Stratégie

En raison des tensions géopolitiques, les DSI européens misent sur les cloud locaux

En raison des tensions géopolitiques, les DSI européens misent sur les cloud locaux
Selon une étude du Gartner, 61 % des DSI européens prévoient d'accroître leur recours aux fournisseurs de cloud locaux et régionaux en raison du contexte géopolitique. (Photo : Christian Lue/Unsplash)

Plus de la moitié des entreprises d'Europe occidentale prévoient de limiter leur recours aux hyperscalers américains, en raison d'inquiétudes croissantes concernant le contrôle des données hébergées dans le cloud.

PublicitéLes organisations d'Europe occidentale augmentent leurs investissements dans les fournisseurs de cloud locaux et régionaux, la montée des tensions géopolitiques leur faisant craindre des interruptions de services chez les hyperscalers pour des raisons politiques.

Une enquête menée par Gartner entre mai et juin auprès de 214 DSI et responsables informatiques d'Europe occidentale révèle que plus de 61 % d'entre eux prévoient d'accroître leur recours aux fournisseurs de cloud locaux et régionaux en raison du contexte géopolitique. Plus de la moitié d'entre eux (53 %) envisagent de restreindre leur utilisation future des hyperscalers pour la même raison, et 44 % indiquent qu'ils la limitent déjà.

« Cela montre que la géopolitique a un impact indéniable sur les décisions des organisations en matière de cloud », souligne René Buest, analyste en chef chez Gartner. Selon lui, plusieurs raisons convergent pour expliquer l'intérêt croissant porté à la souveraineté numérique. L'une d'elles est la crainte que le gouvernement américain ne bloque l'accès aux services cloud. Par exemple, le procureur en chef de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a perdu l'accès aux services Microsoft en début d'année, plusieurs mois après que le président américain Donald Trump a imposé des sanctions contre l'organisme. Microsoft a démenti avoir lui-même coupé les services du procureur de la CPI, sans toutefois contester que ce dernier devait bien se priver désormais de ses applications.

Depuis, quatre autres officiels de la CPI, dont je juge français Nicolas Guillou, ont vécu des mésaventures similaires, en raison des enquêtes de la juridiction internationale contre des militaires américains en Afghanistan et des mandats d'arrêt émis en novembre 2024 à l'encontre du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et de son ancien ministre de la Défense. D'autres cas, comme celui d'Adobe coupant l'accès à ses clients vénézuéliens en application des sanctions américaines contre ce pays, ont renforcé les inquiétudes des DSI quant à l'accès aux données stockées dans des cloud américains.

Recours croissant aux alternatives Open Source

« La souveraineté numérique est étroitement liée au contrôle, à qui contrôle la technologie ou le cloud que j'utilise, souligne René Buest. Et si je ne peux pas les contrôler, il est probable que je devienne inopérant. » L'incertitude plane également sur les négociations commerciales, beaucoup craignant l'imposition de droits de douane sur les services cloud américains.

PublicitéDans ce contexte d'incertitude géopolitique, de nombreuses organisations européennes se tournent vers des alternatives aux fournisseurs dominants que sont AWS, Microsoft Azure ou Google, et 55 % d'entre elles prévoient également d'accroître leur utilisation des logiciels libres, selon une étude du Gartner.

Plusieurs organismes du secteur public sur le continent migrent leurs applications pour postes de travail vers des solutions libres. Le Land allemand du Schleswig-Holstein remplace ainsi les logiciels Microsoft par LibreOffice, Nextcloud et OpenXChange, tandis que la ville de Lyon est en train de déployer une alternative libre à Microsoft Office sur 80% de son parc. Les forces armées autrichiennes devraient, quant à elles, déployer LibreOffice sur 16 000 postes de travail.

Un impact modeste pour AWS, Azure et GCP ?

Pour le Gartner, la souveraineté numérique devrait devenir une préoccupation partagée dans le monde entier. D'ici 2030, le cabinet d'études prévoit que plus de 75% des entreprises hors États-Unis disposeront d'une stratégie de souveraineté numérique impliquant l'utilisation de cloud locaux ou régionaux.

Cet intérêt accru pour cette question entraînera une augmentation des dépenses consacrées aux environnements cloud locaux et aux applications libres, mais il est peu probable que ce phénomène déstabilise réellement des géants comme Amazon, Google et Microsoft. Selon une étude de Synergy Research Group, publiée en juillet, les trois principaux hyperscalers représentent 70 % du marché européen de l'IaaS, du PaaS et du cloud privé hébergé. Les géants technologiques américains dominent également le SaaS, Microsoft 365 et Google Workspace étant largement utilisés par les organisations des secteurs public et privé sur le vieux continent.

Pour René Buest, il y aura bien un transfert d'une partie de la dépense cloud vers les fournisseurs européens dans les années à venir. Mais un exode massif des entreprises hors des hyperscalers américains reste peu probable. « Nous n'assisterons pas à un bouleversement majeur, ni à une perte considérable de parts de marché pour ces hyperscalers, pronostique l'analyste. Le phénomène restera marginal. » Aux DSI et autres responsables informatiques, il conseille de bien choisir les applications adaptées à un cloud souverain et celles qu'il est préférable de confier aux hyperscalers, en fonction du niveau de contrôle souhaité sur les données et de la probabilité des différents scénarios de risque. « En gros, on parle ici d'une bonne vieille gestion des risques », résume René Buest.

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