Boom de l'IA : ce sont les DSI qui vont régler la facture

Les DSI risquent de devoir payer le boom actuel de l'IA au travers d'augmentations de prix et d'ajout de nouveaux modules ou solutions. Les fournisseurs d'IA, les hyperscalers et les éditeurs veulent maintenant rentabiliser leurs investissements.
PublicitéAu cours des deux dernières années et demie, les hypercalers et autres grands fournisseurs de services informatiques ont dépensé plus de mille milliards de dollars pour renforcer leurs capacités en matière d'IA, les investissements dépassant largement les bénéfices à court terme.
Il y a un an, la société de capital-risque Sequoia Capital prévoyait que les investissements dans l'IA dépasseraient de 600 Md$ les revenus liés à cette technologie à la fin de l'année 2024. Alors que les fournisseurs ayant entamé un virage prononcé vers l'IA, tels ServiceNow et Salesforce, enregistrent une croissance significative de leurs revenus, les dépenses liées à l'IA devraient augmenter cette année pour atteindre 644 Md$, soit une hausse de plus de 76sur un an, selon Gartner. En 2024, cette croissance atteignait même 337%.
Une question à un trillion de dollars se pose alors : qui va payer la facture ? En partant du principe que les fournisseurs d'IA et les géants comme Microsoft, OpenAI, Google et IBM ne vont pas assumer ces coûts, les DSI apparaissent comme de bons candidats pour s'acquitter de la note.
Les DSI vont payer... à moins que ce ne soit les investisseurs
Les observateurs du marché ne sont pas tous d'accord sur le calendrier ou les méthodes qui vont permettre aux fournisseurs d'IA de récupérer leurs investissements, mais nombre d'entre eux avertissent les DSI que l'heure des comptes approche. Selon certains, le coût des outils d'IA les plus populaires finira par augmenter, tandis que d'autres estiment que les DSI devront bientôt payer pour de nombreux nouveaux produits. D'autres encore prévoient un effondrement du secteur de l'IA, dont les investisseurs feraient les frais.
Nick Davidov, cofondateur du Davidovs Venture Collective, est convaincu que les coûts de l'IA diminueront à long terme à mesure que la technologie gagnera en maturité, et il note que les centaines de milliards de dollars d'investissement par an ne représentent qu'une petite fraction des 5,6 trillions de dollars de dépenses informatiques mondiales prévues par Gartner pour 2025.
Néanmoins, Nick Davidov estime que les budgets informatiques évolueront vers une augmentation des dépenses en matière d'IA et des réductions dans d'autres domaines, notamment les produits SaaS traditionnels. En outre, de nombreuses entreprises réduiront leurs effectifs grâce aux gains d'efficacité apportées par l'IA, et une partie des économies ainsi réalisées servira à financer de nouveaux outils d'IA. Il prévoit également que les budgets informatiques augmenteront à mesure que l'IA générera de nouvelles sources de revenus pour les entreprises clientes.
« Le DSI sera très, très occupé au cours des trois ou quatre prochaines années, et c'est ce qui aura l'impact le plus important, estime le cofondateur du Davidovs Venture Collective. Tout d'un coup, les chefs d'entreprise commencent à comprendre qu'ils peuvent économiser beaucoup d'argent grâce à l'IA, ou qu'ils peuvent permettre à leurs meilleurs éléments de faire des tâches qui comptent réellement. »
PublicitéNick Davidov ne pense pas que les réductions d'effectifs correspondent à l'augmentation de la productivité apportées par l'IA, même si certaines suppressions de postes sont à prévoir. « Ce n'est pas parce que les gens réalisent soudain qu'ils peuvent augmenter leur efficacité dans certains processus de 30 ou 40% qu'ils doivent nécessairement supprimer 40% de la main-d'oeuvre dans ce processus, comme s'ils opéraient dans le vide, explique-t-il. Ils ont des concurrents qui commencent également à utiliser l'IA. Ils se disent alors : "Je ne vais pas licencier tout le monde aujourd'hui. Je dois utiliser des outils d'IA pour être plus efficace, parce que mes concurrents font la même chose". »
Comme le boom des dot-com ?
