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« Nous n'avons pas les outils pour vérifier l'efficacité et l'efficience de l'administration »

« Nous n'avons pas les outils pour vérifier l'efficacité et l'efficience de l'administration »

Avec la remise du rapport de la certification des comptes de l'Etat (exercice 2007) et celui sur les résultats et gestion budgétaire de l'Etat (exercice 2007), la Cour des Comptes s'est plainte de ne pas disposer des outils nécessaires à un contrôle suffisant. Jean-Raphaël Alventosa

PublicitéQuel est le besoin exprimé par la Cour des Comptes en matière de SI de l'Etat ? Dans un SI donné, nous regardons le fond et la forme, c'est à dire les informations et les procédures. Quand nous rédigeons le rapport sur les résultats, on s'attache plus spécialement à vérifier s'il y a analyse des coûts et un contrôle de gestion. Dans le rapport sur la certification, nous vérifions que nous pouvons remonter le « chemin de révision », de la pièce à l'écriture, de façon automatisée sur 34 millions d'écritures. Remonter manuellement dans une telle masse d'information est évidemment impossible. L'AIFE [Agence pour l'Informatique Financière de l'Etat, NDLR] a recensé 317 applications dans les SI financiers de l'Etat mais celles-ci ne sont pas toujours compatibles et interopérées. La Cour des Comptes est donc amenée à travailler avec des systèmes très éclatés reliés plus ou moins par des passerelles. Bien entendu, tout cela devrait aller mieux lorsque nous disposerons des programmes Chorus (dont l'achèvement est prévu en 2011, [gestion des dépenses, NDLR]), Copernic (en 2012, [gestion des recettes fiscales, NDLR]) et de l'Office National de Paye (en 2014). Dès 2008, des mises en oeuvres partielles, par tranches, devraient arriver mais, d'ici l'achèvement des programmes, nous n'aurons pas une vision complète, homogène et cohérente dont nous avons besoin. Quand on a dit ça, on a tout dit... Quels sont vos besoins en terme de contrôle de gestion, notion un peu neuve dans la gestion de l'Etat ? Nous n'avons pas de contrôle d'analyse des coûts simplement parce qu'il n'y a pas de SI pour obtenir de l'information au delà du système budgétaire. La question qui se pose concerne l'efficacité de l'activité en regard du crédit octroyé alors même que la LOLF (Loi Organique sur les Lois de Finance] met justement en relation la dépense et les actions de l'Etat selon ce qui est débattu à l'Assemblée Nationale. Il nous faudrait donc un SI mettant renseignant, à côté des crédits budgétaires, les indicateurs d'efficacité afin de constater si l'augmentation ou la diminution de crédit a un lien avec une évolution de l'efficacité de l'action de l'Etat. L'administration a mis au point 1200 indicateurs (qui ne sont renseignés ni de façon cohérente ni de façon automatique) pour 750 objectifs mais on est très loin de disposer des moyens pour vérifier l'efficience et l'efficacité de l'administration. L'arrêt du projet Accord 2 par Nicolas Sarkozy, à l'époque ministre des finances, pour le scinder en Accord Palier 2006 d'un côté et Chorus de l'autre avait été jugé « préoccupant » à l'époque. Même si Accord 2, qui devait nous permettre de disposer des outils utiles, était sans doute trop complexe. Est-ce que le projet Chorus, tel qu'il est présenté, répond à vos besoins ? Nous allons publier une analyse complète des SI financiers de l'Etat à l'automne. Je ne peux pas anticiper sur ce rapport. Mais il n'en demeure pas moins que, dans Chorus, on en reste aux obligations liées strictement à la LOLF. Le pilotage des programmes sera insuffisant avec le seul Chorus et les ministères devront donc se doter d'outils de pilotage propres. Certains services avec des activités commerciales (comme La Documentation Française) mettent déjà en oeuvre des applications spécifiques. En fait, l'universalité de Chorus doit être compensée par ces applications locales à condition d'être compatibles et interopérées, par conséquent à condition de respecter un cahier des charges normatif strict. Accord 2 a d'ailleurs été arrêté parce qu'on était parti sur une application à la fois complète et universelle, ce qui relevait de la quadrature du cercle. Les grandes applications commerciales suivent une logique de type PGI qui permet un contrôle central de la périphérie. Mais cette logique universaliste rencontre ses limites avec l'Etat, trop complexe et aux activités trop diverses. La Cour des Comptes a un rôle de coordination des Cours Régionales des Comptes. Quel avis en retirez-vous sur la situation dans les collectivités locales et territoriales ? Un travail sur le sujet est en cours par le Premier Président de la Cour des Comptes pour, d'une part, consolider les travaux de la Cour des Comptes et ceux des Cours Régionales des Comptes, et d'autre part pour certifier l'ensemble des comptes des collectivités locales et territoriales (bien qu'il n'y ait pas d'obligation légale à ce jour). Rappelons qu'il y a 36000 communes, sans tenir compte des autres types de collectivités et d'établissements... Concernant les projets en terme de SI eux-mêmes, êtes-vous satisfaits de leur pilotage et de leur gestion ? Le pilotage s'est fortement amélioré ces dernières années. Des directions dédiées au Ministère des Finances ont à mettre en oeuvre des applications gigantesques à partir de logiciels destinés au secteur privé, certes avec des moyens importants mais cela reste difficile. Ceci dit, la création d'un Ministères des Comptes et la fusion de la DGI et de la DGCP en DGFIP devrait permettre de franchir une étape pour rapprocher et rendre cohérents Chorus et Copernic. En attendant le SI définitif, il faut absolument éviter les ruptures dans les liaisons automatiques entre logiciels alors même que le SI n'est pas assez intégré et qu'il n'y a pas de référentiel commun. Ainsi, par exemples, il y a une rupture entre l'application qui recense le parc immobilier et celle qui le valorise et une autre entre le système Orchidée qui recense les charges à payer et les systèmes comptables. Cette rupture consiste en une absence d'automatisme qui rend délicat la remontée du chemin de révision, les transferts d'informations étant manuels dans les deux cas. Il n'y a donc pas de SI véritablement cohérent.

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