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« Donnez une seconde vie à vos vieux ordinateurs : mettez les au musée ! »

« Donnez une seconde vie à vos vieux ordinateurs : mettez les au musée ! »

Entretien avec Philippe Nieuwbourg, à l'origine de l'actuelle exposition et du futur musée de l'informatique, au Toit de la Grande Arche de La Défense. Il lance un appel à ne pas détruire notre histoire technologique alors même que beaucoup d'entreprises ou d'administrations ne savent plus quoi faire de vieilles machines qui risquent à tout moment d'être jetées (avec le coût induit de retraitement des déchets électroniques).

PublicitéDu 5 juin à mi-novembre 2007 (au lieu du 4 septembre comme initialement prévu puis du 8 octobre envisagé ensuite), vous organisez une exposition sur l'histoire de l'informatique sur le Toit de la Grande Arche de La Défense. Que va devenir cette initiative ? Après l'exposition actuelle réalisé grâce au soutien de sponsors comme Prosodie, Pivotal et le Toit de la Grande Arche, nous travaillons en ce moment sur l'ouverture des espaces permanents, à partir de mi-décembre 2007 (la date précise n'est pas définie pour le moment). Cette exposition permanente occupera au moins 400 m² en décembre sur les 800 m² dont nous disposerons dès décembre 2007, à étendre encore par la suite en fonction des attentes et des moyens disponibles. Le Toit de la Grande Arche se transforme donc par étape en Musée de l'Informatique qui couvrira également les télécommunications et les métiers associés aux technologies de l'information. Précisons que c'est le succès de l'exposition actuelle qui est à l'origine des prolongations successives de sa durée : nous sommes submergés de demandes de visites de groupes, notamment scolaires. C'est un bon signe pour le futur musée. Comment sera structuré le futur musée, le premier du genre en France à avoir une certaine importance ? Le Musée de l'Informatique s'appuiera donc sur une exposition permanente sur environ 400 m² et qui retracera le "fil du temps" de l'histoire de l'informatique, découpé en grandes périodes : - Avant 1940 : l'électromécanique, les machines à tabulation, la mécanographie, les machines à recensements ; - 1940 - 1950 : les développements de la seconde guerre mondiale (cryptage, calcul des tirs, bombe atomique...) ; - 1950 - 1960 : Naissance de l'industrie informatique, premiers calculateurs commerciaux ; - 1960 - 1970 : Les grands systèmes (reconstitution d'un système complet avec son calculateur, lecteur de cartes, disque magnétique... Nous prévoyons environ 50 à 60 m² de mise en scène) ; - 1970 - 1980 : Naissance des microprocesseurs, premiers micro-ordinateurs, prémices de l'Internet (Arpanet) ; - 1980 - 1990 : Démocratisation du PC, naissance de l'informatique personnelle, naissance des jeux vidéo, l'informatique éducative, les logiciels vendus séparément des ordinateurs (naissance de l'édition informatique) ; - 1990 - 2000 : Développement des capacités techniques (puissance, couleur...), connexion des PC au réseau Internet, Développement du World Wide Web, croissance et éclatement de la bulle Internet ; - 2000 - 2010 : Audio, vidéo, applications en ligne, les réseaux deviennent omniprésents, Développement de la communication sans-fil ;... Et pour finir... - Le futur : Réflexion sur les biotechnologies, les interfaces homme - machine en 3D, la réalité virtuelle, la connexion perpétuelle et l'automatisation des échanges autour d'agents intelligents. C'est un voyage dans l'histoire, qui commence au début de XXème siècle, se poursuit jusqu'à nos jours et veut pousser même à réfléchir à notre avenir autour des TIC. En parallèle des espaces permanents, nous allons ouvrir une ou deux expositions temporaires de 200 m² chacune. Les thèmes sont encore en cours de discussion (Histoire de l'Internet, Evolution des interfaces homme-machines, Exposition de photos, Les grands hommes de l'histoire de l'informatique...). Un Comité Scientifique guidera la mise en place du musée et de ses expositions et, d'ailleurs, si les lecteurs ont des idées ou des remarques, ils peuvent nous en faire part... Qu'attendez-vous des acteurs du marché de l'informatique et des