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Décryptage juridique de la licence open source

Décryptage juridique de la licence open source

PublicitéLe monde du logiciel libre a pour l'instant suscité peu de jurisprudence. Les DSI doivent toutefois maîtriser les subtilités des licences open source. Ce concept d'open source a été développé en 1989, sous l'impulsion de Richard Stallman qui, ayant développé un système d'exploitation libre, a décidé, pour favoriser l'évolution du logiciel, de le rendre compatible avec Unix, le dénommant GNU. En fait, il existe plusieurs autres modèles de licences disponibles en ligne, notamment la NPL proposée par Netscape sur son navigateur Communicator ou encore celles de l'Electronic Frontier Foundation. Il est bien sûr possible de créer sa propre licence open source, l'Opensource Initiative permettant à toute personne de proposer une licence pour certification. Mais dans ce cas, il faut compter avec la communauté des adeptes du logiciel libre, prompte à dénoncer les licences non conformes. Il existe un parallèle possible avec la licence "shrink-wrap" (l'accord est donné en déchirant l'emballage) et la licence open source (le plus souvent, un clic sur une icône à l'écran). En effet, dans les deux cas, il s'agit d'un contrat d'adhésion, le consentement de l'utilisateur étant réputé acquis dès qu'il utilise le logiciel. Sur ce point, on rappellera que, selon les règles qui gouvernent le consensualisme, l'expression des volontés peut s'exprimer par tous moyens. L'offre doit être précise, ferme et non équivoque. L'acceptation doit être perceptible. Tout est donc question d'appréciation du juge confronté à une éventuelle revendication sur ce terrain. Le licencié a le droit d'utiliser le logiciel sans limitation du nombre d'utilisateurs, de machines... mais en respectant les trois conditions suivantes : faire figurer "visiblement" sur les copies une mention de droit d'auteur et l'indication d'absence de garantie, ne pas modifier les mentions faisant référence à la GPL, et fournir une copie de la GPL avec chaque copie. Le licencié a également le droit de copier et de distribuer le code exécutable du logiciel, sur tous supports et dans tous pays, éventuellement moyennant rémunération du service de distribution. Ici encore, ces droits sont assujettis à trois obligations pour l'utilisateur : accompagner le code exécutable des codes sources sous une forme appropriée ; ou bien distribuer le code exécutable accompagné d'une offre écrite d'une durée minimale de trois ans fournissant à l'utilisateur la copie des codes sources pour une somme n'excédant pas le coût de la copie ; ou bien encore, en cas de distribution non commerciale, répercuter l'offre d'accès aux codes sources. L'on notera plus particulièrement l'obligation de soumettre à la licence GPL les copies distribuées et l'impossibilité de réduire l'étendue des droits de l'utilisateur. Conformément au modèle de référence GPL, le licencié a le droit de modifier le logiciel, étant précisé que les "portions" modifiées doivent porter indication, de façon appropriée, de l'existence de la modification, du nom de la personne effectuant la modification et de la date de la modification. Les modifications consistent, comme d'usage, dans les corrections des dysfonctionnements du logiciel, les adaptations à un environnement spécifique, les interfaçages, les nouvelles fonctionnalités, les traductions... Sauf autorisation expresse du donneur de licence ou sauf stipulation contractuelle plus favorable, l'utilisateur sous licence open source renonce à la réservation des droits sur l'ensemble logiciel intégrant ses modifications. Conformément aux termes de la licence GPL, ces modifications devront être soumises à la licence GPL en cas de distribution par leur auteur. En effet, ce dispositif contractuel open source organise l'enrichissement systématique du logiciel, sous le contrôle du donneur de la licence initiale. Or, la licence GPL s'applique par principe à toutes les modifications "non dissociables", notamment aux oeuvres "dérivées" (any derivative work under copyright law), interdisant de ce fait toute réservation des droits. Elle prévoit même que si un développement intégrant un logiciel libre s'avérait brevetable, le bénéficiaire d'un tel brevet devrait s'engager à établir une concession de licence permettant l'utilisation par tous ou renoncerait à exploiter son brevet. La licence GPL prévoit également que toute intégration de tout ou partie du logiciel libre dans tout ou partie d'un autre logiciel libre soumis à des conditions de licence différentes de la GPL ou d'un autre logiciel propriétaire est soumise à autorisation du donneur de licence. Il existe toutefois une version de licence plus souple, la GNU Lesser General License, qui permet l'intégration d'un logiciel libre (free software) dans un ensemble de logiciels soumis à des conditions de distribution différentes. C'est l'utilisateur sous licence qui assume la totalité du risque quant à la qualité et aux performances du logiciel ainsi qu'aux conséquences liées notamment à d'éventuelles pertes de données ou aux dysfonctionnements du logiciel. La licence GPL prévoit en effet une clause excluant toute garantie qui serait la contrepartie de la liberté d'utilisation (et parfois de la gratuité) du logiciel libre. À cette contrainte, certains font valoir que la solution open source offre une meilleure garantie de pérennité à raison de l'indépendance qu'elle instaure à l'égard des fournisseurs (autonomie en cas de disparition de l'éditeur ou du produit concerné). Elle est même considérée comme offrant une meilleure garantie de fonctionnement à raison de la rapidité de correction des erreurs grâce à la mutualisation des corrections réalisées par la communauté des utilisateurs, voire une plus grande efficacité à moindre coût. Sans doute, pourrait-on faire valoir qu'en droit français, la voie des garanties légales reste ouverte, quoique incertaine. Pour ce qui concerne la garantie légale des vices cachés, on rappellera qu'en matière de logiciels, elle prête encore à discussion, a fortiori lorsqu'il s'agit d'un logiciel concédé à titre gratuit. En revanche, on peut penser que la loi du 19 mai 1998 transposant la directive sur les produits défectueux est susceptible de s'appliquer puisqu'elle pose le principe général de responsabilité du fabricant pour les défauts des produits qu'il met en circulation. Le droit à réparation bénéficierait ainsi aussi bien aux tiers qu'aux acquéreurs d'un logiciel libre. Cette responsabilité ne s'éteint que dix ans après la mise en circulation du produit qui a causé le dommage. La licence GPL ne contient aucune clause relative à la durée. En droit français, l'on peut considérer que la licence est à durée déterminée, tout logiciel bénéficiant de la durée de protection légale (soixante-dix ans à compter de sa communication au public). Aucune résiliation anticipée n'est alors possible sauf à violer les termes de la licence. On peut également considérer que le contrat est à durée indéterminée, ouvrant ainsi la faculté à chacune des parties de résilier le contrat à tout moment moyennant un préavis raisonnable. Dans ce cas, se pose néanmoins la question du sort des améliorations apportées par la communauté des utilisateurs successifs. En l'état du droit et de la pratique des licences open source, un constat s'impose : le logiciel libre a soulevé peu de contentieux. L'affaire la plus médiatisée a été celle qui a opposé SCO Group à IBM, auquel il était reproché une "concurrence illégale, rupture de contrat et appropriation abusive de secrets commerciaux". Selon SCO, le système d'exploitation GNU/Linux intègrerait une partie des sources Unix dont il a acquis les droits. Plus récemment, le 2 avril 2004, une société américaine a été condamnée par le tribunal de Munich (Allemagne) pour ne pas avoir respecté les termes de la licence GPL.

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