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Les batteries lithium-ion : un nouveau risque majeur pour les datacenters

Les batteries lithium-ion : un nouveau risque majeur pour les datacenters
Une photo de l'extérieur des bâtiments hébergeant le datacenter Maxnod après l'incendie qui a démarré dans la salle des batteries. (Crédit : Hugues Delamure)

Après OVH en 2021, un incendie a ravagé un nouveau datacenter en France, en région lyonnaise. Dans ce sinistre, les batteries lithium-ion exploitées pour stocker de l'énergie semblent en cause. Une technologie dont l'utilisation se développe, mais qui présente des risques avérés.

PublicitéLes feux dans les datacenters restent rares, mais ils sont à l'origine de sinistres spectaculaires. Si tout le monde a évidemment en tête celui qui a frappé OVH à Strasbourg, un autre incendie vient d'endommager gravement un centre de données dans la région lyonnaise : localisé dans l'Ain, à Saint-Trivier-sur-Moignans, le datacenter et centre d'hébergement de serveurs Maxnod (Tier 4) d'Adeli a été durement touché par les flammes.

Ce mardi 28 mars, un incendie s'est produit pendant le raccordement d'un pack de batteries à un onduleur du circuit photovoltaïque du bâtiment. Un matériel neuf qui n'était pas encore en production. L'intervention pour éteindre manuellement les flammes a échoué, aboutissant à un sinistre de grande ampleur. En tout, plus de 80 pompiers et 43 engins ont été mobilisés pour maîtriser les flammes. L'ampleur de l'incendie s'explique en grande partie par le départ de feu qui a eu lieu dans une salle où résident plusieurs tonnes de batteries servant à stocker l'énergie solaire assurant une partie de l'alimentation électrique du site.

Chez OVH, les causes du feu qui a détruit l'un des centres de données de l'hébergeur début 2021 et endommagé 4 des 12 salles de son datacenter voisin restent incertaines à ce jour. Mi-2022, Le Bureau d'enquêtes et d'analyses sur les risques industriels (BEA-RI) notait toutefois, dans son rapport sur cet accident : « l'incendie a pris naissance au sein des locaux qui abritent les batteries et les ASI (alimentation sans interruption) nécessaires au fonctionnement des serveurs. Ces salles appelées aussi 'salles énergie' étaient équipées d'une détection incendie, mais ne disposaient d'aucun système d'extinction automatique. Les départs de feu se sont produits quasi-simultanément sur des batteries et sur un onduleur ».

Le lithium-ion se développe

Sur ces équipements dédiés au stockage d'énergie, la technologie Lithium-ion (Li-ion) est de plus en plus utilisée dans les centres de données. Aujourd'hui couramment exploitées dans les alimentations sans interruption, elles devraient représenter 38,5 % du marché des batteries pour centres de données d'ici à 2025, contre 15 % en 2020, selon le cabinet de conseil Frost & Sullivan.

L'adoption des batteries Li-ion est motivée par leur faible encombrement, leur maintenance simplifiée et leur durée de vie plus longue que celle des batteries au plomb. En outre, le stockage d'énergie Li-ion est un élément clé dans la mutation des datacenters vers une alimentation par les énergies renouvelables, comme le souligne l'Uptime Institute, qui propose des services de résilience, des conseils sur la construction et l'exploitation des centres de données, ainsi que des services de certification.

PublicitéDes risques mieux maîtrisés sur les batteries au plomb

Cependant, les batteries Li-ion présentent un risque d'incendie plus important que les batteries au plomb, prévient Uptime. Dans son analyse annuelle de la fiabilité des datacenters, l'entreprise constate que 7 % des pannes au sein des centres de données sont dues à des incendies (avec 29% des pannées signalées, les problèmes de connectivité - liées aux liens fibre, au logiciel de réseau ou à des erreurs de configuration - sont la cause la plus importante). « A chaque fois que nous menons ces enquêtes, nous constatons que les incendies ne disparaissent pas », explique Andy Lawrence, directeur exécutif de la recherche chez Uptime.


