Grand Théma : L'IA intégrée aux métiers, de premiers résultats encourageants

Du PoC au passage à l'échelle, la GenAI prend une place centrale dans les stratégies d'entreprise. Axa, la Maif et Nickel soulignent l'importance d'une implication des métiers dans les projets, de l'idée jusqu'au déploiement. Fabernovel évoque le rapprochement entre DG et DSI.
PublicitéArrivée fin 2022, soit il y a à peine 3 ans, la GenAI a été instantanément adoptée par le grand public, avant de rapidement faire ses premiers pas dans les organisations. Depuis, tests et PoC ont fait florès, mais pour autant, faute de mesure de ROI ou d'adoption par les utilisateurs, peu de projets sont passés en production, encore moins à l'échelle.
Enrichie récemment par l'agentique, la technologie donne concrètement un moyen aux entreprises de transformer leurs modes de fonctionnement et leur stratégie, à condition néanmoins d'impliquer les métiers dans le processus de bout en bout. Les trois invités de notre Grand Théma CIO/Le Monde Informatique, Axa France, la Maif et Nickel, font ce même constat, et s'organisent pour passer à l'étape supérieure. Cyril Vart, partner d'EY FaberNovel, de son côté, évoque le niveau d'implication des directions générales et son impact sur les DSI.
Regardez le replay de notre émission avec Axa, la Maif et Nickel
Depuis 2024, Axa France a ainsi consacré un programme à la data et à l'IA avec un budget de 100 M€. Un travail qui a donné de premiers résultats concrets en matière d'efficacité commerciale, au travers de recommandations faites aux distributeurs pour les conseils aux clients, ou d'amélioration de l'efficacité des modèles de maîtrise des risques. Du côté de la GenAI, comme le précise Christophe Vermont, chief transformation and technology officer d'Axa France, après une période d'exploration, l'entreprise est passée à une approche plus structurée et focalisée sur la transformation des processus. « Nous manquons encore de recul sur les retours, et il est difficile d'avoir des indicateurs indiscutables sur les gains de productivité, explique-t-il, mais l'usage est en forte augmentation ». La version Secure GPT du LLM d'Axa compte 45% d'utilisateurs réguliers. Et certains projets ont déjà des effets concrets, comme la gestion des sinistres avec une OCR rendue plus puissante par la GenAI ou l'accompagnement du développement IT.
Axa, la décentralisation gouvernée
De plus, chez Axa, aujourd'hui, pas de passage à l'échelle sans adoption par les utilisateurs. L'assureur a adopté ce qu'il appelle une « décentralisation gouvernée ». Une plateforme commune structure l'usage de l'IA et met à disposition des métiers certaines fonctions pour mettre en place facilement un agent, par exemple. Par ailleurs, des fonctions de data leaders dans les différentes directions assurent la proximité avec les métiers. « Nous sommes convaincus que la GenAI et l'agentique sont des opportunités pour résoudre certains de nos problèmes. Et plus nous avançons dans la compréhension de la technologie, plus nous sommes convaincus, insiste Christophe Vermont. Dans notre plan stratégique, nous avions mis un accent fort sur notre excellence opérationnelle et, de plus en plus, ce sujet rejoint le sujet de l'IA, notamment sous l'influence de l'agentique ». Mais l'assureur a également rédigé une charte sur l'implémentation de la GenAI.
PublicitéA la Maif, la démarche est différente, mais le constat est assez similaire. « En 2024, nous avons décidé de faire de l'IA générative le sujet de notre séminaire stratégique annuel, raconte ainsi Nicolas Siegler, directeur général adjoint en charge des systèmes d'information. Mais elle fera aussi partie à part entière des grandes thématiques qui irrigueront notre plan stratégique en 2027. » Fin 2023, la mutuelle a constaté que le phénomène GenAI prenait de l'ampleur, et relevait probablement davantage d'une révolution technologique que la blockchain ou le métavers. La Maif a alors entrepris une étude d'impact sur tous ses métiers, avec tous les managers, dans toutes les directions de l'entreprise, qu'il s'agisse d'évoquer les capacités de synthèse, de compte rendu ou de production de courrier de la GenAI... Un travail de plus de 6 mois qui a abouti à une liste de plus de 600 idées.
