Les expérimentations tarifaires des fournisseurs d'IA déstabilisent les DSI

Certains fournisseurs d'IA font évoluer leurs tarifs ou modèles chaque mois, pour faire face à la concurrence et intégrer les coûts IT sous-jacents. Une frénésie difficile à suivre pour les DSI.
PublicitéLes fournisseurs d'IA expérimentent régulièrement des tarifs et modèles de tarification, créant une incertitude financière pour les DSI des entreprises qui déploient cette technologie, selon les observateurs du secteur. S'ils sont nombreux à avoir adopté des modèles de tarification hybrides combinant abonnements et facturation à l'usage ou aux résultats, leurs stratégies ne sont pas figées, comme l'explique Brian Clark, président du go-to-market chez Chargebee, éditeur de logiciels de facturation.
« Dans certains cas, les fournisseurs d'IA modifient leurs tarifs ou leurs modèles toutes les deux ou trois semaines, ajoute Brian Clark, une déclinaison de la philosophie de développement agile à la tarification, avec des pratiques de monétisation agile des produits, notamment une tarification ciblée par profil et par produit. » C'est par exemple le cas de Salesforce, comme il le souligne, qui propose plusieurs modèles de tarification pour sa gamme de produits Agentforce AI.
Forces concurrentielles et impact sur les tarifs
« Les entreprises les plus performantes du domaine modifient leurs tarifs plus d'une fois par mois, poursuit Brian Clark. La monétisation agile doit être flexible, et s'adapter à l'évolution des variables, du rythme d'adoption par les entreprises et des coûts du LLM. » Dans une enquête récente, Chargebee a constaté une tendance à la tarification hybride : 43 % des fournisseurs d'IA et autres logiciels combinent abonnement et tarification à l'usage, et 8 % de plus combinent abonnement et tarification aux résultats. Enfin, environ 16 % des fournisseurs proposent encore une tarification par abonnement uniquement.
Les fournisseurs d'IA sont confrontés à des pressions tarifaires contradictoires, car la course au leadership dans un marché très concurrentiel se heurte aux efforts de rentabilité, explique Brian Clark. « Tout le monde commence par vouloir concurrencer les grands acteurs, note-t-il. Ils démarrent avec une licence et cassent le marché. Puis ils réalisent que leurs marges sont serrées et doivent recourir à un modèle à l'usage pour se protéger. » Il en résulte de fréquentes fluctuations de prix, reprend Brian Clark. « Si vous êtes un acteur historique, vous devez baisser vos prix pour être compétitif, poursuit-il. Si vous êtes un nouvel acteur, vous allez casser les prix, mais vous les augmenterez ensuite parce que vous perdez trop d'argent. » Si tout cela ressemble à un casse-tête pour les DSI, c'est parce que, effectivement, c'est bien le cas, affirment certains observateurs.
Casser les prix pour gagner des parts de marché
« Les entreprises clientes veulent des certitudes et de la stabilité, tandis que les fournisseurs eux, cherchent encore à déterminer ce que leur coûte la production de résultats, explique Rebecca Wettemann, PDG du cabinet d'analyse informatique Valoir. De nombreux fournisseurs d'IA s'appuient sur des LLM tiers qui leur facturent chaque appel d'API, ce qui rend la prévision de leurs coûts internes difficile. » La course à la domination du marché est un autre facteur d'instabilité, comme l'explique de son côté Brian Clark.
Publicité« Nous constatons des fluctuations des modèles de tarification, les fournisseurs cherchant à conquérir davantage de parts de marché sur le marché naissant de l'IA agentique. Ils cherchent à s'emparer de parts de marché et misent sur les coûts élevés du changement liés à la reconstruction d'un agent sur la plateforme d'un autre fournisseur pour fidéliser les entreprises », explique Rebecca Wettemann.
DSI, profitez des stratégies de croissance des éditeurs
« Les modèles traditionnels de tarification par poste, courants dans le SaaS, ne sont pas aussi pertinents pour l'IA, ajoute-t-elle. Dans un monde idéal, l'IA signifie que le nombre de postes diminue ou que les organisations accomplissent davantage avec le même nombre de postes, analyse Rebecca Wettemann. Ce schéma ne fonctionne pas pour les fournisseurs qui vendent désormais moins de postes et paient plus cher pour les appels LLM. »
La meilleure stratégie, tant pour les fournisseurs d'IA que pour les entreprises utilisatrices, réside dans une tarification prévisible axée sur la valeur, et non sur les postes ou sur les transactions effectuées. Cependant, définir les résultats ou la valeur qui en découlent peut être difficile, donc établir un accord avec un fournisseur sur ces bases s'annonce ardu. Par conséquent, de nombreux fournisseurs d'IA évoluent vers des modèles plus flexibles qui n'obligent pas leurs clients à s'engager sur un modèle d'utilisation, tout en leur garantissant une certaine prévisibilité tarifaire.
