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Exalead/Dassault : air frais sur le monde du progiciel

Exalead/Dassault : air frais sur le monde du progiciel

Le rachat d'Exalead par Dassault Systèmes amène un vrai vent nouveau et positif sur le marché du progiciel. Tribune publiée initialement sur le blog de Jean-Pierre Corniou, Technologie et Société de la Connaissance.

PublicitéLes mastodontes du logiciel nous ont déshabitué à nous enthousiasmer pour leurs produits et leur stratégie. En cinq ans, le paysage des éditeurs de progiciel a été tellement rationalisé par une bataille féroce d'acquisitions que  les quelques oligopoles qui subsistent ne séduisent guère par leur créativité et leur capacité à faire bouger le fonctionnement des entreprises. Si "It doesn't matter" c'est sûrement parce que fondamentalement on ne travaille pas différemment dans la vie quotidienne des entreprises avec les outils qui ont été conçus au XXe siècle et qui pour l'essentiel ignorent tout du monde du web. Absorbés par leur souci de neutraliser leurs concurrents et de construire un semblant de cohérence dans un catalogue hétérogène, les grands éditeurs - la bande des Quatre : Microsoft, IBM, SAP, Oracle - n'ont guère innové, malgré leurs vertueuses dénégations, et on attend toujours avec impatience les outils capables d'enthousiasmer et de donner envie de réinvestir dans les fondements dus système d'information. La tentation pour les DSI est bien de toucher le moins possible à ce socle historique en le laissant doucement vieillir et en prenant le risque, mesuré, de ne pas suivre le ryhtme des changements de version, coûteuses et peu créatrices de valeur.

Il y a une grande logique, technique et économique, dans cette situation de stabilisation forcée. Changer les habitudes des utilisateurs sans évolution majeure des fonctionnalités ne crée aucune valeur pour les entreprises, et apparaît aux directions générales soucieuses de réduire le budget informatique comme un impôt déraisonnable. Bien sûr les éditeurs s'en désolent, car la vente de nouvelles licences reste un moteur de motivation pour leur force de vente, et pour les actionnaires, plus stimulant que le lucratif marché de la maintenance. Néanmoins ils se consolent assez facilement en imposant dans des conditions controversées une augmentation des tarifs de maintenance et une obsolescence planifiée de leurs contrats de support pour générer un flux significatif de revenus récurrents. Certes, cela ne va pas sans réaction des clients, comme les utilisateurs de SAP ont pu le démontrer en déstabilisant même la direction générale de l'éditeur. Mais globalement, le marché de l'édition de logiciel a pu se maintenir en 2009 avec un taux de croissance faible mais positif.

Néanmoins, le marché est face à de nouvelles logiques. Les éditeurs doivent désormais se positionner face à la maturité de la demande qui les condamne à gérer un parc désormais stabilisé pour lequel le renouvellement est verrouillé par la complexité et les coûts de projets aléatoires. Le solutions nouvelles de type SaaS et cloud computing séduisent le marché des PME mais n'apparaissent pas encore comme une solution au renouvellement des grandes infrastructures logicielles. Il y a donc clairement une impasse où la demande et l'offre ne se rencontrent plus, ce qui conduit à un attentisme réaliste mais insatisfaisant pour les entreprises qui ont besoin de trouver de nouvelles poches d'efficience et d'innovation.

PublicitéC'est dans ce contexte que  l'annonce du rachat d'Exalead par Dassault Systems apparaît comme une vraie bonne nouvelle, la première depuis longtemps dans le marché des progiciels.

Au-delà de la vraie satisfaction que représente le rachat d'un éditeur français innovant et reconnu, même si sa taille ( moins de 20 millions € de chiffre d'affaires) reste modeste, par un autre éditeur français dont le succès dans les outils de conception et de gestion du cycle de vie du produit est désormais mondial. Ce rapprochement certes asymétrique est la preuve que l'industrie française du logiciel a un avenir propre, dans se dissoudre au sein d'éditeurs leaders non français comme Ilog dans IBM, BO dans SAP.

Mais la bonne nouvelle pour les DSI est ailleurs. Ce rapprochement va donner à Exalead des moyens de recherche développement et de commercialisation sans aucune commune mesure avec ses ressources actuelles. Le rapprochement d'Exalead avec un grand nom mondial va faciliter la pénétration dans les grands comptes de ses solutions dont l'efficacité a été  largement démontrée. Mais  la taille de l'entreprise, le caractère radical de ses solutions, inquiétaient les directions achats comme les DSI souvent plus soucieuses de pérennité que d'innovation.

Plus encore, s'esquisse entre le leader du PLM, et le promoteur de la 3D dans toutes les applications et du co-design, et le leader de solutions  de "search based applications" un rapprochement d'architectures permettant une nouvelle vision du système d'information. En effet, si les systèmes d'information régaliens ne générent pas d'avantage concurrentiel majeur, tendant à uniformiser le niveau de prestations, il n'en est rien pour les progiciels qui touchent au coeur du métier.

C'est là où se joue vraiment l'avenir des entreprises : concevoir et mettre sur le marché des produits innovants, attractifs, en ligne avec les besoins des clients  est la vraie -et seule- finalité des entreprises. Le faire en disposant d'un moyen ultra efficace pour rapprocher des informations structurées issues du système d'information interne, et les informations non structurées internes comme externes, donne une efficacité accrue au système de conception, qui bénéficie d'une nouvelle qualité d'exploitation du stock d'informations et de connaissances, souvent dormant. Gérer des images 3D n'est pas une distraction, mais un outil incontournable d'efficacité dans tous les métiers. Dassault Systems comme Exalead, acteur du projet Quaero, ont compris parfaitement le rôle de l'image dans les systèmes d'information de demain.

Veille technologique, analyses concurrentielles, suivi en temps réel du cycle de vie des produits, analyses fines de la réaction des clients sont les nouveaux outils de la performance qu'Exalead sait gérer efficacement. Puisant dans l'énergie du web, les solutions "web to business" sont absolument indispensables pour faire face à la croissance exponentielle du volume des connaissances et au souci des gestionnaires  comme des concepteurs de piloter les entreprises dans une économie numérique temps réel exigeante mais riche d'opportunités.

Le rapprochement  de Dassault Systems et d'Exalead ouvre indiscutablement la voie à de nouvelles perspectives. Il reste à transformer la promesse en produits et expliquer au marché que cette transformation de la conception des systèmes d'information est une vraie rupture porteuse de performances nouvelles. Les équipes agueries de Dassault Systems devront savoir intelligemment faire la place aux créateurs d'Exalead pour ne pas assommer l'imagination créatrice apte à explorer les chemins de traverse. L'alliance entre neurones est toujours un exercice délicat. Souhaitons que les dirigeants sauront mieux que d'autres faire naître des synergies créatrices dont le marché et l'économie numérique ont absolument besoin, et très vite...

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