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Les recettes des meilleurs managers de l'IT et du numérique

Les recettes des meilleurs managers de l'IT et du numérique

Six managers, DSI, DG ou ingénieur, champions de l'innovation donnent leur vision du management de projets qui font appel à l'informatique et au numérique. Ils ont été distingués lors de la douzième édition des Trophées CIO et du  Monde Informatique qui s'est déroulée le 20 novembre 2012 au Pavillon Dauphine à Paris.

PublicitéLe 20 novembre 2012, CIO et Le Monde Informatique ont décerné les 12èmes Trophées des Managers de l'IT. Six managers ayant réussi des projets où l'informatique et le numérique occupent une place centrale ont été distingués. Il s'agit de DSI, directeurs métiers, directeurs généraux ou ingénieurs.






Konstantinos Voyiatzis, DSI de Nexans, Mathias Herberts, ingénieur disruptif chez Crédit Mutuel et Bruno Patino, Directeur général délégué au développement numérique et stratégie de France Télévisions, donnent leur vision des enjeux et des recettes à appliquer afin de réussir ces projets qui font bouger les lignes, et où la complexité de la technique n'a d'égale que la difficulté de la gestion du changement. 




Les trois premiers trophées concernent l'Excellence Opérationnelle, l'Innovateur et le Stratège. La semaine prochaine, le Trophée de la Valeur Métier, le Trophée de la Transformation Numérique et le Grand Prix seront présentés.


L'excellence opérationnelle est à la base du métier

Le Trophée de l'Excellence Opérationnelle distingue Konstantinos Voyiatzis, DSI de Nexans. Il récompense le manager qui délivre le bon service à la bonne qualité, à la bonne personne, au bon moment et au bon prix.

Il a été remis par Pascal Buffard, président d'AXA Group Solutions et président du Cigref, qui souligne : « l'excellence opérationnelle est toujours au coeur, à la base, du métier du DSI. Se mettant ainsi au service des métiers, le DSI peut envisager devenir le chef d'orchestre de la transformation numérique de l'entreprise ».

Nexans est le leader mondial de la fabrication de câbles avec 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 90 sites et 25 000 collaborateurs dans le monde. La DSI a déployé une infrastructure refondue autour d'un Cloud mondial unique. 

Konstantinos Voyiatzis juge que le plus grand défi qu'il a eu à relever n'était pas technique. Pour ce qui le concerne, c'était « la gestion du changement, autant au niveau des utilisateurs qu'à celui des équipes informatiques. » La centralisation des applications dans un Cloud implique de nombreux changements qui ne sont pas seulement techniques.

Les informaticiens n'ont pas à faire tourner les machines

« Il faut expliquer que le métier des informaticiens n'est plus de faire tourner des machines mais d'être au plus près des directions métiers pour les aider » poursuit Konstantinos Voyiatzis. Le DSI de Nexans observe, de ce point de vue, une grande différence avec ce qui se passe Outre-Atlantique : « j'ai vécu huit ans aux Etats-Unis et, là-bas, soit les gens changent, soit on change les gens. En Europe, il faut travailler avec les gens, les faire évoluer beaucoup plus mais on voit aussi le fruit de cet effort car les gens sont plus motivés et travaillent très bien ».

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La remise du Trophée en vidéo




La réussite suppose d'appliquer quelques bonnes pratiques. La première est de savoir laisser du temps au temps. « Si vous avez recours à un Cloud, par exemple, prenez le temps d'examiner en détail le contrat et de le discuter » conseille Konstantinos Voyiatzis. Il a été lui-même amené à commencer à travailler avec un prestataire sans que le contrat n'ait été signé, ni validé par le service juridique. Et certaines clauses lui ont posé des soucis.

Il faut également que le DSI connaisse bien l'écosystème dans lequel lui-même et son projet évoluent. Il note : « on sait souvent avec plus de précision ce qui est externalisé et chez qui,  que quel est le data center interne où sont hébergés tel programme ou telles données. » La cartographie des applications demeure un pré-requis à toute transformation. De fait, la communication est encore trop souvent insuffisante ou négligée, y compris la communication au sein même de l'équipe informatique.

Expliquer comment chaque métier servira mieux ses clients

Lors de la transformation, selon les pays, les règles culturelles sont trop différentes pour qu'un cadre méthodologique général puisse être défini. Il y a cependant un principe sur lequel Konstantinos Voyiatzis n'a jamais renâclé : « aider chaque direction métier à comprendre comment elle va mieux servir ses clients internes ou externes. »

Un nouveau défi : la mondialisation

Nexans doit à présent relever un nouveau défi. Pour s'adapter à ses clients, Nexans était jadis organisé par pays car les grandes compagnies clients étaient elles-mêmes nationales comme dans le cas d'EDF ou de France Télécom. Or cette organisation nationale n'est plus de mise. « France Télécom/Orange est aujourd'hui présent dans de nombreux pays, EDF de la même façon » relève Konstantinos Voyiatzis.

