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Edito - Bureautique adorée, bureautique détestée

Edito - Bureautique adorée, bureautique détestée
Bertrand Lemaire, rédacteur en chef de CIO, a connu l’émergence de la bureautique dans sa jeunesse.

Chacun utilise la bureautique. Personne ne peut s'en passer. Elle est au coeur de la domination de Microsoft en entreprises. Pourtant, elle est haïe.

PublicitéLa probabilité que je me trompe est, je pense, très faible. Toute personne qui lit ces lignes dispose sur son ordinateur ou sa tablette d'au moins une suite bureautique comprenant un traitement de texte, un tableur et un logiciel de présentation. Ne parlons même pas d'un logiciel client lourd pour lire ses mails. Les plus digitaux disposeront peut-être de tels outils en mode SaaS, via, par exemple, la suite en ligne de Google. Les plus insoumis disposeront de Libre Office, voire pour les Anciens, de Open Office. La majorité devrait disposer de Microsoft Office. Des originaux disposeront peut-être d'outils variés (Corel Wordperfect Office...). Et je parie que vous utilisez au moins un produit d'une suite bureautique au moins une fois par jour. Bref, la bureautique est universelle, indispensable, elle est au coeur de l'usage de la micro-informatique.
D'ailleurs, rappelez-vous, il y a une bonne trentaine d'années, pourquoi le micro-ordinateur est-il arrivé chez les comptables ou les contrôleurs de gestion ? Pour Excel ! Au service Marketing ? Bien souvent pour Powerpoint. Pourtant, ces différents produits sont également l'objet de diatribes enflammées.

La bureautique, l'informatique des méchants utilisateurs finaux incompétents

Par exemple, Powerpoint a fait l'objet d'un ouvrage dédié à ses mauvais usages. Si le logiciel de Microsoft est le plus répandu (et donc le plus haï), les reproches faits concernent tous les logiciels de présentation. Adieu la réflexion, l'argumentation. Bonjour les idées jetées n'importe comment mais avec de belles couleurs et des bullet points. La forme extermine le fond. C'est un génocide des réflexions ! Qui, pourtant, imagine réellement une réunion sans présentation Powerpoint ?
Excel n'est pas mieux loti. Mais comme c'est l'outil de ceux qui gèrent l'argent dans l'entreprise (comptables, contrôleurs de gestion, managers divers faisant des reportings...), la critique est souvent plus douce. Mais pas forcément. Nous ne comptons plus les articles sur les projets de décisionnels qui commencent peu ou prou par « nous voulions virer Excel ». Eh bien, oui, c'est un outil qui est manipulé par des utilisateurs finaux, qui vont créer des procédures et des algorithmes un peu n'importe comment, avec des données qu'ils auront agrégées artisanalement, avec des formules où se nichent de nombreuses erreurs... Un truc à donner des boutons énormes au moindre informaticien de passage. Et je ne vous parle même pas des disputes en réunions parce que deux services sont incapables de trouver les mêmes résultats à partir des mêmes données et -théoriquement- des mêmes formules. Mais, comme disait Albert Einstein, « la théorie et la pratique, en théorie c'est pareil, en pratique c'est différent. »

PublicitéLa bureautique concentre toutes les mauvaises pratiques

De fait, on retrouve dans la bureautique toutes les mauvaises pratiques de l'informatique. Usage d'outils sans contrôle qualité, sans supervision, sans planification, sans gestion du cycle de vie, sans documentation... Pensez à toutes les belles macros développées avec amour par un collaborateur, qui sont devenues partie intégrante des processus de l'entreprise, mais qui ne supportent pas le passage à une nouvelle version de sa suite bureautique, sans oublier que, lorsque le dit collaborateur s'en va, plus personne ne comprend rien à ses belles macros.
Rappelez-vous l'arrivée d'un outil réellement révolutionnaire : Microsoft Access. D'un petit outil de productivité individuelle, très pratique pour traiter rapidement des données, certains en ont fait une plate-forme de développement de logiciels métiers. Bref, de l'Excel puissance 1000 en matière de mauvaises pratiques. Ah, bien sûr, c'est agile. En fait, non, pas du tout, ce n'est pas agile mais anarchique. Ne confondons pas tout. La bureautique a été le terreau initial du Shadow IT et de toutes ses dérives.

Une saine gouvernance pour retrouver l'amour de l'outil

Parmi les dérives, il y a bien sûr l'adhérence à un fournisseur. Pourquoi Microsoft est-il archi-dominant dans l'informatique d'entreprise ? Simplement parce qu'il est quasiment impossible de retirer Microsoft Office à un collaborateur. Il a fallu une innovation de rupture -le SaaS- d'un autre acteur archi-dominant -Google- pour bousculer très très légèrement le quasi-monopole. Le logiciel libre reste marginal sur le poste de travail essentiellement pour cette raison.
Alors, la bureautique, on l'aime tous les jours. Et on la déteste tous les jours. Et si, tout simplement, on constatait que, comme tout outil, elle n'est ni bonne ni mauvaise par nature ? La vraie place de la bureautique doit être maintenue. Et une saine gouvernance doit exister, tant au niveau des outils eux-mêmes (pour mettre en concurrence les éditeurs par exemple) que des pratiques : faire la chasse aux macros éléphantesques non-documentées, refuser que la pensée se réduise à des bullet points, éviter l'adhérence à un fournisseur ou une version d'un outil en respectant des normes... tout en assumant l'importance de cette informatique de proximité entre les mains des métiers, des utilisateurs finaux.

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