Quand la facturation du XaaS invalide le modèle promis du cloud

Le cloud n'a-t-il pas été dénaturé par ses modèles de facturation ? La question a été posée lors de la réunion du CPI-B2B du 13 février 2019.
PublicitéLe principe de base du XaaS (quelque chose « as a service »), le coeur de sa promesse, est le « paiement à l'usage ». Quelque soit le besoin d'une ressource, il suffit de demander et le prix est normalement un forfait à l'unité d'oeuvre. Ça, c'est la théorie. Dans la pratique, les factures des prestataires cloud sont souvent d'une complexité invraisemblable et la prédictibilité des coûts une gageure. A moins d'entrer dans une démarche de type FinOps [contraction de Finances et Opérations], c'est à dire d'étudier très précisément toutes les composantes du coût et de les optimiser en fonction de son besoin réel. De ce fait, la simplicité du cloud n'a-t-elle pas vécu, la promesse initiale trahie ? Sur ce sujet, le Club de la Presse Informatique B2B (CPI-B2B) a longuement débattu le 13 février 2019.
La situation est parfois devenue tellement complexe que des prestataires se lancent dans l'accompagnement FinOps des entreprises. Ceux-ci peuvent ainsi le cas échéant proposer leurs propres services cloud, la création de cloud privé et le recours à du cloud public de type Amazon ou Microsoft. La facturation du cloud peut en effet comporter une série d'éléments tels que du stockage, de la mémoire, de la puissance CPU ou GPU... mais aussi des services d'infrastructure tels que de l'équilibrage de charge. Facturer séparément de tels services est l'exemple typique du dévoiement du cloud puisque l'utilisateur ne devrait pas avoir à se préoccuper des détails sous la seule responsabilité du prestataire.
Un risque financier croissant avec l'immaturité
Avant, les entreprises achetaient des machines avec des caractéristiques précises. Désormais, le cloud, c'est la même chose mais avec des machines sur mesure et en location. Au lieu de simplifier la facture ou les prévisions de budget, le cloud est donc devenu une source de complexité. Ce modèle du « à la demande » provient pourtant du grand public (avec des services tels que Spotify ou Netflix) et vise à une simplicité extrême. Le cas échéant, il faut même admettre que le coût peut être supérieur : le cloud vise à la flexibilité, à l'agilité, pas à la réduction des coûts. Aller à l'hôtel, c'est plus souple (on peut changer de ville, de style ou de taille de chambre) qu'avoir un appartement à un endroit donné mais c'est plus cher !
Mais, si on ne veut pas voir les coûts exploser, il faut radicalement changer d'approche. Il n'y a plus (ou plutôt il ne doit plus y avoir) de patrimoine à garder sur des lustres : un service inutilisé (une machine virtuelle par exemple) doit être décommissionné. En particulier, le vieux Legacy conservé continue de coûter si ses fonctions sont reprises dans le cloud mais sans que le décommissionnement des anciennes machines ait eu lieu. De même, il faut que les entreprises acceptent la variabilité et l'adaptabilité. Or certains directeurs financiers continuent de demander des engagements budgétaires fermes sur des années, ce qui n'a aucun sens. De la même façon, les clients peuvent aussi être à l'origine d'un découpage des coûts au lieu du forfait à l'usage : les directeurs des achats peuvent exiger de comprendre les coûts.
PublicitéUne offre d'une grande complexité
Et puis les fournisseurs ont aussi affiné leurs offres. Trop, sans doute. De quelques services simples il y a quelques années, l'offre de grands acteurs tels que Amazon ou Google se décline désormais en milliers de services au catalogue. Il faut savoir s'y retrouver, ce qui n'est pas simple. Si le service est packagé, on peut trouver des coûts globalisés et relativement prévisibles (PaaS et SaaS surtout). Par contre, si on veut un service granulaire (risque du IaaS), la facture sera elle aussi granulaire... voire imprévisible.
Au final, les entreprises qui veulent aller sur le cloud pour gagner en coûts font en général machine arrière très vite. Et ce même si l'avantage du cloud est aussi de disposer d'un monitoring très précis et exhaustif des coûts, ce qui n'existait pas auparavant : trop souvent, le TCO annoncé des infrastructures internes n'était pas réellement un coût complet, des éléments tels que le foncier ou même la main d'oeuvre n'étant pas correctement intégrés. Mais, quand la flexibilité n'est pas nécessaire, le cloud public n'a pas de sens : son coût sera, à service égal, toujours supérieur. Entre un cloud privé (auto-administré ou hébergé) et un cloud public, il ne faut pas choisir mais savoir où placer le curseur pour obtenir le meilleur des deux mondes.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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