Nexans va donc refondre autant son organisation que ses systèmes d'information pour une meilleure transversalité géographique. Mais cela n'est pas forcément simple. Certains clients mondiaux ont encore des systèmes nationaux et il faut donc conserver la capacité de se connecter à ces différents systèmes locaux. Comme le DSI de Nexans le note, « pour simplifier la vie de nos acheteurs, de nos vendeurs et de nos clients, je dois travailler avec les DSI de nos clients et partenaires. »

« Lorsque le jury des Trophées s'est réuni, il y a eu une très grande unanimité en faveur de Nexans » atteste Pascal Buffard. La migration dans le Cloud, notamment, a séduit le jury, étant donné l'ampleur du projet, l'hétérogénéité des applications concernées et la taille du groupe utilisateur. Pour Pascal Buffard, « c'est un type de projet auquel nous aspirons tous. »

Autre qualité attendue d'un manager de projet IT ou numérique : l'innovation pure. C'est une situation de grande solitude car on est en général seul aux avants postes. 

Trophée de l'Innovateur



Trophée de l'Innovateur


Le trophée de l'innovateur récompense le manager qui a délivré un projet utilisant de manière inédite une technologie IT ou une technologie nouvelle pour créer de la valeur métier. Le trophée a été remis par Gilles Mirieu de Labarre, adjoint au Disic (Directeur interministériel des systèmes d'information et de communication), autrement dit, la DSI groupe de l'état français. 

Le lauréat est Mathias Herberts, « Ingénieur Disruptif » du Crédit Mutuel Arkea. Cette fédération de banques du groupe Crédit Mutuel présente en Bretagne, dans le Sud-Ouest et le Massif Central dispose également de filiales spécialisées (assurances Suravenir, Fortuneo...). La banque met en oeuvre un Big Data transverse en technologies Hadoop.

Encore une fois, le plus grand défi relevé par le lauréat a été humain. « Il a fallu mettre en place une plateforme technologique sans qu'elle apparaisse comme uniquement technologique » se souvient Mathias Herberts.

Tandis qu'il ajoutait un certain nombre de machines dans le Data Center de la banque, sans qu'aucun service ne soit disponible alors pour les métiers, il a fallu éviter d'attirer trop l'attention. Ensuite, il a fallu expliquer la vision technologique. Et Mathias Herberts a dû s'y prendre avec prudence.

 « Nous avons dû bien faire comprendre que ce n'était pas parce que nous expliquions tout ce que nous allions pouvoir apporter qu'il fallait que les métiers se mettent en marche immédiatement » décrit Mathias Herberts. L'enjeu était de faire connaître le projet en amont pour éviter l'effet « lapin blanc sorti d'un chapeau » et éviter dans le même temps de susciter des attentes immodérées.

Une maîtrise interne totale (pas seulement) par choix

Un point important pour le succès de la démarche Big Data a été son positionnement. Mathias Herberts insiste : « nous transformions le système d'information, nous n'ajoutions pas une couche de plus ». Cette transformation étant structurante pour l'activité de l'entreprise, elle a été volontairement maîtrisée en interne, ce qui est fortement revendiqué par Mathias Herberts.

« Même si on avait voulu se faire accompagner par des partenaires, on aurait été bien en mal d'en trouver puisque les premiers fournisseurs commencent tout juste à arriver sur le marché » confie Mathias Herberts. Etre innovateur, et donc le premier à utiliser une technologie, entraîne ainsi quelques menus inconvénients.

En revanche, la maîtrise interne a l'immense avantage d'un coût marginal réduit lorsque de nouvelles applications sont envisagées. Le savoir-faire comme la plate-forme technique sont en effet disponibles sans surcoût.

L'agilité, clé du succès en innovation


La remise du Trophée en vidéo



L'agilité, clé du succès en innovation


Au delà des certitudes et de la foi dans des principes comme « la data sera au coeur de la création de valeur demain », être innovant implique aussi de ne pas maîtriser complètement un projet. L'agilité est donc fondamentale. Il faut être capable de réorienter et de reconfigurer des outils au fur et à mesure des avancées. « Nous mettions en place l'après midi des proofs-of-concept à partir de discussions menées le matin » illustre Mathias Herberts.

