Les DSI prévoient une réduction de 18% de leurs recrutements d'ici 2 ans

L'automatisation et l'IA sont citées comme les principaux facteurs contribuant à la baisse prévue des équipes IT. Mais les changements dans les stratégies de sourcing de compétences pourraient jouer un rôle au moins aussi important.
PublicitéLes DSI anticipent une baisse significative des postes salariés au sein de leurs équipes, selon une récente étude du cabinet de recrutement spécialisé Harvey Nash, d'origine britannique. Des variations dans les méthodes de sourcing des équipes IT, jouant sur l'équilibre entre recrutement interne et recours à des prestataires, jouent probablement un rôle, selon les observateurs du secteur. Mais l'IA également, notamment en termes d'expérience et de formation recherchées. Cette technologie a aussi un impact psychologique, les dirigeants étant persuadés qu'elle entraînera à terme une réduction des besoins en effectifs.
« Les leaders du numérique estiment que leurs besoins de recrutement pour les postes technologiques existants diminueront de 18% au cours des deux prochaines années. Plus généralement, les personnes interrogées prévoient qu'environ 18% des effectifs feront l'objet d'une automatisation au cours des cinq prochaines années », indique l'étude de Harvey Nash, menée auprès de plus de 2000 répondants dans 62 pays.
Les compétences en IA recherchées
De plus, l'étude révèle une évolution des mentalités privilégiant les compétences en IA par rapport à l'expérience informatique : « actuellement, 65% des responsables du numérique privilégieraient un développeur de logiciels utilisant l'IA avec seulement deux ans d'expérience, à un développeur avec cinq ans d'expérience, mais sans compétences en IA. Cela a des conséquences non seulement sur le profil recherché par les responsables du numérique, mais aussi sur la manière dont ils souhaitent développer les compétences de leurs équipes. »
Matt Kimball, vice-président et analyste principal chez Moor Insights & Strategy et ancien DSI de l'État de Floride, estime que cette évolution est potentiellement problématique, car les compétences des professionnels plus âgés pourraient être perdues. « Alors que la génération des baby-boomers raccroche peu à peu, les jeunes travailleurs arrivent et adoptent davantage l'automatisation que leurs aînés, souligne Matt Kimball. On manque de personnes sachant ce qu'est un script shell ou une ligne de commande. »
L'analyste attribue les réductions d'effectifs annoncées « en partie à l'automatisation et en partie au cloud, mais aussi à de nombreux partenaires. On peut faire appel à Deloitte, Accenture ou autre et réduire le nombre de personnes nécessaires à la maintenance de l'infrastructure informatique au fil du temps. Ce sera bien moins coûteux » que de rémunérer des informaticiens salariés, veut croire Matt Kimball. Mais, selon lui, ces économies temporaires ont, à long terme, un coût élevé. « Investir dans ses propres compétences permettra d'obtenir de bien meilleurs rendements », assure-t-il.
PublicitéVieille idée, promesses neuves
Dans l'ensemble, Matt Kimball se montre sceptique quant à la possibilité de voir l'automatisation entraîner une contraction notable des effectifs IT. « On parle d'automatisation et d'AIops depuis au moins 25 ans. Ce n'est pas nouveau, dit-il. L'idée que l'automatisation va faire disparaître les effectifs » n'est pas justifiée par les chiffres à long terme.
Roman Rylko, directeur technique du cabinet de conseil IT Pynest, a cependant pu constater cet effet en action, notamment chez un de ses clients dans la fintech. Celui-ci « a optimisé son service informatique interne en réduisant de près de moitié ses effectifs de testeurs et d'administrateurs à temps plein et en transférant ces tâches à une équipe de développement dédiée, indique Roman Rylko. L'objectif était de transférer une partie de la charge de travail à des partenaires externes et de réduire les coûts fixes. »
Le poids du cloud et des services managés
Les réductions d'effectifs ne concerneront pas tous les domaines informatiques, ajoute-t-il, notamment « la cybersécurité, car les risques ne font qu'augmenter ; le big data et l'analytique, car les entreprises s'appuient de plus en plus sur les données ; et l'architecture, essentielle à la gestion des systèmes hybrides. » Mais, ajoute Roman Rylko, « les postes courants seront supprimés en premier : certains au support, ceux concernant les tests non automatisés et l'administration des systèmes existants. »
Chirag Agrawal, consultant en ingénierie logicielle auprès des entreprises, constate également une tendance à la réduction des effectifs IT, ainsi qu'une baisse des recrutements dans les DSI. « Mais l'IA n'est pas la seule raison. Le plus souvent, ces tendances sont dues à la consolidation des outils des fournisseurs, aux services cloud managés et à l'automatisation des tâches routinières, explique-t-il. Il y a dix ans, de grandes équipes géraient des serveurs et des réseaux on-premise. Aujourd'hui, une petite équipe peut prendre en charge le même travail grâce à un Kubernetes managé, des configurations serverless ou des services de sécurité externalisés. »
Chirag Agrawal ajoute : « La pression budgétaire est un facteur sous-estimé. Les DSI sont soumis à une surveillance étroite pour réduire leurs coûts d'exploitation et réaffecter les fonds ainsi dégagés aux initiatives de transformation numérique. Cela se traduit souvent par une réduction des postes IT traditionnels au profit d'investissements accrus dans l'ingénierie cloud, la gouvernance des données et les compétences en sécurité. »
Sourcing en pleine mutation
Le consultant a constaté de nombreuses embauches 'boomerang', où les DSI licencient des employés et les réembauchent sur simple appel quelques mois plus tard. « Cela représente en partie une correction suite à leurs licenciements, mais aussi une réduction globale des coûts pour eux », souligne-t-il, grâce aux économies réalisées sur les avantages sociaux et les congés payés.
Maxim Ivanov, PDG du cabinet de conseil en IA Aimprosoft, observe, en parallèle, une évolution vers une plus grande flexibilité concernant les contrats de sourcing externe. « Les organisations abandonnent les contrats pluriannuels au profit d'engagements plus limités et plus flexibles, avec des durées plus courtes, et adoptent des cycles de facturation trimestriels. Or, nous constatons davantage de retards de paiement ou de litiges », détaille-t-il.
Article rédigé par
Evan Schuman, CIO US (adapté par Reynald Fléchaux)
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