La salle des batteries du datacenter Maxnod après l'incendie. (Crédit : Hugues Delamure)

La protection contre l'incendie a toujours été un défi pour les batteries, du fait du phénomène d'emballement thermique, lorsque la chaleur s'accumule dans une batterie plus vite qu'elle ne peut être dissipée. Au fil du temps, l'industrie a mieux compris les causes de l'emballement thermique des batteries au plomb et a développé des circuits de charge intelligents qui améliorent la détection et évitent les problèmes, souligne Chris Brown, directeur technique chez Uptime. « Nous avons beaucoup appris au fil des ans avec les batteries au plomb. Mais, aujourd'hui, le lithium-ion entre en scène et se comporte de manière totalement différente », souligne le directeur technique.

Plus de risques, plus de dégâts

Les batteries lithium-ion brûlent plus vite que leurs concurrentes au plomb, et si l'unité de confinement de la batterie est endommagée, elle ne réagit pas bien à l'oxygène ou à l'eau, reprend Chris Brown. « A l'heure actuelle, nous ne comprenons pas complètement et véritablement tous les modes de défaillance des batteries lithium-ion, et les circuits de charge ne sont pas en mesure de les gérer tous », note-t-il.

Comme pour toute batterie, une fois qu'une batterie Li-ion commence à brûler, il est difficile de l'éteindre. « Elle brûlera jusqu'à ce qu'elle ait dépensé toute son énergie, et le simple fait de jeter de l'eau dessus n'est pas vraiment utile. Cela empêche certes le feu de se propager, mais cela ne sert à rien sur la batterie elle-même, détaille Chris Brown. Et le fait que la technologie Lithium-ion brûle beaucoup plus vite que les batteries au plomb [signifie] également qu'elle va faire beaucoup plus de dégâts. Elle brûlera beaucoup plus longtemps parce qu'elle stocke beaucoup plus d'énergie. C'est toute l'essence du problème que nous rencontrons partout avec le lithium-ion ».

Un pessimisme que confirme un spécialiste de la prévention et des opérations au sein d'un SDIS (Service Départemental d'Incendie et de Secours). Ce dernier souligne, par ailleurs, les dégagements d'hydrogène (explosif) et d'acide créés par les feux de batteries Li-ion. Et de parler d'une technologie « anti-pompier », d'autant que, quand les services d'incendie arrivent sur un feu dans un local renfermant des batteries, des incertitudes existent souvent sur la nature de la technologie présente sur place. Or, la nature de celle-ci détermine la stratégie de lutte contre l'incendie...

Une salle isolée, deux murs et plafonds résistants au feu

En réaction, les autorités locales et les organismes de réglementation adoptent des exigences relatives au stockage des batteries Li-ion. De son côté, Chris Brown recommande aux exploitants de centres de données de prêter une attention toute particulière à la conception des installations si les batteries Li-ion font partie du design de leurs salles. « Si vous envisagez d'utiliser des batteries lithium-ion, il faut absolument les isoler dans leur propre salle de stockage », explique-t-il. Un local à batteries doit comporter au moins deux murs et plafonds résistants au feu, et les opérateurs doivent envisager d'utiliser un système d'extinction à mousse, « qui étouffera le feu et contribuera à l'éteindre, alors que l'eau ne fera que l'empêcher de se propager ».

Lorsqu'on l'interroge sur l'utilisation de batteries distribuées, par opposition à un système d'ASI centralisé avec des banques de batteries, le directeur technique de l'Uptime Institute conseille la prudence. Dans le passé, l'approche conventionnelle consistait à retirer tout type d'unité combustible de la salle de données elle-même. Aujourd'hui, avec l'installation de batteries distribuées dans les racks et les onduleurs montés en rack, les opérateurs de centres de données doivent mettre en balance les gains d'efficacité énergétique des batteries Li-ion distribuées et les risques d'incendie, souligne Chris Brown.

« L'avantage, c'est qu'en cas d'incendie, il s'agit de batteries beaucoup plus petites, ce qui permet de limiter le sinistre à quelques racks. Cependant, il y aura de la fumée et, en fin de compte, tous les racks situés à proximité aspireront une partie de ces émissions. Et même si cela ne provoque pas de dysfonctionnements immédiatement, cela entraînera des pannes prématurées à l'avenir ». Pour le directeur technique, le choix de l'architecture technique sur ces sujets doit passer par une analyse détaillée des avantages, des coûts et des risques. « Ma recommandation est toutefois de sortir toutes les batteries des salles machine », tranche Chris Brown.

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