DSI : Assumer plus de fonctions fait décoller les carrières


La révolution numérique bouscule les entreprises
La révolution numérique est devenue une antienne, un mantra, un leitmotiv, une rengaine... Il n'en demeure pas moins qu'elle est une réalité incontournable qui se décline autant sur des thématiques techniques, organisationnelles, stratégiques et humaines. En voici quelques exemples.Tout d'abord,...
DécouvrirDe nombreux CIO s'exfiltrent du pur IT pour assumer de nouveaux rôles au sein de leur entreprise. Que ce soit pour échapper à la monotonie ou pour doper leurs carrière, tous saluent les bénéfices qu'ils récoltent grâce à cette démarche.
PublicitéAprès avoir exercé la fonction de DSI dans trois différentes entreprises, Elizabeth Hackenson commençait, quelque peu, à s'ennuyer. En tant que responsable de l'IT de l'AES Corp, une compagnie d'énergie réalisant 17 milliards de dollars de chiffre d'affaires annuel, elle s'était entourée d'une équipe à l'efficacité remarquable et n'avait pas l'envie de se livrer à du micro management. À la recherche de nouveaux challenges à relever, elle s'est alors rapprochée de son CEO pour lui soumettre la liste des responsabilités qu'elle avait envie d'assumer, en plus des siennes.
Elle obtint ce qu'elle voulait et même un peu plus. Aujourd'hui, en tant que DSI et directrice de la technologie et des services, Elizabeth Hackenson gère l'IT, la cybersécurité, les services et audit internes, les assurances du groupe et une filiale spécialisée dans les panneaux solaires. « La plupart des activités qui sont passées dans mon giron étaient des choses qui nécessitaient plus de bonnes capacités relationnelles plutôt que des aptitudes au management. C'était plus une question d'influence », explique-t-elle.
Une collaboration accrue et plus saine
En général, les dirigeants multi-rôles et notamment les DSI affichent de meilleures capacités relationnelles que leurs homologues monotâches. Cela peut notamment s'expliquer par la prépondérance de l'IT dans l'ensemble des processus de l'entreprise. Depuis cet unique poste, ils peuvent plus efficacement comprendre et identifier les soucis dans les différents business et innover pour les régler. « Le DSI est, dans une organisation, l'une des rares personnes qui voit l'ensemble des processus du début à la fin avec un point de vue exhaustif. Cela en fait le responsable idéal pour assumer d'autres tâches au sein de l'organisation », déclare Peter High, président de Metis Strategy, un cabinet de conseil pour les DSI et auteur de l'ouvrage World Class IT. C'est aussi économiquement avantageux pour les petites et moyennes entreprises. « Avoir une personne qui assure deux fonctions évite d'en payer plus que nécessaire », clame Peter High.
En outre, les départements IT deviennent de plus en plus petits au fur et à mesure que les entreprises ont recours à des fournisseurs externes de logiciels et de services. Ils deviennent donc plus simples à manager, permettant aux DSI de se concentrer sur d'autres objectifs, dont leur carrière. Effectivement, les DSI avec plusieurs titres, pas forcément en corrélation avec l'IT, ne sont pas une chose complètement nouvelle. Les dirigeants IT se sont épanouis en dehors du domaine traditionnel de l'informatique ces dix dernières années pour jouer des rôles clés dans différentes activités comme la gestion des fusions et acquisitions, de la chaine logistique ou le développement de nouveaux produits et services.
Mais, aujourd'hui, les défis sont à la fois plus nombreux et plus complexes. Les DSI avec plusieurs postes doivent gérer au mieux les priorités. Le risque qu'ils soient dépassés est réel. Dans les fait, ces personnes qui assurent plusieurs postes clament que le principal défi est de rester concentrer sur la stratégie de l'entreprise sans être happé par les opérations courantes.
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Une démarche qui n'est pas à la portée de tous
Mais, en même temps, les dirigeants multirôles issus de l'IT doivent s'immerger plus profondément dans d'autres pans du business où des légions de défis à relever les attendent. Les managers et les personnes en place dans ces entités peuvent se montrer réticentes à l'arrivée d'un outsider sur leurs plates-bandes. D'autant plus qu'il n'est pas originaire de leur spécialité.
