Stratégie

Les 10 défis essentiels auxquels est confrontée la DSI

Les 10 défis essentiels auxquels est confrontée la DSI
L’arrivée de la GenAI a largement bousculé les plans des DSI, les confrontant à une série de nouvelles problématiques. (Photo : Startae Team/Unsplash)

L'IA a bouleversé l'agenda informatique. Mais la nécessité d'apporter rapidement de la valeur à l'entreprise, de faire face aux risques géopolitiques et d'assurer la pérennité de l'organisation IT est également en train de remodeler les réflexions stratégiques des DSI.

PublicitéLes DSI sont confrontés à une longue liste de problèmes, dont la diversité mérite d'être soulignée. Aux préoccupations permanentes - sécurité, maîtrise des coûts, performance du SI - s'ajoutent désormais l'intelligence artificielle et le climat géopolitique, qui perturbent les activités habituelles, ajoutant toujours plus de complexité aux mandats des DSI.

Quels sont donc les principaux sujets de préoccupation des DSI à l'heure actuelle ? Nous avons interrogé des DSI pour connaître les priorités de leurs agendas.

1. L'évolution rapide de l'IA

La plupart des responsables informatiques mettent en oeuvre l'IA dans leur entreprise depuis de nombreuses années, mais ils constatent que cette technologie évolue de plus en plus rapidement. C'est pourquoi suivre les progrès de l'IA est devenu l'un de leurs principaux problèmes.

« L'explosion de l'IA et la rapidité avec laquelle elle s'est imposée à nous est pour moi le principal problème », dit Mark Sherwood, vice-président exécutif et DSI de Wolters Kluwer, une entreprise de services professionnels et de logiciels. « D'après mon expérience, l'IA a changé et progressé plus rapidement que tout ce que j'ai pu voir auparavant », ajoute-t-il.

Pour suivre cette évolution, Mark Sherwood affirme s'efforcer d'intégrer l'innovation dans le quotidien de son équipe d'ingénieurs. « Je veux que nos ingénieurs innovent, et on ne peut pas le programmer ; cela vient quand cela vient. Dès lors, trouver des moyens permettant à l'équipe d'innover a été une de mes grandes priorités », dit-il.

Mark Sherwood se concentre également sur la gestion du changement. « Nous voulons que les gens soient de plus en plus à l'aise avec l'IA, explique-t-il. Ce que nous disons désormais, ce n'est plus : 'où pouvons-nous utiliser l'IA ?', mais plutôt : 'pourquoi n'utilisons-nous pas l'IA ici ?' ».

2. L'IA au service de la DSI

Les DSI ainsi que leurs équipes s'interrogent aussi sur l'impact que l'IA peut avoir sur la productivité de la DSI elle-même. Jamie Smith, DSI de l'Université de Phoenix (Arizona), s'est attaqué à cette question depuis un certain temps et a trouvé de nombreuses pistes intéressantes. « L'IA est en train de remodeler l'organisation de la technologie », affirme-t-il.

Il cite en exemple les changements intervenus dans la manière dont son service crée des logiciels. Plusieurs de ses quelque 40 équipes produits sont passées d'un total allant de sept à neuf membres à seulement trois, car ces équipes ont adopté l'IA pour effectuer une plus grande partie du travail. En outre, chacun des membres de ces équipes, assistées par des IA, s'occupe d'un plus large éventail de tâches, au lieu de se spécialiser.

Selon Jamie Smith, les informaticiens doivent posséder des compétences et des caractéristiques spécifiques pour utiliser l'IA avec succès. Ils doivent notamment être à l'aise avec le risque et la rapidité d'exécution. Et posséder des compétences techniques généralistes, et pas seulement des expertises pointues. Sans oublier, évidemment, d'être à l'aise avec les différents outils d'IA.

