Stratégie

Deutsche Börse parie sur un centre d'excellence pour une IA responsable

Deutsche Börse parie sur un centre d'excellence pour une IA responsable
Le groupe Deutsche Börse mise sur quatre plateformes d'IA. Notamment sur Joule de SAP et sa future connexion à la solution de GenAI interne. (Photo : Deutsche Börse)

Grâce à un centre d'excellence, le groupe Deutsche Börse encadre son utilisation de l'IA. Une structure qui sert de point de convergence des initiatives du groupe et de garant de la gouvernance.

Publicité« Nous voulons garantir la transparence, la gouvernance et la conformité dans un environnement hautement réglementé, sans pour autant freiner l'innovation. » C'est par ces mots que Sebastian Wedeniwski, directeur technique du groupe Deutsche Börse, décrit l'objectif du centre d'excellence en IA (CoE) qu'il a lancé il y a environ deux ans. Cette initiative s'inscrit dans la stratégie IA du prestataire de services financiers, le CoE apparaissant comme le point de convergence des initiatives du groupe. Les exigences réglementaires, telles que la loi européenne sur l'IA (AI Act), ont également joué un rôle dans la naissance de cette structure.

Ce cadre juridique impose, par exemple, aux entreprises de maintenir une visibilité permanente sur les applications d'IA déployées. Le groupe Deutsche Börse doit être en mesure de fournir à ce sujet des informations aux autorités de régulation, comme la BaFin, l'autorité fédérale de supervision financière outre-Rhin. « Si la BaFin souhaite connaître le nombre de cas d'usage d'IA que nous avons en production, nous ne pouvons répondre qu'avec l'aide d'une fonction centralisée, observe Sebastian Wedeniwski. Nous avions donc besoin d'une entité qui combine vision d'ensemble et responsabilité : notre centre d'excellence. »

Piloter et encadrer les initiatives

Pour le groupe Deutsche Börse, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 5,8 Md€ en 2024 et emploie près de 16 000 personnes dans le monde, le CoE IA est un outil de gestion opérationnelle aux fonctions essentielles. La transparence, la gouvernance et la conformité sont tout aussi importantes que le soutien apporté aux départements spécialisés. Le CoE est responsable du cadre de gouvernance et de l'inventaire des applications d'IA associé. Ce dernier centralise tous les cas d'usage au sein du groupe. L'équipe gère également la communication, organise les formations et favorise ainsi les synergies internes.

Le CoE joue donc à la fois un rôle de filtre et de catalyseur, résume Sebastian Wedeniwski. Il définit le cadre, évalue les risques et veille à ce que toutes les initiatives en IA soient conformes à la réglementation européenne : « Bien que nous soyons co-responsables du cadre de gouvernance, nous nous considérons non pas comme un obstacle, mais comme un facteur structurant », nuance-t-il. Dans cette optique, le CoE veille à ce que les applications d'IA soient classées, notamment selon le niveau de risques comme le prévoit la future réglementation européenne. Actuellement, aucun cas d'usage classé à haut risque n'est déployé, précise le directeur technique.

Organisation fédérée, gouvernance centralisée

Sur le plan organisationnel, le centre d'excellence adopte un modèle hybride. Actuellement, cinq collaborateurs forment une équipe virtuelle pilotée par un responsable. Cette équipe est étroitement intégrée aux services juridique, risques, conformité et RH par le biais du cadre de gouvernance. Parallèlement, des « référents IA » ont été désignés au sein des différentes unités opérationnelles pour assurer le lien avec les métiers.

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Sebastian Wedeniwski, directeur technique du groupe Deutsche Börse : « L'une des premières questions à se poser lors de l'inventaire de l'IA est : quelles données sont utilisées ? » (Photo : Deutsche Börse)

Sebastian Wedeniwski souligne que le CoE ne gère pas un budget innovation, mais exerce une fonction de contrôle et de structuration : « je ne souhaitais pas un budget IA centralisé qu'un CoE puisse utiliser pour prioriser les initiatives IA au sein de l'entreprise. Notre objectif est de simplifier le travail des autres et de fournir une structure », dit-il.