Rebecca Wettemann conseille donc aux DSI de surveiller les augmentations de prix inattendues et de rechercher des crédits de dépenses flexibles qu'ils peuvent bloquer dès maintenant pour tirer parti des stratégies de croissance des fournisseurs. « N'oubliez pas que les éditeurs de logiciels qui ne proposent pas leurs propres LLM doivent, à un moment donné, répercuter toute augmentation de prix du fournisseur LLM sur leurs clients pour atteindre l'équilibre financier, et ces augmentations sont susceptibles d'arriver tôt ou tard », précise-t-elle.
Vigilance avec les appels d'API
Les fluctuations tarifaires actuelles sont source de confusion et de déception, surtout lorsque les modèles d'IA tant attendus ne sont déployés qu'à des niveaux de prix plus élevés que les estimations initiales, ajoute Kevin Carlson, CTO et RSSI à temps partagé et responsable de la stratégie IA chez TechCXO, cabinet de placement de leaders informatiques. Il conseille aux DSI d'éviter la dépendance à un fournisseur et de s'efforcer de comprendre les différents modèles de tarification proposés par les uns et les autres. Certains utilisateurs d'IA se sont ainsi tournés vers des fournisseurs de conseils FinOps pour ce faire.
De plus, les DSI devraient fixer des limites budgétaires lorsque leurs employés emploient des outils d'IA facturés à l'usage, car l'utilisation d'API peut engendrer des coûts importants et inattendus, souligne Kevin Carlson. « Exigez des développeurs de logiciels utilisant un modèle pour coder qu'ils participent activement au processus et donnent leur approbation en cours de route, conseille-t-il. Donner un blanc-seing à un modèle fonctionnant sans supervision peut conduire à une situation où il va tenter de réparer une seule ligne de code pendant des heures, sans succès, tout en facturant chaque appel d'API identique. »
Payer l'énergie et les ressources de calcul
L'éditeur de logiciels Appfire utilise divers produits d'IA et privilégie généralement les contrats limitant les variations de prix. Il met également en place des alertes lorsque les employés interagissent avec des outils d'IA facturés à l'usage, explique Ed Frederici, le CTO de l'entreprise. L'éditeur a récemment constaté une variabilité des prix et des tests de la part de ses fournisseurs d'IA sur le terrain des tarifs. « Nous sommes très prudents avec les modèles basés sur la consommation, précise le CTO. Si j'écris un algorithme inefficace ou que j'intègre de nombreuses fonctionnalités à l'IA, je peux voir augmenter le coût de mes produits. J'ai vu des gens commettre des erreurs dans des environnements cloud, se traduisant par une augmentation des coûts de plusieurs dizaines, voire centaines de milliers de dollars du jour au lendemain. »
Ed Frederici recommande aux entreprises utilisatrices de l'IA d'appliquer aux outils d'IA basés sur l'usage des contrôles similaires à ceux existant pour leurs fournisseurs de cloud. Une bonne stratégie de maîtrise de la consommation cloud peut servir de base pour celle relative l'IA, explique-t-il. À long terme, le CTO se montre optimiste quant à la tarification de l'IA, car la concurrence fera baisser les prix, estime-t-il. Mais, à court terme, les coûts pour les entreprises pourraient fluctuer, les effets de la concurrence étant contrebalancés par les coûts élevés de calcul et de consommation d'énergie associés à l'IA.
« Plus la concurrence est forte, plus il faut se différencier d'une manière ou d'une autre, mais la pression sur les prix est la même pour tous, simplement en raison de la puissance de calcul nécessaire, souligne le CTO. En fin de compte, il s'agit d'une course au prix le plus bas en matière d'IA, mais la question est : 'à quel point cette marge peut-elle être étroite avant qu'il ne soit plus possible pour l'éditeur de fournir des fonctionnalités d'IA ?' »
Article rédigé par
Grant Gross, CIO US (adapté par Reynald Fléchaux)
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