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La Ref25 : une hybridation entre humains et IA, pas un remplacement

La Ref25 : une hybridation entre humains et IA, pas un remplacement
Justine Nercé, DG France d’Artefact, Aurélie Sandler, co-directrice générale d’Evaneos, et Léa Fleury, co-fondatrice et DG d’Ordalie. (Photo : E.D.)

Pour trois cheffes d'entreprise présentes à l'événement du Medef, l'IA est devenu un compagnon indispensable et bénéfique pour les employés, y compris pour la qualité de travail. Pour autant, elle a trop de défauts pour remplacer un jour les humains.

PublicitéUne des craintes majeures des employés en entreprise face aux déploiements de l'IA, en particulier générative, est sans nul doute celle de se voir remplacés par cette technologie. Le sujet a été abordé lors d'une table ronde de La Ref25, manifestation organisée par le Medef les 27 et 28 août à Paris, intitulée « L'IA, tous remplacés ? ». Mais derrière ce titre un brin alarmiste, les 3 cheffes d'entreprises intervenantes ont donné un point de vue à la fois réaliste, et plus optimiste qui voit dans l'IA un compagnon, plus qu'un concurrent. Le débat, animé par le Bâtonnier de Paris Pierre Hoffman, a réuni Léa Fleury, co-fondatrice et DG de la plateforme d'IA juridique Ordalie, Justine Nercé, DG France de la société de services spécialisée dans la transformation data et IA Artefact, et Aurélie Sandler, co-directrice générale de la plateforme Evaneos de réservation de voyages personnalisés et durables.

Artefact compte 1700 employés dans le monde et 600 en France, dont une moitié est constituée d'ingénieurs IT et l'autre moitié de consultants et de créatifs. Tous, à différents niveaux étant concernés par l'arrivée de l'IA générative. Chez Evaneos, entreprise française née il y a 15 ans qui emploie 180 personnes et opère dans le monde entier en termes de destinations pour des voyageurs venus de France, d'Espagne, d'Italie, d'Allemagne et des Pays-Bas, l'IA fait une entrée progressive pour accompagner la création d'itinéraires et pour aider les conseillers. Ordalie, enfin, est une start-up d'une dizaine de personnes avec plus de 170 clients et quelques 45 000 utilisateurs de sa plateforme IA juridique. « Nous avons d'abord développé un simple chatbot juridique, raconte Léa Fleury, mais nous avons voulu démontrer qu'avec la GenAI, les IA peuvent aussi citer systématiquement les bases légales sur lesquelles elles s'appuient ». Depuis, la solution d'Ordalie est devenue un outil de productivité avec trois composantes : la recherche, l'analyse et l'extraction de données, et, enfin, la rédaction.

Des humains augmentés, pas remplacés

Justine Nercé s'appuie sur la grande hétérogénéité de contextes qu'elle a pu observer dans son activité pour établir un premier constat. « Nous accompagnons une centaine d'entreprises dans leur transformation en France, explique-t-elle. Et ce qui me frappe sur le marché français, c'est que l'on se pose beaucoup la question du pourquoi, de savoir s'il faut y aller, de la valeur qui sera générée, alors que le marché anglo-saxon se préoccupe beaucoup plus directement de la mise en oeuvre ». Un constat qui pourrait entre autres s'expliquer par la crainte de voir certains métiers, certains emplois menacés de remplacement. Or, pour la DG France d'Artefact, si on parle beaucoup d'automatisation et de gains de productivité à propos de l'IA, on évoque trop peu sa capacité à justement améliorer les conditions de travail. Elle évoque par exemple une étude publiée par son entreprise avec Odoxa en février 2025 sur l'IA au travail dans laquelle 83% des répondants disent trouver leur travail plus plaisant depuis qu'ils utilisent l'IA. « Par ailleurs, cela peut apparaître contre-intuitif, mais pour 58% des personnes interrogées, elle améliore aussi la collaboration entre employés ».