Publicité3. Les cyberattaques dopées à l'IA

« La cybersécurité est toujours un problème ; j'ai peur pour des raisons différentes chaque année. Cette année, c'est la sophistication accrue du phishing, des deepfakes et d'autres attaques utilisant l'IA », explique Jamie Smith.

À titre d'exemple, le DSI de l'université cite des pirates qui utilisent l'IA pour créer des sites web réalistes imitant des fournisseurs afin de soumettre des factures à la comptabilité. Ou encore ces techniques d'attaque qui utilisent l'IA pour créer de faux profils de cadres en ligne à des fins malveillantes.

« L'élément émergent est l'utilisation de l'IA pour des attaques sophistiquées d'ingénierie sociale et leur utilisation pour s'attaquer au maillon faible de la sécurité, à savoir les personnes », explique le DSI.

4. Tirer le meilleur parti des AIOps

Mike Trkay, DSI de FICO, une société d'analyse de données, considère aussi que l'IA appliquée à l'IT est un enjeu majeur. Mais il cite plus particulièrement les AIOps et la gestion intelligente des événements. « Les plateformes numériques modernes génèrent des volumes stupéfiants de télémétrie, de journaux et de mesures dans une architecture de plus en plus complexe et distribuée. Sans systèmes intelligents, les équipes informatiques se noient dans les alertes ou manquent des signaux critiques au milieu du bruit, analyse-t-il. Ce qui était autrefois un monitoring basé sur des règles - un défi assez facilement gérable - s'est transformé en un problème de big data et de Machine Learning. »

Et de poursuivre : « ce changement exige que les organisations informatiques repensent la façon dont elles ingèrent, gèrent et agissent sur les données opérationnelles. Il ne s'agit pas seulement d'observabilité, mais aussi d'interprétabilité et d'actionnabilité à l'échelle. À l'ère de l'infrastructure alimentée par l'IA, les systèmes doivent aller au-delà des alertes de seuil pour fournir des informations contextuelles et une remédiation intelligente. Cela a un impact direct sur la disponibilité des SI, la rapidité de la réponse aux incidents et, in fine, l'expérience client. »

Mike Trkay explique que FICO applique des modèles d'IA pour la détection des anomalies, la constitution de seuils dynamiques, la corrélation des événements et l'identification des 'root causes' probables. Il intègre également le triage et l'automatisation assistés par l'IA afin d'augmenter la vitesse opérationnelle et réduire la charge de travail des équipes.

5. Créer de la valeur, et rapidement

Alors que les DSI se demandent où et comment utiliser l'IA et d'autres technologies, ils recherchent avant tout des initiatives qui apporteront de la valeur à leur organisation, souligne Thomas Squeo qui, en tant que directeur technique du cabinet de conseil en technologie Thoughtworks Americas, travaille avec les DSI pour répondre à leurs principaux problèmes et priorités. « La majorité des discussions que j'ai avec les DSI portent sur la manière de raccourcir le délai d'obtention de la valeur ajoutée », explique-t-il.

Un constat partagé. Le cabinet d'analystes Info-Tech Research Group affirme que la mise en place « d'équipes produits captant la valeur de l'IA » est l'une des cinq principales priorités des DSI en 2025. « L'exploitation des possibilités offertes par l'IA nécessite une réponse exponentielle, indique Info-Tech dans une étude. Il est de la responsabilité du DSI de briser les silos entre la DSI et le reste de l'organisation afin de concrétiser cette opportunité. »

Le rapport 2025 Global CIO Report de Logicalis, fournisseur d'infrastructures et de services technologiques basé au Royaume-Uni, note que « les leaders technologiques doivent trouver un équilibre entre l'innovation et la création de valeur effective ». Selon cette étude, 95% des organisations investissent dans la technologie pour créer des activités entièrement nouvelles. Mais, selon ce même rapport, « un grand nombre d'entreprises reconnaissent que leurs investissements dans les technologies de nouvelle génération n'ont pas encore produit les résultats escomptés. Cet écart entre investissement et valeur effective a intensifié la pression sur les DSI. »

6. L'irruption de la géopolitique

Les DSI d'aujourd'hui sont également plus attentifs à l'actualité géopolitique et doivent déterminer ce qu'elle peut signifier pour eux, leur département et leur organisation. « Nous vivons une période d'incertitude sur le plan géopolitique et les DSI se demandent comment cela affectera les portefeuilles de projets, les budgets et les initiatives IT », explique Thomas Squeo.

