Grand Théma : ERP et facturation électronique, un chantier piloté par les délais

Dans notre dernier Grand Théma CIO - Le Monde Informatique, nous nous sommes intéressés aux enjeux spécifiques de la réforme de la facturation électronique pour les utilisateurs d'ERP. Pour en parler, nous avons reçu Armelle Lavoisy, de Manutan, Guillaume Siccat d'Opmobility et de la DFCG, ainsi que Bruno Bertona et Frédéric Wittmann, de l'USF.
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À partir du 1er septembre 2026, toutes les entreprises devront être en mesure de recevoir des factures en conformité avec la réforme de la facturation électronique. Les ETI et les grandes structures devront aussi savoir les émettre. Les PME, TPE et indépendants disposant d'une année de plus. Or, pour les organisations les plus grandes, facturation rime souvent avec ERP. Dans ce cadre, pour parler anticipation, qualité de données, processus et incompatibilité de formats, nous avons reçu dans notre Grand Théma consacré au sujet, Armelle Lavoisy, DSI de Manutan, Guillaume Siccat, directeur de programme chez OPMobility et président de la commission transformation numérique de la DFCG (association des directeurs financiers et contrôleurs de gestion), ainsi que Bruno Bertona et Frédéric Wittmann, du club des utilisateurs SAP francophones, l'USF
Manutan, la réforme avant l'ERP
Le e-commerçant B2B Manutan, spécialisé dans le mobilier de bureau, a choisi d'anticiper la réforme et de lancer son projet de mise en conformité dès le début 2023. Il a choisi la PDP de Cegedim dès le printemps de la même année, pour sa capacité à gérer des documents hétérogènes, les flux EDI et les échanges Chorus Pro avec les collectivités, mais aussi à accompagner les clients de Manutan dans la conformité à la réforme. Avec 1 Md€ de CA en 2024, l'entreprise émet environ un million de factures par an dans le trio de pays dans lesquels il va passer en facturation électronique en priorité : la France, la Pologne et la Belgique.
« Nous avons profité de cette obligation réglementaire pour identifier les obstacles dans le parcours client ou dans le processus de composition de la facture », dit Armelle Lavoisy, DSI groupe de Manutan.
Mais l'entreprise doit aussi tenir compte, dans sa démarche, de la future migration de ses 6 ERP accumulés à force de croissance externe, vers un ERP unique qu'elle ne choisira cependant que l'an prochain. Pour cela, elle travaille dans sa plateforme d'intégration. Pas question, en effet, de réaliser des évolutions directement dans ses ERP actuels qu'il lui faudra jeter une fois leur remplaçant choisi. « Nous avons profité de cette obligation réglementaire pour identifier les obstacles dans le parcours client ou dans le processus de composition de la facture, ajoute également Armelle Lavoisy, qui évoque la transformation d'une obligation légale en une opportunité pour l'entreprise. Nous avons aussi revu les documents pour qu'ils servent de support à la relation client ».
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Opmoobility, la complexe combinaison entre SAP et Edifact
Comme Manutan, Opmobility est confronté à une question de qualité des données nécessaires à la facturation, comme l'explique Guillaume Siccat, directeur de programme finance, transformation digitale et sustainability chez le fabricant d'éléments de carrosserie et de systèmes de stockage de carburant pour les constructeurs automobiles (Opmobility était auparavant connu sous le nom de Plastic Omnium). Une des raisons pour lesquelles, comme le rappellent nos deux premiers invités, la facturation électronique implique toute l'entreprise, bien au-delà de la DSI.
« D'une réforme fiscale, on passe à un projet data dans lequel on embarque l'ensemble du SI », souligne Guillaume Siccat, chef de programme finance, transformation numérique et sustainibility chez Opmobility.
Avec un CA d'un peu plus de 11,6 Md€ en 2024, Opmobility émet chaque année environ 150 000 factures en France et en reçoit autant. En Europe, elle gère plusieurs millions de documents. Et toutes ces factures sont traitées dans SAP ECC6. Outre la qualité des data, Guillaume Siccat insiste sur la portée du projet de mise en conformité : « sur certains aspects, il faudra s'outiller ou modifier ses systèmes d'information existants. Donc d'une réforme fiscale, on passe à un projet data dans lequel on embarque l'ensemble du SI ».
