L'Urssaf peaufine la relation avec ses usagers avec la GenAI
Après avoir déployé chatbots, callbots et autres mailbots, l'Urssaf déploie de la GenAI travaillée avec ses agents pour améliorer la relation avec ses usagers, en mettant l'accent sur l'éthique. Pour aller plus loin, elle veut personnaliser les réponses aux questions les plus simples et faire évoluer ses indicateurs.
Publicité30 à 40 millions de déclarations chaque mois, issues d'un total de 12 millions d'entreprises et d'entrepreneurs qui représentent 27 millions de salariés. C'est ce que traite l'Urssaf chaque mois, qui collecte et reverse 500 Md€ de cotisations chaque année. Un périmètre qui induit des enjeux importants de transformation numérique, en particulier en matière de relation avec les usagers, mais aussi de quotidien des agents et de traitement de la data. Et dans ce contexte, la GenAI joue un rôle de plus en plus central, comme l'ont détaillé Carole Leclerc, directrice innovation et digital et Julien Rey, responsable du pôle Urssaf digitale à l'occasion du salon Big data & IA 2025 à Paris en octobre.
Pour commencer, les volumes de données manipulés par l'Urssaf sont « énormes », selon l'expression de Carole Leclerc et représentent un important défi de qualité et de fiabilisation, en particulier pour accompagner ses agents et ses usagers avec de l'IA. Pour les agents, l'Urssaf a déjà développé des chatbots d'information classiques pour du support IT ou RH, par exemple. Mais elle expérimente aussi l'IA générative pour les aider à corriger les erreurs des usagers dans leurs déclarations. Enfin, en ce qui concerne la qualité de service aux usagers, l'Urssaf s'attelle à suivre « les tendances du marché, et à [leur] offrir une expérience semblable à celle qu'il peuvent avoir avec d'autres services clients », comme le précise Carole Leclerc. « C'est dans ce cadre-là , poursuit-elle, que nous avons créé en 2019, le programme Urssaf digitale qui vise en particulier à les autonomiser ».
La GenAI après les chatbots, callbots, mailbots
Avec le développement de l'IA générative, l'Urssaf fait face à des enjeux humains, mais aussi technologiques spécifiques. Du côté humain, il s'agit d'une part de faire comprendre aux agents l'intérêt et les avantages de l'IA, et d'autre part, de fluidifier le parcours des usagers. Comme le rappelle en effet Julien Rey, « nous avons affaire à profils variés, avec des freelances, des livreurs Deliveroo autoentrepreneurs, par exemple, ou encore des [entrepreneurs en] Sasu dont la moyenne d'âge est 60 ans. Or la GenAI augmente encore davantage la fracture numérique ». Du côté technologique, « nous sommes un acteur public et nous ne pouvons pas, par exemple, nous rendre captifs d'un éditeur pendant 5 ans. [Pour autant], nous sommes face à une question permanente de « make or buy ». Car, nous n'avons pas vocation à recréer ce que font très bien certains éditeurs... »
Dès 2019 et le lancement d'Urssaf Digitale, l'organisme a donc mis en place pour ses usagers une douzaine de chatbots, puis des callbots, des mailbots, et teste désormais la GenAI. Et dès le départ, elle a choisi de confier aux métiers et non à la DSI la mise en place et l'amélioration continue des projets. « Et quand nous parlons des métiers, nous parlons réellement des agents qui répondent par mail ou par téléphone aux usagers », insiste Julien Rey. Les chatbots IA apportent, comme il l'explique, des avantages assez bien identifiés. « Un usager n'est plus obligé d'attendre les heures d'ouverture pour obtenir une réponse de niveau 1, mais peut l'obtenir 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Mais avec l'IA, nous allons plus loin en détectant par exemple désormais des centaines de types de questions [et non plus 3 ou 4 en liste fermée, NDLR] que nous envoyons vers les bonnes personnes ». L'Urssaf s'adapte enfin aux différents profils d'usagers dont certains veulent une totale autonomie avec l'IA, alors que d'autres continuent de préférer parler à un humain. « Nous éliminons des irritants et nous réduisons les délais de réponse », résume Julien Rey.
