Schizophrénie numérique dans les grandes entreprises

La présentation du baromètre CSC 2016 a été associée à des commentaires de DSI devant se consacrer au digital tout en faisant des économies.
Publicité« Les comités exécutifs sont parfaitement conscients, dans les grandes entreprises, que toutes les firmes sont mortelles, quelques soient leurs tailles, donc que la transformation numérique est incontournable » a martelé Yves Le Gélard, CIO/CDO du groupe Engie. Il s'exprimait à l'occasion de la publication du « Baromètre CSC 2016 Les recettes des leaders du digital » que divers managers IT avaient été invités à compléter de leurs commentaires. Et ces commentaires jouaient sur la schizophrénie demandée aux DSI : d'un côté, il faut coûter moins cher, de l'autre il faut investir dans le digital (« numérique » étant de toute évidence nettement moins chic).
« Ce n'est pas la première fois que la DSI est bousculée » a constaté Frédéric Gimenez, CIO groupe Total. La baisse des coûts s'est d'abord appuyée sur les bonnes vieilles méthodes : consolidation, massification des achats de services comme de matériels et de logiciels... Ce modèle a atteint ses limites et Frédéric Gimenez n'a pu que constater : « pour aller plus loin, il faut une rupture, comme le Cloud, même s'il y a d'évidents problèmes de sécurité. » Cette limite n'est pas retenue par Carlos Goncalves, CTO groupe Société Générale : « quand on a la puissance d'achat d'un groupe du CAC 40, le cloud public ne permet pas d'économies substantielles par rapport au cloud privé, même si la variabilité a une valeur. Côté sécurité, nous avons audité avec succès les services que nous utilisons. L'avantage du cloud public est l'innovation. Il y a ainsi 500 nouveaux services par an chez AWS, ce qui nous donne des idées pour notre cloud privé. »
L'innovation est une obligation
« Le cloud a gagné la partie » tranche brutalement Yves Le Gélard, CIO/CDO d'Engie. L'énergéticien est confronté à une triple disruption, ses 3D : la décarbonisation, la décentralisation de la production électrique et la digitalisation. Cette dernière met en concurrence les entreprises traditionnelles souhaitant étendre leurs services avec les GAFA qui ne jouent pas dans la même cour : « quand l'argent n'est plus un problème -comme chez les GAFA-, ça autorise beaucoup de choses » a-t-il soupiré. Le digital chez Engie, c'est la mobilité, le Big Data et l'IoT.
A la Société Générale, comme dans toutes les banques, l'innovation est tout autant vitale sous la triple pression des clients qui exigent l'Atawad (services disponibles partout, tout le temps, sur tous terminaux), des régulateurs (contraintes réglementaires) et des nouveaux entrants de type FinTech. Mais, malgré tout, la pression sur les coûts existe aussi. Cette quadrature du cercle est rendue possible par le recours à des méthodes telles que l'innovation frugale (ne fabriquer que ce qui est porteur de valeur avec une économie de moyens) et l'automatisation des processus métier.
PublicitéQuand le principal problème numérique est la construction d'un bâtiment
Le paiement mobile en stations services, l'IoT industrielle pour la maintenance... toutes ces innovations sont également présentes chez Total. Mais l'essentiel reste de trouver du pétrole, donc de multiplier les calculs en sismologie et en modélisation des sols grâce à des supercalculateurs toujours plus puissants. Frédéric Gimenez a mentionné : « il y a une disruption technologique dans le calcul haute-performance très fréquemment mais notre principal problème est de construire des bâtiments et d'y amener suffisamment d'énergie ». Et malgré la pression sur les coûts et la valeur, Total a validé un budget pour renouveler le socle technologique, c'est à dire la base qui ne procure aucun retour direct en valeur métier par définition mais permet tous les autres projets.
« C'est un moment merveilleux pour être DSI » s'est enthousiasmé Laurent Dublanchet, DSI groupe d'Air Liquide. En effet, la mise en avant de la valeur d'usage remet l'IT au coeur de l'entreprise et la révolution digitale oblige à beaucoup de créativité et d'exploits. Pour Laurent Dublanchet, l'IoT est un levier pour valoriser les actifs de l'entreprise.
Industrialiser à l'ère numérique
Au sein d'un acteur du BTP comme Vinci Construction, le digital est à la traîne mais ça ne va pas durer. « Le BTP est le seul secteur où la productivité a baissé ces cinquante dernières années » s'est ému Samir Hatim, DSI de Vinci Construction. Cette baisse est liée, notamment, à des contraintes réglementaires, en particulier dans al sécurité. L'informatisation du BTP a longtemps concerné uniquement les fonctions centrales. Comment imaginer un ordinateur sur un chantier, tenu part un ouvrier les pieds dans la boue et les mains pleines d'outils ? Comment parler d'informatisation quand on travaille encore sur des dizaines de plans papier ? Le numérique, pourtant, est convoqué pour industrialiser les process, améliorer la sécurité, accroître la productivité...
Autre secteur inattendu où le digital a toute sa place : le placement et l'orientation. Le SI de Pôle Emploi est structurant pour tous les processus métier, notamment le calcul et le versement de 35 milliards d'euros de prestations par an. 14 indicateurs clés de performance (KPI) sont utilisés pour qualifier la performance de l'organisme, notamment trois majeurs : le taux de retour à l'emploi, la satisfaction des usagers et celle des entreprises. La digitalisation, à Pôle Emploi, rejoint la réduction des coûts et l'optimisation des ressources. Elle permet en effet, d'un côté, d'automatiser le processus administratif, d'autre part de personnaliser l'approche et l'accompagnement des demandeurs d'emplois.
Le numérique, clé de l'efficacité
La guérison de la schizophrénie initiale est en effet au coeur des choix stratégiques pour le numérique, selon le « Baromètre CSC 2016 Les recettes des leaders du digital ». Ainsi, les deux premiers motifs de la transformation digitale sont « gagner en efficacité » (54%) et « réduire les coûts » (35%), le troisième étant défensif, « rester au contact de nouveaux concurrents purement digitaux » (27%) suivi en quatrième position de « satisfaire les attentes des clients » (26%). Les entreprises leaders du digital (comme Google par exemple) affirment qu'elles vont davantage augmenter leurs dépenses informatiques (63 % vont le faire) que les autres (52%). Ce gain de performance se traduit par exemple par les outils collaboratifs qui permettent des réunions mondiales en visio-conférence quelques minutes après la décision de la tenir. La prise de décision à très haut niveau en est ainsi facilité et accéléré. Le PDG porte d'ailleurs la stratégie informatique avec la même fréquence que le DSI : 37 % des cas.
Les leaders du digital utilisent toutes les technologies numériques bien plus que les autres mais certaines technologies font bien l'unanimité : le smartphone est ainsi utilisé dans 100 % des cas. Le cloud est au dessus de 80 % en général et de 90 % chez les leaders du digital. Mais pas le cloud hybride : un peu plus de 80 % en général mais moins de 80 % chez les leaders du digital. A l'inverse, les outils sociaux restent en dessous de 40 % dans tous les cas. Côté budget et pouvoir associé, près de la moitié des entreprises attribuent une part aux directions opérationnelles même si, par ailleurs, la DSI maîtrise centralement au moins une partie du budget dans les deux tiers des cas.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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