fournisseurs et leurs politiques tarifaires. Nous en avons discuté dans notre émission « DSI 2026 : les ETI face aux nouveaux enjeux IT » avec Henri Adreit, directeur de l'innovation digitale et des systèmes d'information du transporteur et logisticien Heppner, de Bernard Giry, directeur général adjoint transformation numérique à la Région Île-de-France, et d'Olivier Carré, DSI et chief digital officer du fabricant d'orthèses Thuasne.
Regardez notre émission « DSI 2026 : : les ETI face aux nouveaux enjeux IT »
Chez le transporteur et logisticien Heppner, la transformation digitale est devenue un des piliers du plan stratégique 2025-2026 et se décline en quelques chantiers structurants. En 2026, comme le détaille Henri Adreit, l'entreprise va ainsi définir un core model - infrastructure, réseau, cyber, applicatif -, pour homogénéiser les SI dans la dizaine de pays dans lesquels il exerce. Dans la même optique, l'entreprise s'engage dans le choix d'un TMS unique pour l'ensemble de ses filiales hors de France. Mais, depuis sa bascule dans le cloud, elle travaille aussi sur la maîtrise des usages et des coûts du cloud, et met donc en place une démarche FinOps, et surtout CloudOps, avec un pilotage fin basé sur des indicateurs et tableaux de bord créés en interne.
« Le cloud nous permet de nous déployer plus vite à l'international, de gérer les vulnérabilités. Mais avec ces cloud providers [Microsoft Azure et GCP, principalement chez Heppner], ce n'est jamais magique, donc nous avons un sujet de hausse de coûts, insiste Henri Adreit. C'est pourquoi nous avons lancé une initiative de pilotage FinOps, et surtout CloudOps. Qui plus est, cela nous permet de créer un lien avec les métiers, car, en affichant un coût potentiel ou en projetant des coûts futurs, nous discutons des besoins réels. » Henri Adreit rappelle que le move to cloud, comme son futur core model, sert à l'entreprise à se déployer plus vite à l'international, mais aussi à gérer les vulnérabilités par exemple, et à décharger la DSI de cette tâche.

« La démarche FinOps nous permet aussi de créer un lien avec les métiers, car, en affichant un coût potentiel ou en projetant des coûts futurs, nous discutons des besoins réels », dit Henri Adreit, directeur de l'innovation digitale et des SI d'Heppner.
PublicitéAu sein de la Région Île-de-France, Bernard Giry souhaite mettre davantage la DSI au service de la politique publique et explore lui aussi plus avant la data et l'IA. « La DSI de la région IdF, cela reste la DSI d'une grosse ETI, rappelle Bernard Giry. Or, pour 2026, nous avons des défis à la fois organisationnels, techniques et stratégiques ». Le premier défi réside dans le renforcement du lien avec la direction générale de la région, pour devenir un réel soutien à la politique publique. Le second, organisationnel, consiste à renforcer les SI autour de l'IA et de la data, entre autres en continuant de faire évoluer les équipes autour de « la valeur data ». Il s'agit de passer d'une DSI de maintenance à une DSI « valeur data », avec en particulier des challenges d'urbanisation et d'APIsation. Mais, à la région Île-de-France aussi, la réflexion porte sur la dépendance aux grands acteurs du logiciel. Si ce n'est que le sujet concerne chez elle également de petits éditeurs métier. « On parle souvent de souveraineté vis-à-vis des grands acteurs, mais certains acteurs français de niche sur la gestion des subventions, la formation professionnelle, la gestion du patrimoine, etc. sont souvent quasi monopolistiques », insiste Bernard Giry.
Depuis un an ou deux, la région suit de plus en plus une logique de sourcing systématique de logiciels français ou européens. « Plus que l'arrivée de Donald Trump, la première source de motivation en la matière, c'est la réduction des dotations aux collectivités, insiste Bernard Giry. Il reste pourtant quasi impossible d'avoir du 100% français, mais nous regardons comment réduire la place de ces acteurs étrangers ». Outre le sourcing, la région soutient aussi certains acteurs nationaux, comme l'éditeur de la plateforme de curation Pearltrees pour l'accès aux manuels scolaires dans les lycées ou la solution de mutualisation de la cyber Board of cyber. Avec, en parallèle, une exigence renforcée en matière d'APIsation et d'accès à la data.

« On parle souvent de souveraineté vis-à-vis des grands acteurs, mais certains acteurs français de niche sur les subventions, la formation professionnelle, la gestion du patrimoine, etc. sont aussi souvent quasi monopolistiques », souligne Bernard Giry, directeur général adjoint transformation numérique à la Région Île-de-France.
De son côté, après avoir exploré la GenAI, Thuasne a défini une feuille de route IA centrée sur la transformation de ses processus. Un plan qui le conduit lui aussi à entamer une réflexion sur les relations de l'entreprise avec les prestataires et éditeurs, et à réexaminer les coûts associés. En particulier, avec l'arrivée de l'agentique. En juillet 2024, le fabricant d'orthèses a créé un pôle IA qui monte doucement en puissance. L'ETI a déjà déployé une vingtaine de cas d'usage opérationnels, en GenAI et IA traditionnelle, qui vont de la traduction à la gestion de la qualité, en passant par la gestion des commandes. « L'idée de notre feuille de route est de réfléchir en profondeur à la transformation des processus, explique Olivier Carré. Or, si on a de l'IA agentique, qu'est-ce que cela signifie justement en matière d'amélioration de ces processus, de productivité et d'adaptation de l'organisation ? Cela nous conduit aussi à avoir un regard plus critique sur les offres du marché, pour savoir qui bénéficie réellement des gains de l'IA ».
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Selon Olivier Carré, les fournisseurs proposent des solutions IA parfois très chères, alors que ses équipes pourraient développer des solutions équivalentes en se basant sur des algorithmes, des LLM assez standards, avec lesquels les gains reviendraient principalement à Thuasne, et non au fournisseur. « Comment le jeu entre les éditeurs, les fournisseurs de logiciels, les prestataires de service se remet-il en musique au regard de l'IA ?, s'interroge Olivier Carré. Car aujourd'hui, nous pouvons développer plus rapidement et à des couts moindres ».

« Comment le jeu entre les éditeurs, les fournisseurs de logiciels, les prestataires de service se remet-il en musique au regard de l'IA ? Car aujourd'hui, nous pouvons développer plus rapidement et à des coûts moindres », dit Olivier Carré, DSI et chief digital officer du fabricant d'orthèses Thuasne.
Pour lui, l'arrivée de l'IA remet en cause la valeur des logiciels dont l'entreprise dispose dans ses différents sites, et même parfois sa stratégie de localisation. « Il y a des choses qu'on ne pouvait pas faire en France pour des questions de coûts, rappelle Olivier Carré. Mais avec l'IA, c'est beaucoup moins pertinent ». Pour lui, l'IA va bouleverser les entreprises, mais tout particulièrement celles du logiciel. Thuasne fait désormais intervenir le responsable de son pôle IA pour chaque choix de logiciel, afin de challenger les solutions externes et d'évaluer si un développement interne n'est pas possible à moindre coût. Sans compter que le DSI de Thuasne estime que cette évolution pose une vraie question sur le logiciel transactionnel, « un modèle construit dans les années 70 autour d'un utilisateur derrière un écran, et qui reste le business model principal des éditeurs, en SaaS ou pas ». Or, avec l'IA, plus besoin de l'interface habituelle. Pour Olivier Carré, avec un agent, finalement, on peut attaquer directement la donnée et contourner les éditeurs.
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Article rédigé par
Emmanuelle Delsol, Journaliste
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