Le fabricant de polymères Covestro automatise une usine avec l'IA

Walter Grüner, DSI du fabricant allemand de matériaux polymères Covestro, explique comment l'entreprise identifie et évalue des cas d'usage de l'IA directement valorisables. Parmi ceux-ci, une usine entièrement autonome.
PublicitéCovestro a achevé avec succès sa migration vers le cloud en 2022 et dans les délais, selon Walter Grüner, DSI et CDO du fabricant de matériaux polymères de Leverkusen (Allemagne). Pour s'adapter à ce nouveau type de plateforme, l'entreprise a réorganisé son architecture et ses modèles d'exploitation. Le DSI insiste en particulier sur l'importance du Finops dans cette migration, devenu une routine quotidienne pour l'équipe IT. « Si vous exploitez une technologie complètement nouvelle sans modifier l'organisation, les processus ni les compétences des équipes, et si vous ne mettez place de contrôle financier, vous ne l'exploitez pas à son plein potentiel », estime-t-il.
Un défi plus important que le cloud
Et pour Walter Grüner, il en va de même avec l'intelligence artificielle, nouveau défi de l'industriel. « Si ce n'est que cette fois, c'est tellement différent de tout ce que nous avons déjà vu, qu'il faut absolument avoir une discussion de fond sur ce que cela signifie pour la DSI et pour l'entreprise dans son ensemble. Ainsi qu'une discussion sur la manière dont il faut l'aborder ». Il est important de comprendre tout l'impact de l'IA et de faire en sorte que l'IT et le métier agissent de manière cohérente pour en tirer le meilleur parti. « L'IA est plus imposante, plus rapide et très différente de tout ce que l'on a connu, poursuit le DSI. Et elle se développe de manière exponentielle, alors que la technologie a jusqu'à présent évolué de manière plutôt linéaire ».
« Je peux décider de retarder de plusieurs années l'intégration d'un programme SAP S/4HANA par exemple, continue Walter Grüner. Mais avec l'IA, il n'en est pas question, si l'on ne veut pas être mis hors course ». Les entreprises doivent donc procéder différemment de ce dont elles ont l'habitude, mais également plus rapidement. « Ce sera un des facteurs de succès décisifs dans un nouveau monde mené par l'IA ».
Focus sur la proposition de valeur
De plus, il est essentiel d'embarquer les employés dans l'aventure. « Comme pour tous les sujets informatiques techniques, c'est le changement qui importe », souligne le DSI. Pour que les employés utilisent ce qui est déployé, il faut qu'ils l'apprécient. Sinon les bénéfices ne sont pas au rendez-vous. « De toute façon, tout changement qui n'est motivé que par la peur n'est pas durable. Les gens doivent comprendre le sens de ce changement », estime Walter Grüner. Selon lui, en plus de l'état d'esprit, de la compréhension de la technologie et de l'accompagnement du changement, les entreprises doivent aussi se concentrer sur un autre paramètre clé : la contribution à la valeur. Même si le DSI admet que c'est plus facile à dire qu'à mettre en oeuvre. « Au cours de mes 18 années passées en tant que DSI dans trois organisations différentes, j'ai appris que toutes les entreprises n'ont pas la même capacité à se concentrer sur la contribution à la valeur. »
PublicitéPour répondre efficacement à ce défi, l'équipe IT de Covestro mesure la valeur de son travail avec un ratio de poids : la contribution à l'Ebitda. « Presque tout le monde fait cela, admet Walter Grüner. Mais si les entreprises exprimaient toutes réellement de façon rigoureuse l'ensemble de leurs activités en termes de valeur et ne mettaient en oeuvre que ce qui contribue à la valeur de l'entreprise, de nombreux projets dans les portefeuilles informatiques seraient éliminés - même si quelqu'un en interne y est très attaché. Avec l'IA, c'est d'autant plus important ».
Bien plus qu'une simple réduction des coûts
Cependant, « réduire l'IA aux seules économies financières qu'elle induit relève d'une vision trop étroite, prévient Walter Grüner. Elle peut aussi être à l'origine d'une croissance du chiffre d'affaires ». De manière générale, le DSI résume ainsi sa stratégie d'IA : efficacité, croissance et nouveaux business models. Pour lui, il faut penser et agir dans ces 3 dimensions. Cela doit également aller beaucoup plus vite qu'avant, car c'est désormais le développement technologique qui fixe l'allure.
