Tribunes

Green IT : un grand bond marketing pour un saut de puce technologique

Le marketing des constructeurs et des éditeurs informatiques intègre désormais systématiquement des arguments liés à la préservation de l'environnement. Si la distribution relaie pour l'instant timidement le discours, certains fournisseurs les y incitent en créant des programmes spécifiques. Reste que la 'green IT" ne correspond à aucune innovation technologique majeure...

PublicitéUne enquête de Distributique.com Il y a peu de temps encore, l'expression 'informatique verte' faisait sourire la plupart des professionnels du marché IT. Ils considéraient - et les chiffres leur donnaient raison - que cette débauche d'investissements marketing générait bien peu de ventes additionnelles. Depuis quelques mois, le concept d'une 'green IT' est omniprésent dans la communication des constructeurs, des éditeurs et - plus surprenant - dans le discours des grands intégrateurs et SSII. Que s'est-il passé pour que tous deviennent aussi rapidement d'ardents défenseurs du développement durable ? « Il ne faut pas se leurrer, nous sommes tous là pour faire du business. Si l'informatique verte est devenue un avantage concurrentiel, ce n'est pas le résultat d'une vaste opération concertée de marketing, c'est parce qu'un nombre croissant d'entreprises exigent que nous soyons clairs sur nos engagements en la matière », explique Cyril Carreterro, Directeur Marketing et Communication de SCC France. Concrètement, le corporate reseller, qui réalise plus de 70% de son chiffre d'affaires avec les grands comptes, a tout simplement été alerté par ses équipes commerciales, qui l'ont informé du risque d'être écarté de la plupart des appels d'offres si SCC ne précisait pas sa démarche environnementale. « En tant que société de distribution et de services, nous avons pris quatre engagements », précise Cyril Carreterro. «Le premier concerne le recyclage des déchets informatiques (NDLR : en accord avec la réglementation sur les déchets des équipements électriques et électroniques, ou DEEE). Nous avons recyclé 80 000 unités centrales l'an dernier et nous sommes désormais équipés pour retraiter 500 000 machines chaque année. Les autres engagements sont liés à la promotion de la virtualisation, de la visioconférence et de la réduction des impressions Les origines de la pression verte Concrètement, les acteurs de la distribution ne sont pas les promoteurs de la 'green IT', mais ils deviennent des relais efficaces des offres 'vertes' de l'industrie lorsqu'ils constatent que leurs clients sont clairement demandeurs. « C'est pour cette raison que l'impulsion doit venir des élus », estime Cyril Carreterro. « Pour l'instant, ce sont principalement les grands comptes, et notamment les banques, qui affichent des exigences vis-à-vis de leurs prestataires en matière de respect de l'environnement. Cela nous conduit d'ailleurs à faire évoluer nos cahiers des charges concernant nos propres sous-traitants, dont ceux du transport. Il reste à convaincre les PME et, pour cela, le marketing de l'industrie IT ne sera pas suffisant s'il ne s'appuie pas sur une évolution de la réglementation .» Au-delà de l'engagement plus ou moins fort des responsables politiques, il semble que les entreprises se laissent d'abord convaincre par des arguments beaucoup plus économiques. « Il est évident que la perspective d'une économie d'énergie importante est de nature à convaincre toutes les entreprises, y compris les plus gros pollueurs de la planète », analyse Jean-Philippe Béchade, Directeur des divisions grand public et distribution de Lenovo France et Afrique francophone. « Dans ce contexte, le rôle de la distribution dans la montée en puissance de la 'green IT' est déterminant et nous avons le devoir, en tant qu'industriel, de leur fournir le maximum d'informations et d'arguments ». Ainsi, les fournisseurs IT s'apprêtent à créer des certifications spécifiques pour les partenaires qui s'impliqueront dans cette démarche verte. Sun vient de le faire en proposant à son réseau de distribution de participer à l'Eco Advantage Program (EAP), ce qui leur permettra d'accéder à une large palette d'outils et de formations dédiées aux économies d'énergie. Les marchés sont tous verts Pour certains marchés de niche, comme la visioconférence, la préservation de l'environnement et les économies d'énergie sont devenues le premier argument de vente. Sur ce segment dominé par 3 acteurs (Polycom, Tandberg et LifeSize), la collaboration avec les associations et les ONG environnementales est désormais un passage obligé. « Dans les faits, ce sont les entreprises qui ont changé l'ordre des priorités », estime Fabrice Emmonet, Responsable des Ventes de LifeSize. « D'une part, un nombre croissant de grands comptes nomme des responsables du développement durable, quelquefois directement rattachés à la direction générale ; d'autre part, les PME abordent la question sous l'angle de la réduction des coûts. Dans tous les cas, il ne s'agit plus pour nous de développer un marketing dédié au green IT, mais tout simplement de répondre à la demande et aux questions des entreprises ». LifeSize s'est ainsi associé à l'ONG Climate Group dans le cadre du programme PlanetWise, destiné à promouvoir les technologies vertes. « Les retombées de la visioconférence sont immédiates et évidentes », précise Fabrice Emmonet. « Eviter un vol Paris-New York, c'est économiser de 3,5 à 7 tonnes métriques d'équivalent de CO2 et des déplacements interurbains quotidiens, avec un véhicule standard génèrent 3,5 tonnes métriques d'équivalent de CO2 par an .» Autre exemple significatif, un jeune éditeur spécialisé dans la virtualisation a tout bonnement choisi comme raison sociale '.green'. Les arguments qu'il développe dans sa communication sont aussi alarmistes que ceux qu'a utilisé Al Gore dans son film : « les plus grands datacenters consomment l'équivalent de 14 centrales électriques » ou encore « un brésilien consomme chaque année autant en électricité qu'un avatar de 2nd life et, à ce rythme, dans 25 ans la consommation énergétique du virtuel sera équivalente à la consommation de la population mondiale aujourd'hui .» Cisco n'est pas en reste et vient d'éditer le 'Guide pour un Bureau vert', en partenariat avec des organisations comme Climat Mundi ou Enercoop. Dans ce cas, le but est de démontrer les gains environnementaux générés par des applications collaboratives telles que Webex, désormais propriété de Cisco. On peut également citer l'éditeur SAS, leader mondial de l'informatique décisionnelle, qui annonce aujourd'hui la première solution « permettant de mesurer et contrôler précisément l'impact environnemental de l'activité d'une entreprises .» En résumé, tous les acteurs de l'industrie IT se sont emparés du marketing du green et, pourtant, chacun reconnaît que cette communication intense ne correspond à aucune innovation technologique majeure, au-delà de l'arrivée de composants plus économes. « Il n'est pas question de nouvelles technologies, mais de nouveaux usages », confirme Fabrice Emmonet. Dans les faits, à l'exception du recyclage des déchets, les revendeurs ne sont pas maîtres du jeu. « Ce n'est pas l'existence d'une technologie dite 'verte' qui change les données du problème, c'est l'usage que les entreprises et leur salariés en font », conclut Cyril Carreterro. « Si les cadres d'un grand groupe entièrement équipé pour la visioconférence continuent malgré cela à multiplier les allers-retours France - Etats-Unis, le gain pour l'environnement restera effectivement nul. Notre légitimité et notre valeur ajoutée, en tant qu'intégrateur, est justement là : il ne s'agit pas seulement de fournir des technologies ; il faut accompagner le changement

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