Le casse-tête Edifact de la facturation électronique

À l'approche de l'entrée en vigueur de la réforme de la facturation électronique, les entreprises utilisatrices du pourtant très répandu format Edifact s'inquiètent. En particulier si elles opèrent leur facturation dans SAP, elles devront changer de format ou utiliser au moins deux PDP.
PublicitéAprès plusieurs reports, l'échéance de la facturation électronique approche. Toutes les entreprises devront être capables de recevoir des factures conformes d'ici à peine plus d'un an, le 1er septembre 2026. A cette même date, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises auront aussi obligation d'émettre des factures conformes. Les TPE/PME disposant d'un an de plus pour ce faire. Mais de nombreux enjeux demeurent, comme celui auquel font face les entreprises qui exploitent des formats autres que le trio choisi par l'État : UBL, CII et Factur X, un hybride de PDF et XML.
C'est le cas en particulier d'Edifact, utilisé depuis plusieurs décennies par nombre d'entreprises (20 000 dans le monde). Conçu par l'ONU en 1988 comme un standard d'échange d'informations pour le commerce entre entreprises, ce dernier reste encore largement utilisé aujourd'hui pour l'échange de documents et, en particulier, de factures. C'est notamment le cas dans l'industrie manufacturière, la logistique et la grande distribution. Certains grands acteurs de ces secteurs en imposant l'usage à leur chaîne de valeur. Edifact intègre davantage d'éléments que les formats du socle de la réforme, y compris des éléments spécifiques aux organisations qui l'utilisent. Et seules certaines PDP (plateforme de dématérialisation partenaire) parmi les 90 immatriculées le prennent en charge.
Pas d'Edifact dans la PDP SAP
L'absence de ce format historique du socle de la réforme, s'il soulève des interrogations chez ses défenseurs, complique surtout la mise en conformité de ses utilisateurs. Un équipementier industriel se désole, par exemple de devoir abandonner « un système en place depuis longtemps et qui fonctionne parfaitement ». D'autant que la quasi-totalité de ses factures sont traitées en environnement SAP. L'éditeur allemand, qui s'est immatriculé en tant que PDP, ne compte pour autant pas intégrer Edifact, qu'il juge obsolète, comme l'explique Aytlin Köse, head of product management EMEA Nord de l'éditeur allemand. Pour cette dernière, l'intégration d'Edifact avec la PDP de SAP ne serait pas un problème, puisqu'il est possible de connecter ces flux dans sa solution et que certains de ses clients copient déjà leurs factures Edifact dans le cockpit de sa BTP (Business technology platform). C'est néanmoins oublier la nécessité de rendre les documents conformes à l'un des formats de la réforme.
Bruno Bertona, chargé de mission à l'USF, association des utilisateurs SAP francophones, confirme d'ailleurs les inquiétudes de ses membres. « Le sujet est un problème pour les clients SAP, qui nous l'ont signalé, explique-t-il. Pour faire simple, SAP ne couvrira pas les formats Edifact. Deux solutions s'offrent donc aux organisations concernées : soit changer de format et utiliser le format UBL - process standard de la facturation électronique exploité par SAP dans son DRC [document reporting compliance] -, soit utiliser une autre PDP pour les factures envoyées via Edifact et par conséquent faire face à des coûts supplémentaires. »
PublicitéEdifact conforme, sous conditions
Au-delà du seul sujet SAP, la réforme n'interdit en effet pas l'utilisation d'un format autre que ceux du socle de base. Mais ce format tiers doit au minimum contenir les informations nécessaires à l'administration fiscale sous forme structurée. Les entreprises peuvent ainsi continuer d'utiliser Edifact, à condition de passer par une PDP capable d'en extraire ces données. « Il est possible de faire de l'Edifact dans le cadre de la réforme, insiste ainsi Cyrille Sautereau, président de la commission de normalisation de la facture électronique de l'Afnor, dans le cadre d'un accord entre les deux parties sur le choix de la PDP. Si Edifact fonctionne dans les entreprises, c'est que des opérateurs s'en occupent. Les entreprises concernées doivent donc trouver parmi ces derniers, celui qui va continuer à proposer le format, mais en conformité avec la réforme. Il est tout à fait autorisé d'avoir plusieurs PDP ». Un sujet pas si simple, si l'on en croit l'équipementier industriel cité plus haut qui s'inquiète de voir, à l'approche de l'échéance, le nombre de prestataires de PDP disponibles réduire comme peau de chagrin. Ceux-ci étant de plus en plus sollicités.
Interpellée par beaucoup de ses adhérents, l'USF va étudier la question spécifique de l'intégration d'Edifact dans le cadre spécifique de la PDP de SAP. Quant à la commission de normalisation de la facture électronique de l'Afnor, elle travaille aussi sur le sujet, de façon globale. En particulier dans le cadre de la directive européenne Vida (VAT in the digital age) qui vise une harmonisation du format de facturation électronique au sein de l'UE d'ici à 2030. Pour Cyrille Sautereau, dans ce cadre intracommunautaire, « si les flux de facturation circulent sous format Edifact entre certaines entreprises, qu'elles veulent continuer de s'en servir et qu'elles font appel à des solutions qui savent extraire de façon fiable toutes les données exigées par l'administration fiscale, de façon sécurisée, on ne comprendrait pas pourquoi leur interdire ».
« Personne n'a intérêt à l'échec de la réforme »
Loin d'être un détail pour ses utilisateurs, la question Edifact s'ajoute à un contexte déjà complexe de la réforme de la facturation électronique pour les entreprises. Pour mener à bien ce projet, elles doivent balayer leurs processus afin de s'assurer de la qualité, voire de l'existence des données exigées dans ce cadre. Elles doivent choisir une plateforme de dématérialisation partenaire parmi les 90 immatriculées à ce jour, et toujours en attente d'agrément. Sans oublier que l'État ne leur a pas facilité la tâche, loin de là, en repoussant les échéances à plusieurs reprises ou encore en retirant à son Portail public de facturation (PPF) la fonction de système de facturation a minima. Une option qui laissait aux entreprises une alternative face aux seules PDP privées.
« Personne n'a intérêt à ce que cette réforme se termine par des investissements de migration colossaux des entreprises !, estime pourtant Cyrille Sautereau. D'abord parce que ce ne serait pas accepté. Mais aussi, parce que la nature ayant horreur du vide, il est probable que les entreprises continueraient d'utiliser leur ancien système en parallèle ». Le président de la commission Afnor de normalisation de la facturation électronique évoque l'exemple de l'Italie, qui a imposé un format unique à ses entreprises. Résultat, selon lui, nombre d'organisations continueraient aujourd'hui d'utiliser Edifact ou des formats similaires en parallèle de celui de l'État.
Article rédigé par

Emmanuelle Delsol, Journaliste
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