Les DSI doivent donc adapter leur management et leadership à ces nouveaux interlocuteurs. Tous les DSI ne sont pas prêts à relever ce genre de défis. « Seul un dirigeant ambitieux peut s'attaquer à ce genre de manoeuvre », déclare Peter High. Il poursuit : « C'est un ensemble complet de nouvelles responsabilités. S'ils n'ont pas envie d'en assumer plus, ou ne sont pas suffisamment actifs pour suggérer qu'ils ont les épaules pour les supporter, il est peu probable que l'entreprise leurs fasse assumer d'autres fonctions ». Elizabeth Hackenson abonde dans ce sens en déclarant qu'elle doute que son DG lui aurait confié ces fonctions supplémentaires si elle voulait simplement rester DSI.
La branche dédiée aux nouvelles énergies qu'elle gère pour AES est un modèle économique de rupture dans une entreprise vieille de 125 ans. C'est sans doute pourquoi elle a été chargée de la direction de cette entité. « J'ai exercé mes fonctions dans d'autres industries en pleine transformation, comme les télécoms », témoigne la DSI. Elle a travaillé chez Alcatel Lucent et MCI Worldcom. « Je pense que certains DSI sont vraiment de bons dirigeants et les collaborateurs comme les personnes siégeant au conseil d'administration le reconnaissent », clame-t-elle.
Prendre du recul
Ironiquement, avoir de plus grandes responsabilités l'a incitée à prendre du recul. Il n'est tout simplement plus l'apanage des DSI multirôles de faire du micromanagement pour des choses qui relèvent, par exemple, de la gestion des fournisseurs ou de l'efficacité opérationnelle du datacenter. Elizabeth Hackenson estime qu'elle ne passe plus que 10% de son temps sur des problématiques purement IT. Elle a nommé un DSI délégué pour assurer ce genre de tâches. « Au début, ce n'est pas simple. À chaque fois que vous prenez un autre poste, il faut laisser échapper certaines responsabilités », explique-t-elle avant de compléter : « au jour le jour, je n'ai plus qu'une activité très limitée dans l'IT. La plupart du temps, je ne suis même pas concentrée dessus ». Le seul moyen d'y parvenir tient, selon elle, en la capacité à s'entourer d'une équipe très performante.
Mais laisser échapper certaines responsabilités à des membres de votre équipes peut aussi entrainer des erreurs. « Il faut apprendre à se concentrer sur ce que la personne a apprise de son erreur et non sur l'erreur elle-même », déclare Elizabeth Hackenson. Elle avoue être devenue beaucoup plus calme. « Dans le passé, j'étais bien plus bouleversée par le moindre problème. Aujourd'hui, je les vois comme une opportunité de croissance et d'apprentissage pour mes équipes. Si je devais leur dire comment faire, ils n'apprendraient jamais », expose Elizabeth Hackenson.
Adopter d'autres techniques de management
Elle a développé ce qu'elle décrit comme un processus méthodique consistant à questionner directement ses subordonnées sur les différents rapports qu'elle reçoit plutôt que de faire du micromanagement. Finalement, cela pousse les chefs d'équipe, sachant qu'ils ont un droit de réponse, à venir avec des explications déjà préparées sur les erreurs qu'ils auraient pu commettre. « C'est finalement de leurs propre chef qu'il propose des solutions. Je peux voir l'énergie qu'ils déploient et les progrès qu'ils font », explique Elizabeth Hackenson. Selon elle, la plupart des DSI aime avoir une forte emprise sur leurs équipes. « Mais quand vous avez beaucoup de responsabilités à gérer, il faut plus s'orienter vers un simple rôle de guide, de conseiller et de mentor », déclare la dirigeante.
Praveen Chopra a lancé ces processus de gestion d'équipe il y a un peu plus d'un an, quand il a pris le poste de « directeur de l'information et de la transformation innovante de l'environnement de travail » de la Thomas Jefferson University and Jefferson Health de Philadelphie. Il admet que c'est un titre un peu long, spécialement pour un responsable de la chaine logistique devenu accidentellement DSI. « Il y a quelques années, j'étais chargée de la supply chain à Home Depot et j'ai bougé à l'hôpital pour enfants d'Atlanta comme directeur logistique », rappelle Praveen Chopra. Un beau jour, le poste de DSI s'est libéré et tout le monde dans l'hôpital lui a proposé de le prendre, ce qu'il fit et apprécia.