Par exemple, certains DSI rapatrient des équipes depuis l'étranger dans les pays où se trouvent l'essentiel de leur organisation en réponse au climat politique mondial actuel. D'autres demandent aux équipes IT et/ou aux équipes externalisées de travailler uniquement sur des initiatives concernant les pays où se trouvent ces collaborateurs, ajoute le CTO du cabinet de conseil en technologie.

Mark Sherwood, de Wolters Kluwer, a lui aussi ressenti l'impact du climat géopolitique, puisqu'il a suivi les actualités concernant les tarifs douaniers pour la première fois cette année. « Nous ne sommes pas une entreprise manufacturière, donc nous ne sommes pas autant concernés que d'autres, mais c'est quand même un problème », dit-il. Et de souligner que toute augmentation du coût de l'équipement technologique de son entreprise internationale, à la suite des droits de douane, serait perceptible.

Le DSI explique que lui et ses collègues dirigeants ont évité de réagir et qu'ils adoptent plutôt une « approche attentiste face à la plupart des nouvelles ». Néanmoins, il réfléchit déjà aux fournisseurs qui pourraient être les mieux placés pour atténuer l'impact des guerres commerciales et des droits de douane, le cas échéant.

7. Incontournable maîtrise des coûts

Bien que les coûts soient une question récurrente pour les DSI, ils ont pris une importance accrue cette année en raison des augmentations significatives des biens et services ces dernières années, suite à l'inflation et aux soubresauts de l'environnement géopolitique.

« La maîtrise et le contrôle des coûts restent une question importante, car nous constatons des augmentations massives de certains tarifs, tels que les licences. Certains DSI voient les coûts de renouvellement de leurs contrats exploser par un facteur multiplicateur et n'ont alors d'autre choix que de payer », note Dave Borowski, associé principal et responsable du bureau de Washington de la société de services West Monroe.

Mike Trkay, de FICO, cite la gestion des dépenses comme une problématique, mais avec un focus marqué sur les coûts liés à l'IA et au cloud. « L'adoption rapide de l'IA générative a entraîné une escalade et des dépenses cloud souvent imprévisibles, en particulier en raison des applications intensives en GPU et de la fragmentation des projets pilotes », souligne le DSI, ajoutant qu'il incombe aux leaders IT de trouver un équilibre entre innovation et responsabilité financière. « Cela implique non seulement d'ouvrir la voie à des solutions d'IA de pointe, mais aussi de s'assurer que ces initiatives sont rentables et alignées sur les objectifs de l'entreprise. Les départements IA doivent mettre en place des cadres de gouvernance solides pour évaluer le retour sur investissement des projets d'IA et éviter le gaspillage de ressources. »

Pour ce faire, Mike Trkay explique que FICO adopte une approche plus disciplinée des investissements en IA en priorisant les cas d'usage à forte valeur et en se concentrant sur les projets présentant des avantages clairs et mesurables pour l'organisation. Par ailleurs, la société spécialiste des scoring de crédits met en oeuvre des outils d'optimisation des coûts et applique même l'IA pour optimiser l'IA. Elle mise aussi sur une stratégie multicloud pour sélectionner les générations de GPU et les types d'instance appropriés en fonction des exigences de performance de chaque application.

« Ce passage de l'expérimentation à grande échelle à des initiatives d'IA ciblées et axées sur le retour sur investissement représente une maturation dans l'approche de la technologie et dans la manière dont les organisations équilibrent l'innovation avec des pratiques financières durables, la performance avec la responsabilité », ajoute le DSI.

