Stratégie

Nadi Bou Hanna (Directeur, DINUM) : « la crise sanitaire a mis le projecteur sur l'importance du numérique »

Nadi Bou Hanna (Directeur, DINUM) : « la crise sanitaire a mis le projecteur sur l'importance du numérique »
De droite à gauche : Nadi Bou Hanna, directeur de la Direction Interministérielle du Numérique (DINUM), et Xavier Albouy, directeur adjoint et directeur du programme Tech.gouv.

Prévu sur la période 2019-2022, le programme Tech.Gouv poursuit son chemin. Le Directeur de la DINUM, Nadi Bou Hanna, a réalisé un bilan à date le 14 septembre 2021.

PublicitéEn attendant une série d'annonces d'Amélie de Montchalin, Ministre de la Transformation et de la Fonction publique, Nadi Bou Hanna, directeur de la Direction Interministérielle du Numérique (DINUM), et Xavier Albouy, directeur adjoint et directeur du programme Tech.gouv, ont dressé le 14 septembre 2021 un bilan à date du programme Tech.gouv et présenté quelques perspectives. Initié en 2019, ce grand programme de transformation du secteur public est prévu pour durer jusqu'en 2022. Certains items apparaissent (ou évoluent) en cours de route tandis que d'autres sortent, le plus souvent pour devenir un mode normal de fonctionnement des administrations concernées. Nadi Bou Hanna ne s'est pas caché que la crise sanitaire a facilité certaines accélérations des transformations numériques des administrations, l'utilité du numérique étant ainsi bien mise en avant par les événements et la « sidération » qui a saisi la population pour reprendre le mot du directeur. Les acquis de cette période vont devenir des progrès persistants.

Forte d'environ 180 collaborateurs, la DINUM est rattachée au ministère de la Transformation et de la Fonction publique. Elle a plusieurs rôles complémentaires : le contrôle des « grands projets » IT de l'État, l'animation du réseau des directions ministérielles du numérique, le conseil en IT du gouvernement comme des administrations, être un catalyseurs de l'innovation (notamment en matière de politique data)... Un rôle est moins connu : celui de concepteur et d'opérateur de solutions, qu'il s'agisse d'infrastructures comme d'applications. Enfin, avec le plan de relance, la DINUM s'est transformée en fonds d'investissement pour les « start-ups d'Etat » avec un budget de 500 millions d'euros. La DINUM anime également toute la politique de l'État en matière de données, y compris les plateformes comme Hubee ou Api.gouv.fr, dont l'objet est de faciliter les échanges de données entre administrations. Ces échanges permettent des approches comme « dites-le nous une seule fois » (l'État ne doit pas demander à un assujetti une information déjà connue d'une administration) et, grâce à une prochaine évolution législative, une approche pro-active (l'État pourra avertir un citoyen qu'il a tel droit ou telle démarche à effectuer voire lui ouvrir des droits spontanément).

Un programme pour remettre la France en marche numérique

Début septembre, Amélie de Montchalin a présenté un état d'avancement de la dématérialisation des démarches administratives du quotidien. Il s'agit là d'un axe fort des actions de la DINUM, notamment dans le cadre de Tech.Gouv. D'autres priorités existent : la cybersécurité et la souveraineté des solutions, la politique data (collecte, mise en qualité, exploitation, ouverture et partage), le renforcement de la marque employeur et de l'attractivité de l'État pour les profils IT... Le programme Tech.gouv avait été lancé face à la seizième place de la France dans le classement européen des pays ayant adopté le numérique. L'an dernier, la France était remontée jusqu'en douzième position. Le nouveau classement, pour 2021, n'est pas encore publié.

PublicitéDeux autres constats avaient été faits : le poste de travail était l'un des irritants majeurs des agents publics et les projets subissaient couramment une dérive à la fois budgétaire et calendaire. Sur ce dernier point aussi, la situation s'améliore même si ce n'est pas encore parfait. Dans ses différents rôles, la DINUM a pu mettre en oeuvre des indicateurs clés de performance et un pilotage par les résultats.

FranceConnect, un des projets emblématiques de Tech.Gouv

Au sein de Tech.gouv, FranceConnect est probablement le service le plus connu. Cet agrégateur d'identité a dépassé ses objectifs avec trente millions d'utilisateurs, plus de mille services (administrations d'État et collectivités pour l'essentiel) et plus de 150 millions millions d'usages par an. Si, actuellement, la grande majorité des connexions avec cet agrégateur d'identité utilise les comptes Ameli (sécurité sociale) et DGFiP (impôts), une évolution en cours pourrait relancer l'identité numérique de La Poste (actuellement 2 % des usages). Cette dernière est en effet désormais certifiée au niveau « avancé » (au sens de la directive eIDAS) et FranceConnect va proposer une version FranceConnect+ qui sera destinée justement à exploiter ce niveau de qualification (pour des usages comme des accès à des données de santé, pour de la signature électronique, etc.). D'autres « produits dérivés » sont prévus : ProConnect (identité du chef d'entreprise), AgentConnect (identité des agents publics, actuellement en expérimentation avec une identité et un service de l'INSEE)... Et le futur portefeuille d'identité numérique européen, dont la définition est en cours, s'appuiera sans doute sur FranceConnect pour les Français. Enfin, la future identité électronique de la Carte Nationale d'Identité nouvelle mouture, fournie par le ministère de l'intérieur, s'intégrera à FranceConnect. Ce service constitue une pierre angulaire de la dématérialisation des démarches administratives.

