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Comment la Sacem a débranché son mainframe

Comment la Sacem a débranché son mainframe
Paul Cohen Scali, DSI de la Sacem : « La difficulté principale de ce type de projets consiste à garder la priorité dans le temps, surtout vis-à-vis des métiers ». (Photo : Jean-Baptiste Millot)

Au printemps, la Sacem est parvenu à se défaire de son mainframe Unisys. Un projet au long cours que le DSI a choisi d'ériger en priorité depuis 2 ans et demi.

PublicitéAprès un projet de longue haleine, le mainframe Unisys de la Sacem a été mis à la retraite en mai dernier. Ce grand système portait le coeur du réacteur des activités de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (la signification du sigle Sacem), soit le référentiel des oeuvres et le calcul de la répartition des droits. Même si, du fait de l'évolution du marché de la musique, en particulier le développement du streaming, un second référentiel d'oeuvres avait été mis en place, à l'extérieur du mainframe. Preuve, déjà, d'une certaine disgrâce.

« Nous gérions déjà les aspects de modernisation de notre activité en dehors de ce système, mais il restait à éliminer tous les traitements résiduels », confirme le DSI, Paul Cohen Scali, qui dit avoir trouvé un chantier déjà bien avancé à son arrivée au sein de la société, en 2019. Sur la machine Unisys, subsistaient toutefois des traitements de collecte et de répartition sur l'activité phono (incluant CD et vinyles) et vidéo, certes en décroissance mais loin de disparaître pour de bon. « La conséquence, c'est que nous devions synchroniser nos référentiels hors et à l'intérieur du mainframe. Le nouveau système était lié à l'ancien », dit Paul Cohen Scali, qui avait déjà 'débranché' un mainframe au cours de sa précédente expérience, en tant que DSI et directeur des opérations du PMU.

Garder le cap sur la durée

Le responsable prend alors la décision de lancer une initiative dont l'objectif affiché - tuer le mainframe - ne laisse aucune place au doute. « Si nous la présentions comme une modernisation de la famille phono et vidéo, nous risquions d'oublier des traitements », argumente Paul Cohen Scali. Pour la Sacem, en plus de la modernisation des interfaces utilisateur des applications encore sur mainframe, le programme doit à la fois déboucher sur des économies - la maintenance sur ce système s'avérant coûteuse - et assurer l'évolution des compétences au sein de la DSI. « Les développements en Cobol étaient maintenus par des personnes proches de la retraite, voire ayant dépassé l'âge de leur départ normal. L'un des enjeux du projet était de pouvoir laisser partir ces collaborateurs », reprend le DSI.


« La difficulté est d'organiser le programme pour que chacune de ses composantes arrive à l'heure, afin de respecter l'échéance de fin de contrat avec Unisys », dit Paul Cohen Scali. (Photo : Jean-Baptiste Millot)

Sauf que ce type de projet reste par définition long, donc risqué. « La difficulté principale consiste à garder la priorité dans le temps, surtout vis-à-vis des métiers pour qui, en soi, se détacher d'un boulet informatique n'apporte pas plus de valeur que cela », souligne Paul Cohen Scali. La sortie du mainframe devient ainsi la priorité de la Sacem il y a environ 2 ans et demi, le DSI confiant avoir maintenu « une saine pression » sur ce sujet sur toute cette durée. Pour bien cerner les contours du projet, un audit permet d'abord de répertorier tous les traitements encore assurés par le grand système. Ce qui permet de mettre au jour « du Shadow IT qui s'est construit sur deux décennies », souligne le DSI. Par exemple, des macros Excel qui envoient des requêtes au mainframe.

PublicitéUne direction de programme pour piloter les trains

Pour conduire l'initiative, la Sacem choisit de mettre sur pied un programme dédié. Car la sortie du mainframe touche pas moins de 100 à 150 personnes au sein d'une DSI qui en compte environ 350. « La difficulté est d'organiser le programme pour que chacune de ses composantes arrive à l'heure, car nous devions respecter notre échéance de fin de contrat avec Unisys », résume Paul Cohen Scali. L'équipe interne en charge du mainframe est alors chargée de décommissionner peu à peu les fonctions tournant sur le grand système, tout en veillant à rester dans les limites fixées par le contrat (en termes de MIPS utilisés). L'ensemble est piloté par une gestion de programme, qui vient coordonner les différentes équipes applicatives au sein d'une organisation qui est passée à la méthodologie Safe depuis 2022. « Conduire ces programmes touchant plusieurs trains n'est jamais évident. Nous avons choisi la voie d'une direction de programme classique », précise le DSI.

Le projet, qui se sera étalé sur plus de dix ans avec une phase d'accélération sur la dernière ligne droite, permet d'atteindre l'objectif principal : l'arrêt total du mainframe en 2025 pour éviter le renouvellement du contrat de maintenance avec Unisys. Soit une économie d'environ 500 000 euros par an, pour un système devenu, au fil des ans, périphérique dans le fonctionnement de la Sacem. Au total, le projet aura coûté entre 5 et 6 M€, dans une DSI au budget annuel d'environ 60 M€.

Référentiel d'oeuvres unique

La modernisation de la famille phono et vidéo, en Java sur une architecture en conteneurs (hébergée en interne et sur AWS), a aussi permis à la Sacem d'améliorer les fonctionnalités sur ce terrain - via une refonte de la modélisation des contenus et contenants - et de devenir, au passage, le hub européen sur la gestion de ces droits, l'équivalent allemand de la Sacem s'étant retiré de ce marché. « Le programme de sortie du mainframe débouche surtout sur un référentiel d'oeuvres unifié, évitant tous les problèmes de synchronisation, souligne Paul Cohen Scali. Nous avons ainsi simplifié le SI. Auparavant, sur certains sujets, nous rencontrions des difficultés et le mainframe n'était pas la moindre d'entre elles. »

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