Saint-Gobain automatise ses tests logiciels avec l'IA agentique

Avec 10 mises à jour par an de son MES maison et 2500 tests logiciels associés, Saint-Gobain a décidé en 2024 d'automatiser ses processus de test avec de l'IA agentique. De la génération automatique de tests jusqu'à la création de processus automatisés de tests, en attendant l'intégration de l'ensemble dès la conception logicielle.
PublicitéLe fabricant français de matériaux pour la construction et l'industrie Saint-Gobain s'est lancé début 2024 dans l'évaluation de l'automatisation de ses tests logiciels avec de l'IA agentique. Il a choisi l'éditeur new-yorkais de RPA UIPath qui hybride désormais l'automatisation classique de processus avec l'IA. Et l'industriel a trouvé un terrain de jeu idéal pour ce faire : son MES (manufacturing exécution system) maison. Saint-Gobain développe en effet depuis 2017 son propre outil de pilotage de la production, une démarche qui requière près de 2500 tests logiciels chaque mois. Il a déjà conçu et mis en place plusieurs agents en phase pilote pour générer automatiquement des tests ou de la documentation de tests, et même automatiser la création des processus de test. Aujourd'hui, il se prend à rêver d'une intégration de ces agents dès la conception logicielle.
Pour un industriel comme Saint-Gobain, avec un millier d'usines dans le monde, le MES est une application critique. C'est ce qu'a rappelé Pierre Raymond, directeur des solutions de digital supply chain et de manufacturing de l'industriel, à l'occasion de l'Agentic automation summit Paris d'UIPath le 26 juin. « Notre MES In4.orm est un core model, hautement configurable, qui couvre aujourd'hui quatre de nos plus grosses activités, à savoir le gypse, l'isolation, le mortier et le verre, complète Pierre Raymond. Nous utilisons cette même solution coeur partout, avec des modules adaptés. Outre le pilotage de la production, nous pouvons par exemple ajouter le contrôle qualité, la gestion des recettes ou celle des matières premières ». In4.orm est déjà installé dans une centaine d'usines de l'industriel qui déploie chaque année une dizaine de mises à jour et mène, pour chacune d'elle, les quelque 2500 tests chaque mois.
Sécuriser la mise en production des tests
Comme le constate Pierre Raymond, il devenait donc urgent pour Saint-Gobain de se structurer pour industrialiser son approche du test logiciel, et donc d'automatiser cette activité. « D'autant que la gestion des règles métier devient de plus en plus complexe et conduit à une augmentation significative du nombre de bugs à chaque nouvelle release ». Le projet d'automatisation des tests démarré l'an dernier vise d'abord à sécuriser la mise en production des mises à jour et ainsi à éviter les régressions sur les règles métier sensibles, comme celles de l'atelier par exemple. Il doit aussi prévenir une augmentation linéaire de la taille des équipes de test avec le nombre de cas de test identifiés. Enfin, « après 8 ans de développement de la solution, cela représente aussi une opportunité pour nous de disposer enfin d'une documentation à jour pour faciliter l'intégration de nouvelles ressources, ajoute Pierre Raymond. C'est le cas à Mumbai, par exemple, où nous employons une soixantaine de personnes avec un turnover important. Notre objectif est donc d'aller bien au-delà d'une simple automatisation ».
PublicitéL'entreprise a donc cherché à monter une test factory en quelque sorte et a commencé à déployer la test suite d'UI Path en 2024. « Couvrir nos 2500 cas de test prendra encore plusieurs mois, reconnaît Pierre Raymond, mais les premiers résultats sont déjà extrêmement prometteurs dans la perspective du passage à l'échelle ». Le projet pilote mené sur le MES permet d'estimer la valeur réellement générée par l'outil, avant de mettre la genAI directement entre les mains de ses testeurs.