PublicitéVers une personnalisation des réponses
En interne, pour ses agents, l'organisme a par exemple mis en place un chat open source hébergé sur un cloud souverain. « L'objectif, c'est d'embarquer tout le monde », insiste Carole Leclerc. Depuis presque deux ans, l'Urssaf a ainsi déployé des LLM pour l'aide à la compréhension des questions, la recherche de connaissance et plus récemment pour l'aide à la réponse aux usagers, en modèle RAG. Julien Rey explique qu'avec les divers canaux disponibles, la possibilité d'avoir du live chat ou des mails avec plusieurs demandes concomitantes, par exemple, les scripts téléphoniques traditionnels de la relation client ne sont plus adaptés. Le chat de l'Urssaf va aider l'agent à répondre à l'usager, dans un format mail, avec les informations adéquates, mais aussi dans une syntaxe et une orthographe vérifiées. « Cela permet aussi d'avoir des réponses cohérentes entre différentes caisses régionales, ajoute Julien Rey. Et pour tout cela, on a bien sûr besoin de technologies, mais c'est avec les métiers que nous construisons ».
Malgré tout, comme l'explique Carole Leclerc, la satisfaction usager atteint un plafond de verre. « Bien sûr, nous arrivons à répondre à du niveau un, confirme la directrice innovation et digital. Mais nous recevons de nombreuses questions très simples et il nous manque la capacité de les traiter avec des réponses personnalisées plutôt que génériques. Avec un montant, par exemple, ou la raison précise pour laquelle l'usager n'arrive pas à réaliser telle ou telle action ». Pour avancer sur ce sujet de la personnalisation des réponses, l'Urssaf veut connecter plus finement ses chatbots à son SI, mais travaille également à des logiques de composants avec une forme de scoring des entrepreneurs. Une démarche qui permettrait de « lancer une campagne de marketing automation par exemple, et de proposer des services spécifiques à des entrepreneurs qui ont atteint un seuil, à partir duquel il serait intéressant qu'ils basculent d'autoentrepreneur à indépendant », précise Carole Leclerc.
Repenser les indicateurs
Outre les enjeux humains et éthiques, Julien Rey rappelle également que l'évolution digitale de la relation usager avec la GenAI, demande également à repenser les indicateurs. « Pour nous, la mesure phare pour la relation usager, explique-t-il, c'est par exemple le taux d'appels aboutis. C'est-à-dire, le taux d'obtention d'une réponse pour un usager. Mais il est calculé uniquement sur des heures ouvrées alors que désormais, il est possible d'obtenir une réponse à 20 heures ou à minuit. Autre question : à quelle Urssaf affecter une réponse obtenue dans le callbot ? » La GenAI pousse aussi à mesurer des éléments qui ne l'étaient pas jusque-là. « Aujourd'hui, un usager qui pose une question dans le mailbot, passe par un choix fermé de motifs, et l'Urssaf a des intérimaires dédiés à la requalification de ces mails ». Avec la GenAI, il pourra poser une question d'ores et déjà qualifiée.
Les deux représentants de la transformation digitale de l'Urssaf ont également évoqué des points d'attention indispensables dans la stratégie GenAI. Carole Leclerc évoque par exemple le choix des éditeurs. Elle rappelle qu'en tant que direction innovation et digitale, pour suivre le rythme du marché, son équipe réalise des tests avec un éditeur spécifique. Mais au moment de l'industrialisation, en particulier parce que l'équipe est montée en compétence sur le sujet, elle regarde d'autres éditeurs, se repose la question de l'open source, etc. Julien Rey de son côté, rappelle enfin qu'en tant qu'acteur public en particulier, l'Urssaf compte bien n'utiliser l'IA générative que comme une aide, un accompagnement, et porter une attention particulière à l'éthique. « Nous devons par exemple être particulièrement sensibles à des expériences dans d'autres pays qui ont parfois très mal tourné ».
Article rédigé par
Emmanuelle Delsol, Journaliste
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