Lors d'un entretien pour son poste actuel à l'université Jefferson, il avoue avoir eu des atomes crochus avec son DG, Stephen Klasko. « Il pensait que le domaine de la santé avait besoin d'un profond changement », explique Praveen Chopra. « Quant à moi, je pense que l'organisme de santé du futur sera celui qui saura tirer le mieux partie de l'économie numérique », poursuit le « DSI par accident ». C'était d'ailleurs le principal moteur de la transformation complète de l'organisation informatique qu'il a engagée pour l'université et l'hôpital Jefferson. « J'avais absolument besoin de construire une équipe ultra performante », ajoute-t-il.
Savoir s'entourer et déléguer
Une de ses premières mesures a donc été de bâtir une équipe de huit rapporteurs directs et de nombreux postes dont ceux de vice-président de l'innovation technologique et un vice-président de l'innovation de l'expérience client. Le but était pour lui de réfléchir à l'innovation en avance de phase. « Cette organisation nous a servi à détecter les innovations à paraître, telle que l'iPad, et d'anticiper les usages que nous pourrions en faire », explique Praveen Chopra. Il poursuit : « Aujourd'hui, nous nous penchons particulièrement sur les applications de l'internet des objets dans le monde de la santé et lançons déjà des expérimentations ».
Et pendant que d'autres sociétés ont des vice-présidents en charge des business applications, Praveen Chopra a mis en place un responsable des partenariats business. Au lieu de se concentrer sur les nouvelles technologies, il se concentre sur les gens qui utilisent ces technologies dans les différentes business units. « Les partenariats business servent à comprendre comment les collaborateurs utilisent telles technologies pour faire telle chose », explique le DSI multi-taches. Un autre nouveau titre popularisé à l'université Jefferson est celui de « vice-président of enterprise analytics and chief data scientist ». « Ce rôle se concentre tout particulièrement sur la récolte des données disparates issues des étudiants, des essais cliniques, des systèmes financiers et d'ailleurs. Elles servent à créer une base de données d'entreprise afin de déceler de nouveaux leviers de croissance », explique Praveen Chopra.
Voir au-delà des simples capacités techniques
Il assure ne pas s'être basé uniquement sur l'expérience technique pour embaucher ses vice-présidents. En revanche, il les a recrutés en sachant que chacun d'eux pourrait devenir un DSI. « La façon dont j'embauche les gens est unique. Je les recrute d'abord pour qu'ils soient dans un premier temps des leaders. Leur expertise technique vient en second », déclare Praveen Chopra. Il rencontre ainsi ses équipes huit fois par semaine pendant au moins deux heures. Lors de ces rassemblements, il assure passer moins de temps sur les processus du quotidien que sur la communication, l'engagement et la création d'équipes performantes. L'idée est d'avoir des managers capables de gérer leurs équipes sans que Praveen Chopra ait à faire de la micro-gestion.
L'initiative de télé-santé mise en place par l'hôpital Jefferson est un des premiers résultats tangibles du mode de leadership exercé par Praveen Chopra qui encourage l'innovation et l'évolution vers un système de santé centré sur le patient. L'hôpital a investi 20 millions de dollars pour ouvrir de multiples centres de santé d'urgence et développer son programme de télé-santé, baptisé Jeff Connect. Il inclut la consultation vidéo qui permet aux patients de recevoir des soins depuis chez eux.
Fin juin, le centre Jefferson a commencé à déployer pour ses 17 000 employés et leur famille une application mobile permettant de planifier des rendez-vous de 15 minutes avec des médecins. « Elle est conforme aux normes de protection des données médicales », précise Praveen Chopra. Si l'application ne s'adresse pour l'instant qu'aux employés de Jefferson, il assure qu'il est prévu de vendre ce produit à d'autres entreprises comme Bank of America.