En ce qui concerne la contribution de l'IA à la valeur, la DSI de Covestro a déjà obtenu des résultats concrets. C'est le cas dans une des usines du groupe située à Dormagen, par exemple. « Nous avons réussi à entraîner une IA à partir des données du système complet, raconte Walter Grüner. Et elle prend désormais en charge seule tout le processus de production ». Au cours de la phase d'entraînement, l'IA a soumis aux employés des suggestions de paramètres de production, qui ont été mis en oeuvre par les humains qui contrôlaient encore l'usine à ce moment-là. Au fil du temps, ces spécifications se sont toutes révélées correctes. Selon le DSI, les employés du site auraient approché ses équipes pour affirmer que l'usine pouvait fonctionner sans leur intervention. « C'est ainsi que nous avons décidé de mettre en place une chaîne de production complètement autonome pilotée par l'IA. En cas de problème, des employés sur site peuvent intervenir à tout moment ».
Une usine autonome avec l'IA
L'IA utilisée par Covestro à Dormagen n'est pas un modèle préentraîné, mais un petit algorithme open source spécialement entraîné pour le site de production. Après plusieurs centaines de jours de fonctionnement autonome, le système offre des temps de réponse optimaux, une faible consommation d'énergie et des produits conformes aux spécifications souhaitées, selon Walter Grüner. « Avec l'IA, nous disposons d'un moyen rapide et rentable d'optimiser l'installation, d'augmenter sa capacité sans avoir à la changer pour autant », résume le DSI.
Autre cas d'usage, l'équipe IT de Covestro a développé un modèle de prévisions assisté par IA en étroite collaboration avec les équipes de la DAF. « Ce modèle améliore la précision de la planification et optimise les besoins en liquidités qui déterminent notre ligne de crédit », précise Walter Grüner. Comme il l'explique, il s'agit d'un problème avec tellement de dimensions et de dépendances que personne ne serait plus en mesure de le suivre dans son intégralité avec de simples feuilles Excel. « L'IA devient particulièrement passionnante et intéressante lorsqu'elle fait quelque chose que les humains ne peuvent tout simplement pas réaliser », estime le DSI. Chaque fois qu'il y a de nombreux paramètres qui s'influencent les uns les autres, simultanément et dans la durée, le cerveau humain ne peut plus suivre - c'est un bon point de départ pour l'IA.
Un portefeuille de cas d'usage
« Les deux exemples de l'usine autonome et des prévisions financières montrent l'étendue des approches possibles avec l'IA », poursuit le DSI. Mais il rappelle aussi qu'afin d'identifier des cas d'usage prometteurs et de résoudre une problématique métier spécifique, il faut explorer les données disponibles dans l'entreprise, ce qui permet d'en déterminer la qualité et l'exploitabilité par l'IA. « L'aspect positif, c'est que cette étape dure rarement plus de quelques semaines et que l'on sait rapidement s'il y a une contribution possible à la création de valeur et si le cas d'usage est intéressant ou s'il vaut mieux tout arrêter », estime Walter Grüner.
À l'inverse, pour le DSI, planifier des projets d'IA sur plusieurs années est une erreur. « Comme la technologie se développe de manière exponentielle, je ne peux même pas planifier un an à l'avance, souligne-t-il. Il est préférable d'avoir un portefeuille de cas d'usage alimenté à partir de ces explorations de la data, mais aussi par les nombreux autres exemples de l'utilisation de l'IA. »
Accompagner le changement de l'IA avec un assistant IA
Pour accompagner le changement lié à l'IA auprès des employés, la DSI de Covestro a développé un assistant IA, Covestro virtual assistant. « L'idée consiste à proposer à un maximum de personnes, un maximum de points de contact avec l'IA le plus tôt possible pour tester la technologie », explique le DSI. L'assistant de Covestro est un système multiagent, multicouche, similaire au Copilot de Microsoft. Mais l'entreprise a délibérément décidé de développer son propre outil plutôt que d'utiliser ce dernier, afin de répondre précisément à ses besoins, mais aussi de rester indépendant des feuilles de route de l'éditeur. Covestro a conçu sa propre interface utilisateur standardisée avec des fonctions d'agent sous-jacentes.
Il s'est écoulé environ six mois entre le début du projet et la mise en service de la solution. « Notre assistant est aussi devenu la couche d'orchestration de l'IA dans l'entreprise. Il nous permet de déployer des fonctions spécifiques à Covestro », souligne le DSI. 6 500 employés environ utilisent déjà l'outil régulièrement et intensivement, une part significative de l'effectif concerné par l'IA selon Walter Grüner (Covestro emploie 17 500 personnes). Et la tendance est à la hausse.
Article rédigé par
Jens Dose, CIO DE (adapté par E.Delsol)
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