entreprises ou administrations utilisatrices ? Je suis aujourd'hui encore très étonné et déçu du peu d'implication des grands acteurs (HP, Bull, IBM et les autres...) dans ce projet. La France n'est-elle devenue que le bureau commercial de ces grandes sociétés ? Toute réflexion et tout travail de mémoire sur l'histoire de l'informatique doit-il être réservé aux américains ? J'espère que nos prochaines démarches pour présenter aux dirigeants français le musée permanent trouveront un accueil plus favorable et que les portes de ces grands constructeurs ne resteront pas closes face à ce projet qui les concerne au plus haut niveau. Nous recherchons surtout aujourd'hui, bien entendu, le soutien logistique et financier de ces grands constructeurs et fournisseurs informatiques. Concernant les machines, nous cherchons surtout à ne pas perdre les quelques vraies antiquités qui resteraient dans les caves et les entrepôts, témoins des débuts de l'informatique professionnelle. Je suis surtout soucieux de renforcer la collection autour des grands systèmes des années 50, 60 et 70. Je suis beaucoup moins demandeur des milliers d'ordinateurs personnels des années 80 pour lesquels notre collection est déjà bien remplie et qui sont faciles à trouver. En revanche tout ce qui composait les mainframes des années 60 et 70 doit être d'urgence sauvé ! Je suis prêt à faire des centaines de kilomètres pour cela ! Vraiment ? Tout à fait ! Par exemple, il y a un mois, j'ai fait 1000 km dans la journée, en dormant dans ma camionnette louée pour l'occasion, pour récupérer un Philips P353 de 1969 qui dormait dans une cave. C'est une machine-table de 200 kg qui propose toutes les technologies innovantes de l'époque : lecteur de cartes perforées, cartes programmes avec des fils pour relier les instructions entre elles, mémoire à tore de ferrite, imprimante comptable à feuilles magnétiques... Son propriétaire avait besoin d'un établi, et il envisageait de détruire cette machine pour en récupérer les pieds et la table ! J'ai réussi à le convaincre de remettre cette destruction et je me suis rué à côté de Mulhouse pour le récupérer. Et il y a 2 ans, ma collection a connu une progression majeure par la récupération d'un stock de vieux machins, stockés dans la région de Digne par un "collectionneur" qui envisageait lui aussi l'ouverture d'un musée. Mais un musée de l'informatique à Digne... pas facile. Il m'a donc cédé pour quelques centaines d'euros, un stock de 30 m3 de matériel... Mon problème a été de le récupérer... 30 m3 de machins (plus que de machines) qu'il avait entassés dans une remise depuis plus de 10 ans, suivant la méthode LIFO (Last In First Out), ça n'a pas été simple ! Impossible de faire le tri, tout était entassé. Il m'a fallu trois aller-retours Paris-Digne en petit camion pour remonter la totalité. Au total, plusieurs centaines de PC, écrans, imprimantes, accessoires, logiciels... pas vraiment de trésor caché, mais un bon fond de collection. Mais comment stockez-vous tout cela ? Vous ne disposez pas des réserves du Louvre... Ma femme me rappelle régulièrement que, au départ, il y a 5 ans, j'ai commencé par faire une collection de "PC portables". Ca ne prenait pas trop de place : la collection tenait sur une table dans la salle de réunion de ma société. Puis je me suis "diversifié"... j'ai envahi la véranda, la cave, la salle de douche de la chambre d'amis, loué un box, puis deux box, puis enfin transféré l'an dernier le tout dans un petit entrepôt loué à un ami pour une somme symbolique. La prochaine étape, ce sera un véritable lieu de stockage professionnel. Que voudriez-vous dire à tous ceux qui ont peut-être quelque merveille qui dort dans leur cave, pas très loin de la poubelle ? Donnez une seconde vie à vos vieux ordinateurs : mettez les au musée ! N'oubliez pas que les déchets électroniques doivent d'ailleurs être déposés dans un circuit de recyclage (qui peut se révéler fort coûteux) et qu'il est donc interdit de mettre des ordinateurs simplement à la poubelle. Le soucis de l'environnement et celui de l'histoire voient, au Musée de l'Informatique, converger leurs intérêts...

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