Documenter automatiquement les tests
Selon UIPath et Saint-Gobain, jouer et rejouer des fiches de test ne représenterait que 40% de « l'effort de test ». Une partie du travail qui peut être industrialisée avec de l'automatisation classique et des tests en continu, par exemple. Restent 60% de taches moins visibles comme la préparation des environnements ou des données de test. Et c'est ici qu'intervient l'agentique. Les équipes de Saint-Gobain ont par exemple développé un agent de documentation des tests. À l'aide de plusieurs outils, celui-ci récupère des fiches sous Excel dans un référentiel de tests, les lit, les analyse et les interprète. De quoi constituer automatiquement la documentation indispensable à l'intégration de nouvelles recrues, par exemple.
« Avec une intégration complète du test dans le cycle de développement, nous passerions d'un test pour le contrôle qualité à un test levier de productivité pour les équipes de développement », Pierre Raymond, directeur des solutions de digital supply chain et de manufacturing. (photo E.Delsol)
« Avec cet agent capable de générer automatiquement de la documentation à partir d'un simple prompt genAI, de sites disponibles directement dans la plateforme UIPath et d'éléments d'information dont nous disposons déjà, nous observons déjà un gain de temps de 50%, témoigne Pierre Raymond. Alors même que nous ne sommes encore qu'en phase de "proof of value" ». Après la mise en production de cet agent, Saint-Gobain lui a déjà trouvé d'autres usages comme la mise à jour documentaire permanente ou la traçabilité des tests.
Générer les tests à partir de la documentation
Mais l'automatisation vise aussi à trouver des cas de test plus pertinents et plus fiables. Saint-Gobain s'intéresse ainsi à la génération automatique de fiches de test à partir de la documentation existante, à l'inverse de ce que réalise le premier agent. Cette tâche « est extrêmement chronophage pour les testeurs, rappelle le directeur des solutions de digital supply chain et de manufacturing. Or, là, nous sommes capables de générer des cas de test à partir d'un parcours utilisateur. Nous réaliserons une capture des étapes de celui-ci à partir de documents existants contenant des spécifications business. L'outil génère même des cas de test que nos testeurs n'auraient peut-être pas identifiés dans un premier temps ! » Et ce parce que l'IA débusque des règles métier implicites. « Nous avons donc à la fois un gain de productivité et une meilleure couverture des cas de test ».
En toute logique, l'étape suivante pour Saint-Gobain consiste à récupérer la description de ces cas de test et à les transformer en séquences de tests automatisés en low code sur le modèle RPA, c'est-à-dire une séquence d'actions. Saint-Gobain va donc déjà plus loin en transformant des cas de test générés automatiquement par IA en séquences de tests automatisés avec l'IA... « Dans ce contexte, l'agent assiste nos automaticiens dans une autre activité chronophage, en l'occurrence la génération des jeux de données pour les cas de test et aide les testeurs à créer des requêtes qui peuvent parfois se révéler assez techniques, et par exemple créer des expressions régulières. Là encore, nous avons constaté un gain de temps, mais aussi une plus grande efficacité opérationnelle de nos équipes et une pertinence technique incroyable. ».
Vers la génération automatique de tests dès le développement
Mais Pierre Raymond imagine déjà la suite et aimerait introduire de l'IA dans le processus dès la phase de conception. Cela se traduirait par de la génération automatique de test, de la création de documentation en continu, en temps réel, dès les phases de développement . Autrement dit « une intégration complète du test dans le cycle de développement. Nous passerions en quelque sorte d'un test que nous utilisions jusqu'à présent pour du contrôle qualité à un test devenu levier de productivité pour les équipes de développement ». Pour Pierre Raymond, c'est un moment de transition du « test automation » à l'agentic automation. « En revanche, tient-il à préciser, je répète en permanence à mes équipes que je leur fournis les outils techniques pour disposer d'un assistant puissant, mais que l'IA ne remplacera jamais leur expertise métier ».
Article rédigé par

Emmanuelle Delsol, Journaliste
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