Pérenniser le succès reste malgré tout un défi pour le Crédit Mutuel Arkea. Cette pérennisation passera par toujours plus de nouveaux usages, au bénéfice des clients, de la base technique du Big Data mise en place. 

L'innovation est devenue, notamment par ce projet, une sorte de seconde nature pour le groupe Crédit Mutuel Arkea. La mise en place d'un lieu spécifique destiné aux échanges autour des innovations de start-up, sous la marque « Cantine » à Brest, après les autres lieux situés par exemple à Paris, devrait ainsi être accompagnée par la banque sous une forme qui reste à définir. « Nous espérons notamment faire bénéficier ces start-up du savoir-faire que nous avons acquis autour du Big Data » avance Mathias Herberts.

« Le jury a partagé la conviction que les datas seront au coeur de la valeur de demain » relève pour sa part Gilles Mirieu de Labarre. Le jury a également apprécié que la plate-forme technologique soit avant tout conçue en fonction des services qui devaient être rendus aux métiers et aux clients de la banque.

Au-delà de l'innovation pure, il est nécessaire d'établir une vision à long terme des usages informatiques et numériques dans l'entreprise et vers ses clients. 

Trophée du Stratège

Ainsi, le Trophée du Stratège distingue celui ou celle qui élabore une vision du système d'information pour bâtir l'entreprise numérique des années à venir. Remis par Catherine Ducros, Senior Client Partner practice Technologie au sein du cabinet de recrutement par approche directe et de conseil en ressources humaines Korn Ferry International, il récompense Bruno Patino, Directeur général délégué au développement numérique et stratégie de France Télévisions et directeur de France 5.

France Télévision réalise le virage de la numérisation avec toutes ses conséquences. En particulier, elle s'adapte à la dé-linéarisation de la consommation audiovisuelle, au développement de l'interactivité avec son public, à la multiplication des types de terminaux utilisés pour recevoir les émissions...

La remise du Trophée en vidéo

Traditionnellement, France Télévision réunit deux types de profils décrit Bruno Patino : les « saltimbanques » (devant les caméras) et les « géomètres » (techniciens). La culture de back office y est donc extrêmement technique. L'un des grands défis que Bruno Patino a dû relever est précisément de réconcilier les techniciens avec une culture des usages afin d'accompagner l'évolution de ceux-ci.

S'adapter à une révolution qui ne sait pas où elle va

Le directeur de France 5 résume ainsi l'enjeu : (...)



S'adapter à une révolution qui ne sait pas où elle va

Le directeur de France 5 résume ainsi l'enjeu : « La télévision va sortir de plus en plus du téléviseur : cinq heures devant l'écran, en pratique, ça va être cinq heures devant des écrans variés comme la télévision, le PC, le smartphone, la tablette, dans les moments que les utilisateurs vont choisir, sur l'écran qu'ils auront choisi à ce moment là, et jamais nous ne pourrons décider de leurs usages à leurs places. » La télévision doit donc s'adapter sans cesse à une révolution qui ne sait pas elle-même où elle va.

La culture maison a aussi une dimension peu pertinente fasse à cette révolution : celle des « grandes cathédrales qui font tout ». Or la numérisation implique la flexibilité, la fédération de micro-projets, c'est à dire l'inverse exactement des grandes cathédrales technologiques. « Ne planifions pas à dix ans, à cinq ans, mais à trois mois » plaide Bruno Patino.

A tout moment, quelqu'un, quelque part, peut inventer un usage qui va se répandre et modifier les plans d'un fournisseur de contenus comme France Télévisions. Il en résulte un certain inconfort pour les équipes qui ne peuvent pas savoir de quoi demain sera fait.

Accepter l'inconfort

Pour Bruno Patino, ce n'est pas un problème : « comme je dis à mes équipes, il faut préserver notre zone d'inconfort et avoir, au sein même des équipes, des veilleurs qui vont dire que cela ne se passe plus comme on pensait que cela se passerait ».

Cet inconfort préservé est la base de l'agilité pour faire face aux révolutions du numérique. Pour Bruno Patino, « il faudrait que les DSI parlent en permanence à des sociologues pour connaître les émergences ». Cet inconfort peut être mal vécu. « Mais c'est la vie » s'est exclamé Bruno Patino. La méthode nécessaire est donc d'accepter cet inconfort, cette remise en cause permanente des schémas pré-établis. Et d'y trouver du plaisir, de la passion. De quoi vivre des journées intéressantes. 

Les trois Trophées suivants, dont le Grand Prix, seront présentés la semaine prochaine.

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