Une régression, plus qu'un progrès
Opmobility n'a pas encore fait le choix de sa PDP, qui devra être capable de traiter ses volumes importants de factures et ses cas d'usage spécifiques. L'équipementier aurait, en l'occurrence pu - solution simple - se tourner vers celle de SAP. Mais là où le bât blesse, c'est que l'industriel aux 40 000 salariés est un gros utilisateur d'Edifact que l'éditeur allemand a choisi d'ignorer dans sa PDP, puisque la réforme ne s'appuie que sur les 3 formats CII, UBL et Factur X. Il va donc devoir se tourner vers une seconde PDP pour ne pas remettre en cause son système Edifact, efficace depuis longtemps. « Nous n'avons pas la complexité de l'encaissement en B2C, tempère Guillaume Siccat, mais nous avons d'autres complexités. L'une d'elles provient du format Edifact, qui n'est pas pris en compte dans la réforme ».
Bruno Bertona, chargé de mission à l'USF, évoque la possibilité que le délai très court entre la publication des évolutions de SAP en février et la mise en application de la réforme n'engendre une saturation des prestataires, des OD et des éditeurs de PDP.
Il y a un an, pour commencer à travailler sur la réforme, Manutan a mis en place une organisation spécifique, avec un binôme DSI-fiscalité. Elle a établi, avec l'aide d'un cabinet fiscal, une cartographie de toutes ses factures afin de vérifier entre autres la présence de toutes les mentions obligatoires. Pour Guillaume Siccat, la réforme se traduit finalement davantage par une régression qu'un progrès. Mais, comme Armelle Lavoisy, il estime qu'il faut profiter par exemple du travail sur la qualité de la data pour mettre en oeuvre d'autres projets.
84% des adhérents USF n'ont rien démarré
Enfin, pour clore l'émission, nous avons reçu deux représentants de l'USF. Sur le sujet de la facturation électronique, ce dernier joue un rôle de relais avec SAP, mais aussi avec la Direction générale des finances publiques (DGFiP) et l'Agence pour l'informatique financière de l'Etat (AIFE). Il suit ainsi les travaux de la commission de normalisation de la facture électronique de l'Afnor qui travaille par exemple sur la sémantique dans le flux factures, le développement des composants techniques, la standardisation des API à destination des opérateurs de dématérialisation (OD), etc. En parallèle, l'USF garde un oeil sur l'évolution des développements de SAP en la matière, notamment dans le DRC (document and reporting compliance).
La réduction du rôle de la PPF fin 2024, « a contraint les entreprises qui avaient choisi cette option plutôt que des PDP privées, à revoir leurs contrats. Une démarche qui peut durer jusqu'à 18 mois », selon Frédéric Wittmann, président de la commission gestion finances de l'USF.
Les conclusions des sous-groupes de la commission Afnor étant attendues pour la fin de l'année 2025, l'éditeur allemand a prévu d'intégrer les mises à jour liées à la réforme dans sa PDP en février 2026, laissant seulement un court semestre aux entreprises pour s'adapter. Or, selon un sondage réalisé par l'USF et cité par Bruno Bertona, chargé de mission à l'USF, 84% des adhérents de l'association déclarent ne pas avoir démarré leur projet de mise en conformité. Quelques organisations - souvent celles qui ont déjà retravaillé leur processus Procure-to-pay en dehors de la réforme - seraient déjà prêtes, selon le chargé de mission. Mais la plupart attendent février 2026. Comme le craint Guillaume Siccat, Bruno Bertona évoque la possibilité que ce délai très court n'engendre une saturation des prestataires, des OD ainsi que des éditeurs de PDP.
Enfin, Frédéric Wittmann, président de la commission gestion finances de l'USF, rappelle de son côté que la réduction du rôle de la PPF fin 2024, a contraint les entreprises qui avaient choisi cette option, plutôt que des PDP privées, à lancer un nouveau processus de contractualisation. Une démarche qui peut prendre jusqu'à 18 mois et qui s'ajoute aux besoins de mobiliser les équipes, d'identifier les cas d'interventions manuelles, d'auditer toutes les situations de TVA, etc.
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Article rédigé par

Emmanuelle Delsol, Journaliste
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