D'autres observateurs comparent les investissements actuels dans l'IA au boom des dot-com de la fin des années 1990. « Tous ces investisseurs en capital se précipitent pour mettre la main sur les prochaines licornes de cette technologie émergente, déclare Arie Brish, professeur d'économie à l'université St Edwards, à Austin (Texas). Il est évident que 95% d'entre eux échoueront, mais 5% seront les prochains Google, Amazon ou Meta. Ainsi va la vie dans le monde du capital-risque. »
Les entreprises paieront au moins une partie de l'investissement réalisé, prédit-il. « Dans certains cas, les clients paient déjà du fait des fonctions supplémentaires dans les produits pour lesquels ils règlent déjà des abonnements, dit-il. Dans le cas de produits totalement nouveaux qui n'existent pas aujourd'hui, la décision sera prise au cas par cas, et chaque organisation ou DSI devra procéder à une analyse coût-bénéfice de ces produits. »
Rick Bentley, fondateur de la société de télésurveillance assistée par l'IA Cloudastructure, a été aux premières loges du boom et de l'effondrement de l'Internet, et il pense que ce cycle va se répéter. « On ne peut pas perdre des milliards de dollars par an plus longtemps. Google et Meta existent toujours et se portent très bien. Qu'en est-il des innombrables autres ? », lance-t-il. Et si une crise de l'IA se profile, les clients n'auront pas à assumer tous ces investissements, estime Rick Bentley.
« Actuellement, le casino est ouvert, les boissons coulent à flots, les gens jouent de façon effrénée et le personnel reçoit de bons pourboires, s'amuse-t-il. Mais c'est nous, les clients, qui payons les pourboires au personnel. Que les joueurs gagnent ou perdent, le voiturier garde les 100 dollars qu'il a reçus pour avoir garé la Lamborghini. »
Nouveaux modèles de tarification
D'autres observateurs considèrent que les clients des fournisseurs d'IA paieront une grande partie de la facture. Selon Firdaus Bhathena, directeur technique de la société de fintech FIS, les DSI devront probablement faire face à des frais d'abonnement plus élevés, à une tarification basée sur l'usage ou à des surcoûts pour des fonctions avancées.
« Les coûts liés à la mise en place d'une infrastructure d'IA seront finalement supportés par les utilisateurs de l'entreprise. Pour les DSI, il s'agit seulement de savoir quand, dit-il. Alors que les hyperscalers et les fournisseurs d'IA assument actuellement une grande partie des dépenses pour doper l'adoption, nous nous attendons à ce que les modèles de tarification évoluent. » Et de conseiller aux DSI de ne pas se contenter de regarder le prix global, car les coûts cachés, en particulier ceux liés à l'intégration de l'IA dans les systèmes existants, peuvent rapidement grimper en flèche. Les organisations qui utilisent l'IA devront également investir dans la formation continue de leurs employés et être prêtes à naviguer dans des écosystèmes de fournisseurs de plus en plus complexes. « Le moment est venu pour les entreprises de rebalayer leurs accords avec les fournisseurs, de s'assurer de la flexibilité des contrats et de se préparer à d'éventuelles augmentations de coûts, à mesure que l'impact financier de l'adoption de l'IA devient plus clair », ajoute Firdaus Bhathena.
Le coût du suivisme
JB Baker, vice-président des produits chez le fournisseur de stockage et de mémoire de nouvelle génération ScaleFlux, aborde la question de l'investissement dans l'IA sous un angle différent. Il affirme que c'est le matériel et l'infrastructure actuels qui font grimper le coût du développement de l'IA, les progrès des GPU dépassant ceux des autres matériels. Néanmoins, il pense que les fournisseurs d'IA trouveront de nouveaux moyens de générer des revenus. « En fin de compte, il ne s'agira pas tant d'une augmentation du coût des services que vous consommez déjà, mais de nouveaux services dont vous ne saviez pas que vous aviez besoin », estime-t-il.
Il conseille aux DSI de faire preuve de prudence dans leurs achats de produits et de services d'IA et de lier les nouveaux déploiements aux besoins de l'entreprise. « Si vous achetez de l'IA uniquement pour suivre le mouvement, vous risquez de dépenser beaucoup d'argent sans obtenir de retour sur investissement, ajoute JB Baker. Commencez par définir les façons dont l'IA va aider votre entreprise. Et comment cela va-t-il améliorer les résultats. »
Article rédigé par
Grant Gross, CIO US (adapté par Reynald Fléchaux)
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