PublicitéDans le prolongement, Aurélie Sanders d'Evaneos estime qu'il faudrait davantage parler d'humain augmenté que d'humain remplacé. « À partir du moment où l'on envisage l'IA non pas comme un risque de se voir remplacé, mais comme un assistant pour aider ceux qui l'utilisent à se développer, analyse-t-elle, cela place un peu la crainte à distance et permet de s'intéresser davantage aux usages. Et si fracture il y a, elle aura davantage lieu entre ceux qui sauront utiliser l'IA et ceux qui ne sauront pas ». Léa Fleury rejoint elle aussi ce discours. Elle rappelle en effet que les professionnels du droit à qui sa plateforme est destinée font face à un volume colossal, et toujours croissant, de données à traiter pour faire leur travail. « On peut passer des journées entières sur des audits, à chercher des données dans des centaines de documents, explique-t-elle. Or, aujourd'hui, on voit arriver sur le marché des IA qui pratiquent cela très bien et permettent aux juristes de se concentrer sur ce qui fait leur coeur de métier comme la stratégie, la perception du marché ou la relation avec le client ». Les trois intervenantes reprennent ainsi l'argumentation souvent associée à l'IA générative, celle d'un outil qui dégagerait les employés des tâches répétitives et rébarbatives, au profit de tâches plus intéressantes qui apportent plus de valeur.

Combler vos lacunes ? Ne comptez pas sur l'IA

Chez Artefact, l'IA concerne toutes les équipes, qu'il s'agisse des ingénieurs, des consultants, mais aussi des créatifs. Comme dans la plupart des métiers, Justine Nercé précise qu'elle accompagne ainsi ses consultants au quotidien pour l'analyse de données, la synthèse de documents, les études comparatives et notamment l'analyse de marché avec le deep search présent dans de nombreux LLM. La GenAI aide aussi ses informaticiens pour l'écriture de code, la rédaction de tests unitaires, la documentation, le debugging, etc. « Mais il est intéressant de se questionner aussi sur l'impact de l'IA sur le processus créatif, insiste la DG. Chez Artefact, nous accueillons très positivement l'aide de l'IA dans les métiers de la création. Nos créatifs l'utilisent en production et en post production, mais aussi dans le processus créatif proprement dit. C'est à dire comme un compagnon pour les aider à avoir de meilleures idées ».

Mais elle prévient : pas question de laisser l'IA prendre en charge ce que l'on ne sait pas faire. « Elle doit avant tout rester un compagnon, et aucunement devenir une béquille pour compenser des connaissances que les employés n'auraient pas. Nous avons d'ailleurs organisé une session de formation pour tous afin de nous assurer que les équipes pratiquent un usage responsable de l'IA. Elle doit absolument être supervisée et il faut les connaissances pour garder un regard critique ». Un sujet d'attention en particulier avec les populations juniors, si l'on en croit la dirigeante. « C'est d'ailleurs assez paradoxal, complète de son côté Aurélie Sanders d'Evaneos, mais finalement cette question du remplacement par l'IA se pose presque plus dangereusement pour les juniors qui n'ont pas tous la capacité, la séniorité justement pour rédiger des bons prompts et identifier ce qui est juste et ce qui ne l'est pas, alors que les seniors ont ce recul-là ».

L'IA ne comprend ni l'ironie ni le sarcasme

Chez Evaneos, l'IA sert déjà à traduire et vérifier la traduction de nombreux itinéraires produits par les équipes. « Ce n'était pas le cas il y a seulement un an et demi, assure Aurélie Sanders. Et l'IA nous permet par exemple de gagner en disponibilité avec des réponses 24 h sur 24 à des questions à la complexité relative. Et quand on entraîne bien les modèles, on peut même créer des bases de réponses ou des bases d'itinéraires à partir de catégories de voyage. Toujours avec une relecture et une expertise humaines ». La DG parle d'une véritable hybridation entre humain et IA.

Mais pour les intervenantes, l'IA manque encore de beaucoup de qualités que seuls les humains possèdent. À commencer par l'indispensable esprit critique. Des raisons de penser, selon elles, que l'IA ne remplacera pas les employés. « L'IA ne comprend ni l'ironie, ni le sarcasme, insiste ainsi Justine Nercé. Elle ne gère pas bien non plus les séries de questions complexes et dans une telle situation, va jusqu'à se contredire. Enfin, si elle peut accompagner les développeurs dans l'écriture de code, elle ne peut pas concevoir une solution cohérente de bout en bout ». La DG d'Evaneos évoque quant à elle « le service, le lien, la qualité de l'échange, la connaissance de terrain » qui restent essentiels dans le métier du voyage. « Le voyage est un produit de passion très sensible au niveau émotionnel pour les voyageurs. Et cette réalité-là, celle des opérations quotidiennes, se joue sur plusieurs composantes pour lesquelles l'hybridation entre humain et IA est la meilleure solution. L'IA ne se suffit pas du tout à elle-même et cela donne beaucoup de confiance dans l'avenir ».

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