IA, gouvernance et architecture : trois domaines étroitement liés

Pour le directeur technique, la clé du succès réside dans l'intégration de l'IA et de la gouvernance des données, deux domaines dont il a la responsabilité. « L'une des premières questions à se poser lors de l'inventaire de l'IA est : quelles données sont utilisées ? », souligne Sebastian Wedeniwski. Il en va de même pour l'architecture. Sur le plan organisationnel, le CoE est rattaché au département architecture d'entreprise de Deutsche Börse. « Il était important pour moi que l'architecture définisse également les orientations du CoE, explique le responsable. Grâce à cette structure, nous intégrons la gouvernance de l'IA à l'expertise architecturale. »

Parallèlement au CoE, le groupe Deutsche Börse a mis en place quatre plateformes centralisées pour l'IA. Tout d'abord, DAISY (Deutsche Börse AI Systems), développée en interne, sert principalement d'outil de gestion des connaissances et de recherche pour les collaborateurs. « DAISY est notre plateforme personnalisée sur laquelle nous développons des fonctionnalités de chat et, à l'avenir, des agents », explique le directeur technique. De plus, DAISY est intégrée au maillage de données du groupe, afin de permettre un accès fluide aux sources de données distribuées.

4 plateformes d'IA

En matière de développement logiciel, la société financière mise sur GitHub Copilot. Les développeurs exploitent la plateforme pour générer des suggestions de code et accroître leur productivité. Deutsche Börse mise encore sur Microsoft 365 Copilot pour améliorer la productivité dans les applications bureautiques et de collaboration. « La plateforme est devenue un standard de facto pour nous », assure Sebastian Wedeniwski. SAP Joule, la quatrième plateforme, est principalement destinée à automatiser davantage les processus internes dans des domaines tels que les RH, les achats et la finance. Il est également prévu d'intégrer le système à la plateforme de GenAI de l'entreprise afin de permettre une prise de décision plus rapide et contextuelle.

Innovation vs. contrôle réglementaire

Lors de la mise en oeuvre de divers projets d'IA, Sebastian Wedeniwski a constaté la difficulté à établir des structures de gouvernance concrètes. Pour lui, l'un des principaux défis consiste à trouver le juste équilibre entre le contrôle réglementaire et la volonté d'innovation des opérationnels : « certaines entités souhaitent simplement déployer rapidement des projets d'IA ; dans ce cas, une étroite collaboration avec le service conformité est essentielle », souligne-t-il. Le CoE apporte un avis consultatif et s'efforce de concilier les différents intérêts.

Parmi les autres défis figurent le transfert de compétences, l'adoption par les métiers - pour laquelle l'entreprise privilégie une approche ascendante - et le rapport coût-bénéfice surtout sur les processus de support traditionnels. De nombreux processus d'assistance et de support sont hautement automatisés, mais au prix de milliers de règles. Ils sont donc complexes et « extrêmement personnalisés », selon le directeur technique, qui ajoute : « c'est un travail considérable ; le retour sur investissement n'est pas immédiat. » Il est néanmoins convaincu que le groupe Deutsche Börse figure parmi les pionniers du secteur financier, notamment en matière de gouvernance : « nous savons exactement ce que signifient le risque, les données et la conformité, et comment intégrer ces aspects dans un cadre unique. » Sebastian Wedeniwski souligne également l'importance de directives de gouvernance transparentes. Dans le développement logiciel, par exemple, huit règles claires suffisent. Il est notamment stipulé que les développeurs sont responsables du code généré par l'IA qu'ils ont examiné et validé.

L'IA agentique pour prochaine étape

Le directeur technique lorgne désormais vers l'IA agentique, c'est-à-dire des systèmes dans lesquels différents agents autonomes initient des processus indépendamment : « Pour nous, l'IA générative a principalement une fonction de support. Avec l'IA agentique, nous souhaitons contrôler des processus complets », dit-il. Cela implique également de nouvelles exigences en matière de gouvernance. « Une fois les agents connectés, nous devons nous assurer qu'ils ne partagent pas d'informations auxquelles ils ne sont pas autorisés à accéder. » Imposant une refonte des directives actuelles reposant sur le principe de 'l'humain dans la boucle'.

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