Les deux principales villes danoises prennent leurs distances avec Microsoft

Alors que les Etats-Unis menacent d'annexer un territoire appartenant au royaume, les deux principales villes du Danemark marquent leur envie d'indépendance vis-à-vis de Microsoft. Mais se heurtent aux inévitables obstacles que soulève un tel projet.
PublicitéCopenhague (640 000 habitants environ) et Arrhus, la seconde ville du Danemark (avec un peu moins de 300 000 habitants), ont chacun lancé un programme visant à limiter leurs dépendances aux logiciels et services cloud de Microsoft, selon un article du journal danois Politiken.
Le président du comité d'audit de Copenhague, Henrik Appel Espersen, cite les considérations budgétaires et la situation monopolistique comme motivations premières de cette décision. Mais c'est bien l'évolution de la politique étrangère, depuis l'arrivée de Donald Trump à la tête de la Maison Blanche, qui a mis le problème au premier plan, ajoute-t-il. Rappelons que les Etats-Unis revendiquent le rattachement du Groenland, un territoire autonome appartenant au royaume du Danemark.
Or, le risque de voir les Etats-Unis imposer à Microsoft de stopper ses services pour des motifs politiques n'est désormais plus une hypothèse farfelue. En mai 2025, l'éditeur a bloqué l'accès de la messagerie professionnelle de Karim Khan, procureur en chef de la Cour pénale internationale (CPI), à la suite de sanctions imposées par l'administration Trump.
« Fermer le cloud pour mettre la main sur le Groenland »
« Si, théoriquement, les relations avec les États-Unis devaient se détériorer, il est à craindre que Microsoft soit contraint de tout fermer. Cette possibilité existe. Et, tout à coup, nous ne pourrions plus envoyer de courriels et communiquer dans nos systèmes, nous serions face à un réel défi », souligne Henrik Appel Espersen, dans les colonnes de Politiken.
« Cela m'a semblé presque comique lorsque les experts en sécurité ont commencé à parler de Trump ordonnant à Microsoft de fermer le cloud pour mettre la main sur le Groenland. J'avais beaucoup de mal à imaginer que cela puisse se produire », dit de son côté Bo Fristed, responsable du numérique dans le domaine de la culture et du service aux citoyens à la municipalité de Aarhus. « Mais nous en avons maintenant un exemple », ajoute-t-il, en faisant référence au procureur général de la CPI.
Verrouillage par les formats
D'où la volonté des municipalités de Copenhague et Aarhus de préparer un plan B. En la matière, Aarhus apparaît la plus avancée des deux municipalités, avec le transfert effectif d'une soixantaine de systèmes d'Azure vers un fournisseur allemand. A la clef, de premières économies, selon Bo Fristed, par ailleurs président du conseil d'administration d'OS2, organisation regroupant 82 municipalités danoises collaborant à la diffusion de l'Open Source : « l'année dernière, nous avons déboursé environ 800 000 couronnes danoises pour notre seul département. Cette année, le budget est de 225 000 couronnes », indique-t-il, sans nier que le transfert se traduit par une charge de travail supplémentaire pour les équipes de la collectivité. Malgré cela, le bilan financier reste largement positif, selon lui.
PublicitéLe responsable ne cache toutefois pas les difficultés qu'engendre ce type de migration. « De nombreux systèmes utilisés dans les municipalités exploitent un format de document conçu pour nécessiter l'installation du logiciel Office de Microsoft. Nous devons analyser comment nous affranchir de ces contraintes », explique ainsi Bo Fristed, qui reconnaît également que la transition peut être vécue comme un recul par les utilisateurs. « Le démarrage a été assez lent, dit-il. Mais, maintenant que nous avons franchi le cap, les employés sont satisfaits. »
« Investir pour se rendre indépendants des monopoles »
La mise sur pied d'une alternative à Microsoft apparaît moins avancée à Copenhague, municipalité employant 44 000 personnes, soit le premier employeur danois. La capitale du royaume est davantage dans une phase de cartographie des possibilités. « Nous devons déterminer comment les systèmes existants s'adaptent à notre municipalité. Mais il ne fait aucun doute que nous allons remplacer ces systèmes par des technologies européennes et que nous devons y investir massivement pour nous rendre indépendants des monopoles américains, explique Henrik Appel Espersen. Et nous ne sommes pas les seuls dans ce cas. Toutes les municipalités sont concernées. C'est le cas de l'État. Et c'est le cas de toute l'Europe. J'espère donc que l'UE va commencer à investir massivement dans ce domaine. »
Les tentatives de sortie de Microsoft par des municipalités se sont, par le passé, parfois soldées par des échecs. Après une dizaine d'années de transition vers Linux et des outils de productivité Open Source, Munich a ainsi fait machine arrière en 2017. Mais, le contexte géopolitique de l'époque était toutefois totalement différent.
Article rédigé par

Reynald Fléchaux, Rédacteur en chef CIO
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