Adopter un esprit de débutant
Comme les DSI évoluent vers des rôles élargis, ils trouvent d'autres façons de collaborer avec les nouveaux profils qu'ils rencontrent. « Les DSI multi-roles doivent être sûres d'être assez humbles », déclare Peter High. « Même s'ils ont déjà été intimement impliqués dans les nouvelles fonctions qu'ils sont appelés à assumer, ils doivent faire preuve d'humilité. Tout ce qui marche dans l'IT ne passe pas forcément du côté des ressources humaines ou de la supply chain. C'est important d'adopter un regard de débutant », poursuit-il en faisant référence aux personnes avides d'apprendre de nouvelles choses sans aucun préjugé.
Mike Capone, ancien DSI et responsable développement produit d'ADP, assure que diriger des personnes issues de divers horizons a été un des défis les plus plaisants et les plus formateurs qu'il ait eu à relever au sein de son entreprise. « Comme vous sortez du champ traditionnel de l'IT et que vous vous attaquez à celui de la gestion de produit, il faut apprendre à manager différemment », déclare celui qui est actuellement directeur des opérations de Mediata Solutions. Par exemple, il explique : « quand vous pensez au coeur même de l'IT, les résultats sont soit bons soit mauvais. Est-ce que ça marche ? Est-ce que le projet sera rendu dans les temps ? ». Mais Mike Capone s'est rendu compte qu'il ne pouvait pas appliquer ce genre de principes à tout le monde, comme une équipe de data scientists. « Ils n'ont pas arrêté de me rappeler que c'était de la science et qu'elle ne reposait pas sur des résultats francs. Ils testent constamment les données et lancent des expériences. C'est pareil avec des équipes chargées de l'expérience client », se souvient le COO.
Partir de zéro
Anne Ayer, DSI et vice-présidente chargée du développement de l'entreprise de la compagnie papetière Sappi en est devenue responsable IT par curiosité pour la technologie. « Ma culture était principalement orientée vers la stratégie et le développement de l'entreprise avant que je ne rejoigne Sappi », déclare Anne Ayer. Selon elle, c'est sa rencontre avec le DG de Sappi qui l'a poussée à assurer le rôle de DSI. « Il m'a demandé de m'en charger. Si dans mes premières expériences de consultant j'ai eu affaire à des clients issus de l'IT, je n'avais que des connaissances très relatives dans ce domaine », ajoute-t-elle.
Elle a alors redéfini sa vision du métier de DSI. « Je passe beaucoup de temps sur la valeur intrinsèque de l'entreprise en m'assurant que les équipes IT à saisir les opportunités de développement, qu'elles travaillent sur la gestion des risques, de nouvelles applications ou les infrastructures », explique Anne Ayer. Comme pratiquement tous les DSI multiroles, elle estime que la seule façon de fonctionner efficacement est d'éviter l'épuisement professionnel. Pour ce faire, ils doivent pouvoir compter sur l'efficacité de leurs équipes. « Il y a beaucoup de chose à déléguer. Nous avons des gens qui travaillent avec de très hauts niveaux de responsabilités », déclare-t-elle.
Un vrai coup de pouce pour la carrière
Un des plus grands avantages de la position de DSI multirôles est la quantité d'expérience et de savoir que vous pouvez accumuler. « Gérer un portefeuille plus complexe de compétences n'est jamais une mauvaise chose. Au contraire, cela dope vos compétences », déclare Mike Capone. Il poursuit : « Pour exercer mon rôle actuel de directeur des opérations, je me sers tous les jours de mes expériences acquises ». C'est une plus-value certaine pour la carrière. « C'est une grande opportunité puisque souvent, les dirigeants multiroles prennent du galon », explique Peter High. Fréquemment, les DSI qui assurent plusieurs fonctions prennent plus d'importance que le directeur des opérations ou même le CEO assure-t-il. « Cela ouvre la porte a des postes plus intéressants », ajoute Peter High.
Chez AES, Hugo Vasquez assure que son poste de DSI groupe adjoint lui a permis d'avoir une vision plus globale de l'entreprise qu'il n'avait pas en étant simple DSI d'uniques entités. « Dans cette position, j'ai eu l'opportunité de m'investir à la fois dans les opérations courantes mais aussi dans la stratégie globale de l'entreprise », précise-t-il. C'est, selon lui, la position idéale pour être à la fois proche des clients, des collaborateurs et des dirigeants.
Traduction et adaptation : Oscar Barthe
Article rédigé par

La rédaction de CIO Etats-Unis,
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