Tech.Gouv s'occupe aussi des agents publics pour leur travail quotidien afin de supprimer les irritants et d'accroître la performance de l'action publique. Typiquement, dans la foulée de la crise sanitaire, le télétravail est en voie de généralisation dans les fonctions publiques. 400 000 postes sont identifiés comme éligibles au télétravail. Or, en début de crise sanitaire, seuls 90 000 agents étaient dotés pour travailler à distance. En dix-huit mois, le seuil de 350 000 agents équipés a été atteint et les 400 000 devraient être tous équipés d'ici fin 2021. « Le télétravail était un OVNI dans l'État et, aujourd'hui, de nombreux accords sont soit conclus soit en cours de négociations pour le rendre possible » a souligné Nadi Bou Hanna. Pour en mesurer les progrès, il y aura un indicateur simple : les volumes de données échangées entre le RIE (Réseau Interministériel de l'État) et Internet (donc les domiciles des agents). Le RIE, justement, a été mis à niveau pour accompagner la croissance des flux. Cependant, il reste beaucoup de progrès à faire du fait des pratiques actuelles managériales dans les administrations. 35 % des fonctionnaires déclarent estimer pouvoir télétravailler à temps plein, 78 % partiellement.

Un sac-à-dos numérique en pleine croissance

Pour accompagner la numérisation des tâches des agents publics, la DINUM a souvent accompagné la mise au point ou la généralisation d'applications entrant dans un « sac-à-dos numérique de l'agent ». Par exemple, la messagerie instantanée Tchap, hébergée au Ministère de l'Intérieur, a déjà séduit 250 000 agents, les usages se propageant de proche en proche. Des outils collaboratifs comme Resana ou Osmose, les services de webconférence (basé sur Jitsi et hébergé au Ministère de la Transition écologique), les webinaires, les audioconférences, etc. entrent déjà dans ce « sac-à-dos ». Pour Nadi Bou Hanna, « la prochaine étape est une meilleure intégration de toutes ces applications avec un accès via AgentConnect. »

Côté infrastructures, la doctrine publiée en juillet dernier, « cloud au centre », va faire de l'État un opérateur de IaaS. Nadi Bou Hanna a rappelé les règles strictes, notamment l'obligation du recours à un cloud interne pour toutes les données sensibles (personnelles, d'entreprises...). La certification SecNumCloud de l'ANSSI restera nécessaire pour les services qui pourront être confiés à des opérateurs privés. A ce jour, seuls Outscale et OVH sont certifiés. La DINUM travaille, pour cela, à une amélioration du peering entre le RIE et ces opérateurs de cloud.

La mission Label monte en puissance progressivement

Les applications ne sont pas oubliées. Pour guider les acheteurs publics d'IT, la Mission Label a lancé le catalogue GouvTech. Pour l'heure, celui-ci repose sur l'auto-référencement d'éditeurs d'applications. Dans un deuxième temps, les éditeurs s'auto-évalueront autour d'un questionnaire avec les critères de choix habituels des administrations. Enfin, les évaluations des solutions seront certifiées. Toujours pour faciliter la transformation numérique, l'achat de solutions innovantes est désormais possible sans formalisme fort jusqu'à cent mille euros. Même si Nadi Bou Hanna se refuse à envisager un favoritisme en faveur du logiciel libre (ce qui poserait des soucis avec le Code des Marchés Publics), il rappelle que la logique demeure de mieux utiliser le patrimoine applicatif libre. A la manière de ce qui a été fait avec les outils collaboratifs déjà cités, l'État peut investir pour améliorer l'existant afin de correspondre aux besoins.

Ce choix du logiciel libre, outre l'intérêt direct des produits, contribue à attirer les talents dans les équipes de l'État. La Mission Talents, dans Tech.Gouv, vise d'ailleurs à développer la marque employeur de l'État et à multiplier les occasions d'embaucher les talents dont la sphère publique a besoin. Outre les « entrepreneurs d'intérêt général » (missions courtes pour profils pointus), une grille de rémunération adaptée aux experts sur des métiers en tension (data-analystes, experts cloud...) au niveau du marché avec une évolution également calquée sur le marché permet d'embaucher ces profils spéciaux, évidemment comme contractuels. Une manière de limiter les coûts tout en améliorant le développement de tout le territoire reste malgré tout de favoriser les embauches en dehors de la région parisienne.

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