Cédric Grenet (DN Caux Seine Agglo) : « nous devons toujours mieux connaître notre territoire »


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DécouvrirAu fil des années, en parallèle à la construction de la communauté d'agglomération de Caux Seine Agglo, celle-ci s'est dotée de solutions de cartographie Esri. Aujourd'hui, le système d'information géographique est au coeur des processus de décision et de la gestion quotidienne du territoire.
PublicitéEntre les zones très urbaines rattachées aux villes de Rouen et du Havre, en Seine Maritime, la communauté d'Agglomération Caux Seine Agglo comprend une cinquantaine de communes entre la Seine, les ponts de Tancarville et Brotonne, avec l'arrière pays jusqu'à un peu au-delà de la nationale 15 ou de la A29 avec des bourgs tels que Fauville-en-Caux (commune nouvelle de Terres-de-Caux). Elle franchit aussi la Seine pour inclure la Forêt de Brotonne. Avec 78 000 habitants, elle reste très rurale, sans « ville centre » malgré quelques localités telles que Lillebonne (8900 habitants), Bolbec (11 000 habitants) ou Port-Jérôme-sur-Seine (10 000 habitants). Au fil du temps et des réformes, beaucoup de communes se sont regroupées, créant des ensembles tels que Port-Jérôme-sur-Seine justement (en 2016), désormais bien plus vaste que la zone industrielle et portuaire de Port-Jérôme. Le territoire comprend des zones portuaires intégrées aux ports autonomes de Rouen (quais de Port-Jérôme) ou du Havre (écluse et canal de Tancarville), donc au nouvel ensemble Haropa (ports autonomes de Le Havre, Rouen et Paris). « 60 % de la population vit et travaille sur place » précise Cédric Grenet, directeur du numérique de Caux Seine Agglo.
« Nous devons toujours mieux connaître notre territoire » insiste-t-il. L'enjeu, pour bien servir la population, est de maîtriser le patrimoine de données permettant de maîtriser le territoire, de l'administrer au mieux. Et, bien souvent, la communication autour des données sera un élément clé du succès des missions de service public quand ce n'est tout simplement pas un enjeu de démocratie locale. Au fil de la constitution de la communauté d'agglomération, avec son lot de réformes institutionnelles, s'est donc aussi constitué un système d'information avec, notamment, une place importante faite au système d'information géographique, largement basé sur les outils de l'éditeur Esri.
Des compétences liées au quotidien
En tant que Communauté d'Agglomération, les compétences de Caux Seine Agglo sont classiques. Si les permis de construire sont accordés par les maires dans le cadre des Plans Locaux d'Urbanisme (PLU), les dossiers sont instruits par les services de la Communauté dans le cadre de sa compétence en urbanisme et gestion de l'habitat. Un PLUi (un PLU intercommunal) est d'ailleurs en cours de création. Cette compétence débouche aussi sur des actions en matière de développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique avec un Plan Climat Air-Énergie Territorial (PCAET) comprenant notamment des aides à la rénovation des habitats. D'autres actions concernent la gestion des ruissellements et la préservation des nappes phréatiques, la renaturalisation des berges et des rivières... En plus de la Seine, Caux Seine Agglo comprend 49 kilomètres de rivières.
PublicitéCaux Seine Agglo a également une compétence en matière de mobilité du quotidien : bus, co-voiturage (avec création d'aires de rendez-vous par exemple), transports à la demande... Si les risques industriels sont gérés au niveau préfectoral (dans une région avec un grand nombre d'industries classées SEVESO), la Communauté a également sa part de responsabilité en matière de prévention comme de relation entre les industriels et le territoire. Par exemple Caux Seine Agglo gère le réseau de sirènes d'alerte et un centre de crise. Enfin, il existe une police municipale intercommunale armée, une brigade de gardes champêtres et une vidéo-protection à l'échelle de l'ensemble de la Communauté. Par ailleurs, Caux Seine Agglo est un relai local pour la stratégie numérique du territoire en lien avec Seine Maritime Numérique pour le diagnostic des zones blanches (en collaboration avec la Préfecture) et le financement du THD. La Communauté accompagne également les publics en difficulté ou fragiles en matière de médiation numérique ou de médiation administrative (accès au droit, aide aux démarches dématérialisées, Mission Locale, etc.).
La carte et le territoire
Cédric Grenet précise : « la structure de la communauté d'agglomération comprend beaucoup de compétences techniques mutualisées pour accompagner des mairies qui peuvent avoir aussi bien 300 agents qu'une unique secrétaire de mairie. » C'est notamment le cas en matière de technologie numérique. Les réformes institutionnelles successives portées depuis une cinquantaine d'années ont amené « la création d'un territoire et d'un projet à l'échelle de la vie de nos concitoyens » selon les mots de Cédric Grenet. Caux Seine Agglo n'a pris sa forme actuelle qu'en 2018. Auparavant, il a ainsi existé des syndicats mixtes, des communautés de communes, etc. qui se sont progressivement regroupés.