8. Gérer les compétences

« Les compétences technologiques sont un problème majeur depuis des années et continuent de l'être », note Dave Borowski de West Monroe, expliquant que les DSI se concentrent sur la disponibilité des compétences et sur la concurrence pour se les attacher - deux problèmes qui restent aigus.

Surtout, les décideurs tentent de déterminer les compétences dont ils auront besoin au cours des deux prochaines années, une cible plus mouvante que jamais. Selon l'étude 2025 State of IT Skills Survey du cabinet de recrutement Revature, 77% des organisations interrogées ont déclaré être touchées par le manque de compétences IT et 84 % des décideurs sont préoccupés par la recherche de profils adaptés en 2025.

9. Encadrer les risques, y compris ceux liés aux tiers

L'enquête 2025 de CIO.com sur la DSI a classé les initiatives technologiques en matière de sécurité et de gestion des risques parmi les principales priorités de la dépense IT. Elles arrivent en deuxième position sur la liste des plans pour l'année parmi les répondants (le Machine Learning et l'IA étant évidemment numéro 1)

Pour Mark Sherwood (Wolters Kluwer), il y a de bonnes raisons à cela. « Les acteurs malveillants continuent d'être plus intelligents et mieux financés, et ils tirent parti de l'IA plus que tout autre acteur sur le marché, explique-t-il. C'est ce qui nous maintient éveillés la nuit. »

La DSI fait justement appel à cette vigilance : « Je veux que nous soyons inquiets en permanence, car la confiance crée un faux sentiment de sécurité ». En même temps, il reconnaît que les départements IT ne peuvent pas être verrouillés à 100 %. Il s'appuie donc sur le répertoire des risques de son organisation pour prendre des décisions stratégiques, en le révisant tous les mois et en l'adaptant en fonction des circonstances.

Diane Carco, ancienne DSI et aujourd'hui présidente de la société de conseil en management Swingtide, affirme que les risques liés aux tiers, en particulier, sont devenus une préoccupation beaucoup plus importante pour les DSI au cours des dernières années. « Presque tous les risques de sécurité proviennent aujourd'hui de tiers, et de plus en plus d'organisations IT doivent renforcer leur gestion des risques liés à ces tiers », juge-t-elle.

10. Préparer l'avenir

Les progrès de l'IA, de l'informatique quantique et d'autres technologies, ainsi que les transformations constantes de l'époque et la nature imprévisible du monde, amènent les dirigeants, y compris les DSI, à préparer l'avenir de leur organisation.

« Je me demande en permanence si nous continuons à nous adapter à l'évolution des choses, explique Mark Sherwood. Si je regarde combien de temps je consacrais à la préparation de l'avenir il y a dix ans, c'était indubitablement moins. Les choses évoluaient alors plus lentement. Aujourd'hui, c'est un processus de réflexion quotidien, ou au moins hebdomadaire, qui consiste à se demander si nous construisons une organisation capable de s'adapter à une telle quantité de changements. »

Par exemple, le DSI souhaite désormais compter dans son équipe davantage « d'athlètes multisports » - selon son expression - que de purs spécialistes, afin de s'assurer que ses collaborateurs soient désireux et capables d'évoluer en fonction des changements de l'activité. Il recherche également de réels partenaires technologiques capable d'étendre les écosystèmes qu'elles apportent avec leurs prestations ou produits, afin de l'aider à se préparer à l'avenir.

Selon Dave Borowski, de West Monroe, les DSI les plus attentifs à cette accélération des horloges évoluent eux aussi, car leur rôle continue de se transformer en agent de changement et en partenaire stratégique des métiers et de la direction générale. Les DSI doivent ainsi posséder le leadership nécessaire pour stimuler l'innovation et développer des stratégies au fur et à mesure de l'évolution de leur fonction. Une mue indispensable s'ils veulent, eux aussi, être prêts pour l'avenir.

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