Maif, trouver le bon curseur entre performance et éthique
Le séminaire stratégique consacré à la GenAI, quant à lui, a surtout servi à acculturer la direction générale, dans une approche à 360 degrés : technologie, impact sur l'ensemble des parties prenantes (employés, sociétaires, etc.), performance, éthique, etc. Et pour également acculturer l'ensemble de ses équipes au sujet, la mutuelle a développé un Cooc (corporate online open course). La Maif a également organisé une convention salariée pour répondre à la question : « à quelles conditions la Maif doit-elle ou peut-elle s'emparer de l'IA générative ? ». En sont sorties 39 recommandations. « Nous avions déjà un conseil de surveillance numérique éthique, explique Nicolas Siegler, et nous l'avons transformé pour l'adapter à ces recommandations »
Pour embarquer les métiers, et ne pas se contenter de trouver les cas d'usage à partir des technologies comme elle avait commencé à le faire, la mutuelle a inversé la dynamique. Elle est partie de cas d'usage, a monté des MVP (minimum viable product) avec de petites équipes, mesuré ce que cela apportait et réfléchi à leur généralisation. Elle compte ainsi collecter, d'ici à fin 2025, des expériences métier concrètes pour en tirer les leçons et préparer le passage à l'échelle. « Reste à trouver le juste curseur entre la performance apportée et les questions éthiques que cela convoque, rappelle néanmoins Nicolas Siegler. Que fait-on du temps gagné par exemple, par les conseillers au téléphone accompagné d'une GenAI ? Leur laisse-t-on du temps pour souffler ou leur demandons-nous prendre davantage d'appels ? Il faut trouver le bon équilibre. »
Nickel, des cas d'usage en production
De son côté, Thomas Courtois, président de la néobanque filiale de BNP Paribas, Nickel, a détaillé les premiers passages en production au sein de cette entreprise de 900 employés dont un tiers travaille sur la technologie. « Très tôt, nous nous sommes intéressés à l'utilisation de la data et nous avons mis en place un socle de données toujours très à jour et disponibles », affirme ainsi Thomas Courtois. L'entreprise a mis en place une équipe data centrale forte, mais connectée avec tous les métiers. Nickel a ainsi déjà des cas d'usage de GenAI en production. Parmi eux, la lutte contre la fraude, un des plus emblématiques et efficaces, avec de la génération d'alertes pertinentes - repérage des faux positifs -, une aide à une centaine d'analystes pour étudier ces alertes, l'identification des réseaux de fraudeurs, etc.
« Il faut bien choisir les domaines dans lesquels investir, estime le président de Nickel, en fonction du nombre d'employés concernés et des gains attendus. » Pour s'assurer que l'IA fournit de réels résultats, la néobanque dispose également d'indicateurs comme la durée d'un appel client ou le nombre de résolutions de problème dès le premier appel. Elle estime à 1 million d'euros les économies déjà réalisées par son service client avec la GenAI. Par ailleurs, elle accompagne et forme ses employés, et a même modifié sa politique de recrutement depuis l'arrivée de la technologie, comme le raconte Thomas Courtois. « Comme nos agents sont assistés par la GenAI pour répondre aux questions purement bancaires, nous allons moins chercher des compétences bancaires que relationnelles, de sens du service. Nous pouvons ainsi chercher du côté de la restauration, du commerce de proximité, etc. »
DG, le retour à la raison
Dans le cadre de ce Grand théma, nous avons également convié Cyril Vart, partner d'EY Fabernovel, pour évoquer, dans une capsule dédiée, le rôle des DG, dans les décisions stratégiques des entreprises en matière de GenAI et l'évolution de leur relation avec les DSI. Les éditeurs de logiciels comme l'engouement généralisé pour la GenAI et la crainte de voir la concurrence prendre un avantage en la matière ont fait partie des éléments qui ont conduit les directions générales à s'intéresser assez rapidement au sujet. D'autant qu'elles appartiennent de plus en plus à une génération qui n'a plus d'appréhension vis-à-vis du numérique. Et si certains DSI ont dû pousser leur comité de direction pour au moins expérimenter la GenAI, c'est plutôt la situation inverse qui s'est présentée, selon Cyril Vart. Avec une pression de la direction générale sur les DSI pour déployer le plus vite possible.
Regardez la capsule vidéo avec Cyril Vart, d'EY Fabernovel
Mais, pour lui, on arrive si ce n'est à une forme de désillusion, tout du moins à une forme de retour à la raison. Les DG commencent à comprendre que s'il existe des gains associés à la GenAI, son déploiement n'est pas si facile que cela, pour plusieurs raisons. Pour commencer, de nombreux PoC ont été lancés, pour des gains de productivité décevants. Les DG ont réalisé que la GenAI n'était finalement pas aussi mature qu'attendu, selon Cyril Vart, pas aussi facile à mettre en oeuvre, ni à industrialiser, en particulier parce qu'elle n'est efficace qu'interconnectée avec le système d'information. En particulier avec la data de l'organisation.
Enfin, le sujet des coûts d'implémentation, de formation, de maintenance, souvent éludé jusqu'à aujourd'hui, devient majeur. « Pourtant, estime Cyril Vart, c'est peut-être finalement un bon moment pour les DSI de s'en emparer, pour se rapprocher des DG et des métiers et tenir un rôle plus stratégique, car tout le monde a envie que ça marche. Mais, pour cela, c'est aussi le moment pour eux d'intégrer dans leurs équipes des pédagogues, des communicants, des politiques. »
Article rédigé par

Emmanuelle Delsol, Journaliste
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