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Evaluer le scope 3 : un passage obligé pour calculer le bilan carbone de l'IT... malgré les difficultés

Evaluer le scope 3 : un passage obligé pour calculer le bilan carbone de l'IT... malgré les difficultés
Pour la présidente et fondatrice du cabinet AdVaes, la pression réglementaire va pousser de plus en plus de DSI à se lancer dans le calcul du bilan carbone de l'IT. (Photo : D.R.)

Les obligations de reporting extra-financier s'étendent et vont de plus en plus imposer aux DSI de calculer leur bilan carbone. Le principal défi pour l'IT ? Calculer le scope 3 du bilan carbone, regroupant toutes les émissions amont et aval, pour lesquelles les données manquent souvent à l'appel.

PublicitéLa Commission européenne a adopté en novembre 2022 la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui vient remplacer la directive NFRD (Non-Financial Reporting Directive). Cette transition constitue une avancée considérable en matière de durabilité et de lutte contre la crise climatique puisqu'elle introduit des exigences de reporting extra-financier plus détaillées et étend le nombre d'entreprises qui doivent s'y conformer, avec des effets induits indirects à l'ensemble de l'écosystème (partenaires, clients, fournisseurs...). Au niveau de l'UE, cela concerne directement plus de 50 000 entreprises d'ici 2026, et bien au-delà si l'écosystème tiers est intégré.

Pour se conformer à cette nouvelle réglementation, les entreprises éligibles doivent réaliser le bilan carbone de leurs activités, aussi appelé bilan des émissions de gaz à effet de serre (GES). Ce bilan permet d'évaluer la quantité de GES émis (carbone, méthane, protoxyde d'azote et gaz fluorés), le plus souvent sur une base annuelle. Il concerne l'ensemble des activités de l'entreprise, y compris celles liées au numérique et aux systèmes d'information et télécoms, qu'il s'agisse des équipements, des infrastructures, des applicatifs ou encore des services associés. Toutes les DSI et les directions techniques à forte composante IT seront concernées à terme, même si la part de leur activité dans l'ensemble des activités de leur entreprise peut être considérée comme marginale.

Embarquer les fournisseurs dans la démarche

Dans ce processus, les entreprises doivent déclarer les émissions de GES du scope 3 résultant de leurs activités en amont et en aval. Cette évaluation est loin d'être aisée car elle implique une bonne connaissance des parties prenantes, de l'empreinte carbone des produits et des services achetés et utilisés. Or, celle-ci fait souvent défaut, les fournisseurs ne communiquant pas ou peu de données à leur sujet. Dans le domaine IT, le manque de transparence et le déficit de traçabilité rendent complexe cet exercice. Il nécessite une démarche d'embarquement progressive des fournisseurs IT les plus importants jusqu'aux plus marginaux, et induit de facto un travail conjoint aux incidences plus larges, touchant par effet domino l'ensemble de l'écosystème au-delà des seules entreprises éligibles. Vouloir y déroger deviendra un facteur de risques, notamment d'image et financier en cas d'amende (la non-conformité à la CSRD, dans sa déclinaison à venir en droit français, pourrait prendre la forme d'une amende, à l'instar d'autres réglementations telles que le RGDP).

PublicitéPour effectuer cette évaluation, il existe des normes ou des standards sur lesquels s'appuyer afin d'appliquer des méthodologies reconnues et partagées. Le GHG Protocol fait partie des normes internationales élaborées en ce sens pour répondre au besoin d'un langage commun pour la déclaration des émissions de GES. La norme ISO 14064 spécifie les principes pour vérifier et valider les déclarations de GES. En France, le Bilan Carbone de l'Ademe (Agence de la transition écologique) est également une méthodologie de mesure de l'ensemble des émissions de GES, directes/indirectes, pour tous les flux physiques sans lesquels une entreprise ne pourrait pas fonctionner. Au-delà, des référentiels méthodologiques d'évaluation environnementale de services numériques voient le jour, tels que celui sur les services d'hébergement informatique en centre de données et de services cloud qui délivre les bonnes pratiques à suivre pour évaluer les indicateurs associés à l'affichage environnemental de ces services, dans le respect des réglementations en vigueur (cf. Loi AGEC, Anti-gaspillage et économie circulaire, et Loi Climat et résilience en France).

Les composantes du bilan carbone et la difficulté de calcul du scope 3

Le bilan carbone se décline en 3 scopes : le scope 1 englobe les émissions directes liées à l'activité de l'entreprise ; le scope 2 recouvre les émissions indirectes découlant de l'achat de l'électricité pour le fonctionnement des activités ; le scope 3 englobe l'ensemble des émissions en amont et en aval. Les émissions en amont, connues sous l'appellation « upstream scope 3 », incluent l'acquisition de matières premières pour les opérations ainsi que l'utilisation de véhicules de l'organisation, et les émissions en aval, ou « downstream scope 3 », s'étendent jusqu'à l'utilisation du produit ou du service final par le client. Le scope 3 représente la partie la plus substantielle du bilan carbone, plus des deux-tiers pour les activités IT, et implique qu'il soit en effet évalué le plus finement possible afin également de mieux identifier les leviers de réduction possibles et les actions pour y parvenir.

Le GHG Protocol a identifié avec clarté quinze catégories d'émissions pour le scope 3, notamment les biens et les services achetés, les biens d'équipement, les activités énergétiques, le transport et la distribution en amont, le transport et la distribution en aval, les déchets produits par les activités, les voyages d'affaires, les déplacements des employés, les actifs loués en amont, les actifs loués en aval, le traitement des produits vendus, l'utilisation des produits vendus, le traitement de fin de vie des produits vendus, les franchises et les investissements. Pour effectuer le bilan carbone de son IT, un fournisseur ou une direction IT au sein d'une entreprise devra évaluer de même les GES émis pour chacune de ces catégories. Par exemple, les déplacements des employés de l'IT, les bureaux mis à disposition ainsi que les équipements IT utilisés dans le cadre de leur activité devront être intégrés dans le calcul.

Le calcul des émissions du scope 3 peut s'avérer difficile car il nécessite des données provenant de nombreuses sources sur lesquelles l'entreprise n'a parfois aucun contrôle, en particulier pour les industries du secteur de l'IT. Ce secteur s'appuie fortement sur des chaînes d'approvisionnement complexes et mondiales, ce qui rend difficile l'obtention de données précises sur les émissions générées par les fournisseurs de cette industrie. De même, le secteur de l'IT se caractérise par une innovation technologique rapide et des modèles de mutualisation de ressources spécifiques (cf. le cloud computing) qui rendent difficile l'établissement de méthodologies cohérentes pour mesurer les émissions au fil du temps. Il est souvent nécessaire de combiner les méthodologies entre elles.

Dans la seconde partie de cette tribune, publiée le 30 mars, Emmanuelle Olivier-Paul détaillera la méthodologie permettant un calcul du scope 3 de l'IT.

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