A partir de 1999, le syndicat mixte de Port-Jérôme a mis en oeuvre un SIG (système d'information géographique), avec, pour commencer, un focus sur l'aménagement et le développement économique de la zone industrielle. Au début des années 2000, gérer les ruissellements et des risques d'inondations a amené à la création de bassins de rétention d'eau... et à la numérisation nécessaire du cadastre pour y parvenir de façon pertinente. En 2004 a ainsi été créé un WebSIG sur lequel ont été rajoutés petits à petits différents calques. Mais ces outils créés sans stratégie réelle globale ont montré petit à petit leurs limites. « Nous avions besoin de disposer d'outils plus collaboratifs » relève Cédric Grenet. Un marché public conclu en 2008 a abouti au choix des solutions d'Esri avec une optique allant au-delà de la seule carte, en ayant une vision basée sur la structuration des données. Esri amorçait lui-même son évolution en ce sens à cette époque, avec une ouverture aux collectivités par le programme Arcopole.
Des outils collaboratifs par nature
Le SIG doit bien sûr répondre aux besoins de différents services techniques mais aussi à ceux des élus. Et aucun territoire n'étant isolé, les SIG doivent par nature être des outils de communication et de collaboration. « Nous échangeons souvent entre géomaticiens pour partager nos vues, notamment sur l'Axe Seine » indique Cédric Grenet. Le SIG est cependant avant tout un outil interne avec un patrimoine de données à préserver. Le serveur qui l'abrite est donc interne et le portail d'accès (Portal Esri) est également hébergé en interne. La mise à disposition des données vers l'extérieur est par contre gérée sur une autre plate-forme (qui utilise ArcGIS Online) afin d'éviter une surcharge des serveurs internes. Dans les deux cas, le portail est full web et responsive design. L'éditeur précise : « ArcGIS est une infrastructure pour créer des cartes qui permet de collecter, organiser, gérer, analyser, communiquer et diffuser des informations géographiques. Ce système comprend un logiciel, une infrastructure en ligne basée sur le cloud, des outils professionnels, des ressources configurables telles que des modèles d'application, des fonds de cartes prêts à l'emploi et du contenu officiel partagé par la communauté des utilisateurs. » Les géomaticiens disposent, selon leurs spécialités, d'une vingtaine d'outils complémentaires présents sur leurs propres PC.
Par nature, les SIG doivent échanger des données. Le référentiel de l'IGN reste ainsi la base et doit être intégré en entrée. En sortie ou en échange, cela passait initialement par un système de conventionnement pour échanger des données selon des modalités propres avec le cadastre, le SDIS (les pompiers), etc. Cédric Grenet relève : « or dix, vingt ou trente conventions, ce sont dix, vingt ou trente interfaces. Data.gouv.fr, le portail open-data de l'État, a accéléré un mouvement d'APIsation visant à accroître l'interopérabilité. » Mais ouvrir le patrimoine de données ne peut pas se faire n'importe comment. Il y a un enjeu autour de la propriété de la donnée (avec la responsabilité induite), donc du type de licence. De plus, le référentiel IGN a ses limites et il s'agit bien d'enrichir les données en collaboration avec les citoyens. Un travail en ce sens a ainsi été mené avec OpenStreetMap pour intégrer les nouveaux bâtiments.
Une aide à la décision politique comme aux missions de sécurité
Pour l'heure, les données de l'IGN ont en principe une résolution uniforme de 50cm (Référentiel Grande Echelle). En se reposant sur des sources privées, on peut descendre sur certaines zones à une résolution de l'ordre des 10cm. « Il est nécessaire de travailler entre collectivités pour réaliser des communautés de commandes et ainsi faire baisser les coûts » observe Cédric Grenet. Parmi les applications connectées au SIG, il en existe une entre les mains de la police municipale. Les interventions sont ainsi préparées sur la carte et font l'objet d'un traitement commençant avec un diagnostic et s'achevant avec un acquittement de mission (rapport), le tout fait sur tablettes embarquées dans les véhicules sans avoir à revenir dans des bureaux géographiquement éloignés (parfois une trentaine de kilomètres). Des assistances sont associées, par exemple en lien avec le cadastre quand il s'agit de retrouver le propriétaire d'un champ dont s'est échappée une vache qui divague sur la voie publique (voire un chemin de fer).
Les données de cette application sont anonymisées et remontées au SIG pour gérer un observatoire de la délinquance via un positionnement géographique des incidents. Cédric Grenet précise : « cet observatoire permet, par exemple, de décider d'installer une nouvelle caméra de vidéoprotection mais en objectivant la réalité des faits, au-delà des sensations d'insécurité. » De la même façon, le SIG permet de repérer le positionnement des bornes-incendies dont on va contrôler la pression. Ce travail amène à des décisions d'investissements pour améliorer la protection incendie.
Des outils en perpétuelle évolution
La démarche à base de SIG continue d'évoluer. La collaboration permet ainsi d'enrichir des données géographiques par des agents de terrain en mobilité, sur leurs terminaux mobiles. Si la grosse majorité des données du patrimoine data de la communauté d'agglomération est géolocalisable, il reste à parfaire la gouvernance de toutes ces données. « Il faut passer de données dispersées à un patrimoine de la collectivité pour mettre en oeuvre une intelligence territoriale » explique Cédric Grenet.
L'intelligence artificielle pourrait même y trouver un emploi. Par exemple, pour exploiter la vidéo-protection. En tant que telle, pour des raisons autant juridiques que d'utilité, les enregistrements vidéos ne sont pas remontés dans le SIG mais une analyse des images pourrait, elle, être remontée, par exemple pour signaler une panne d'éclairage (l'image devient sombre). Accroître l'interopérabilité avec les solutions métiers permettra alors de se diriger vers une « smart agglo ». Enfin, ne l'oublions pas, une telle représentation du territoire avec les données du terrain contribue à la transparence de l'action publique et facilite l'évaluation citoyenne.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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