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Deux coopératives agricoles cultivent la data pour faire face à l'avenir

Deux coopératives agricoles cultivent la data pour faire face à l'avenir
Grégoire Gautier de Charnacé, data manager chez Cooperl, à l'occasion du Dataiku Summit Paris 2025. (Photo : E.D.)

Face à des enjeux d'efficacité, de productivité et même de survie des exploitations, deux coopératives agricoles du Grand-Ouest, Terrena et Cooperl, ont plongé dans le grand bain de la data. Un défi de taille pour des organisations complexes, aux multiples métiers et silotées.

PublicitéPar nature, une coopérative agricole réunit plusieurs filières différentes, et exerce des dizaines, voire des centaines de métiers différents. Elle dispose rarement d'un SI cohérent et homogène, accessible à tous ses adhérents dans les meilleures conditions. Des conditions peu favorables à la mise en place d'une stratégie data digne de ce nom. Pourtant, pour maintenir l'avenir de l'élevage et de la culture, pour piloter les exploitations avec une vision globale ou encore tenir compte des initiatives digitales de terrain, les deux coopératives du Grand-Ouest, Terrena et Cooperl, se sont emparées de la data, chacune à leur façon. La première avec une stratégie centralisée et progressive, la seconde avec une démarche décentralisée et engageant les équipes de terrain.

Terrena (13 000 employés, 5,6 Md€ de CA) compte 18 000 exploitations agricoles adhérentes issues de 12 filières, depuis l'élevage bovin, ovin ou avicole jusqu'à l'arboriculture en passant par les grandes cultures ou la viticulture. Elle les accompagne pour la production, la transformation et la commercialisation de leurs productions sous des marques comme Tipiak ou Paysan Breton. Avec une telle complexité, la coopérative n'a disposé pendant longtemps que de données très silotées, difficilement accessibles, sans pouvoir prétendre à une vision transverse, comme l'a expliqué Edouard Berthelin, responsable de son service expérience data à l'occasion du Dataiku Summit de Paris, en septembre.

L'indispensable transformation de l'élevage

« Nous ne pouvions par exemple pas proposer à un éleveur une offre de production végétale adaptée spécifiquement à ses animaux, raconte ce dernier. Nous lui demandions parfois plusieurs fois de nous transmettre la même observation. » Plus généralement, la coopérative est convaincue de l'intérêt de sa transformation digitale pour améliorer la traçabilité ou réduire l'impact environnemental de ses filières. Terrena a commencé par progressivement refondre son intranet, mettre en place de nouveaux canaux de communication et une plateforme de e-commerce, déployer des solutions omnicanales, etc. « Et c'est de tout cela qu'est née la volonté de travailler différemment avec la data, poursuit Edouard Berthelin, et de mettre en place une réelle stratégie ».

Pour Grégoire Gautier de Charnacé, data manager chez Cooperl, les constats sont très similaires quant au silotage des données en particulier. Cooperl (CA de 2,7 Md€) compte en effet 4 500 éleveurs adhérents et un peu plus de 8 000 salariés, avec pas moins de 600 métiers différents et des marques comme Brocéliande ou Madrange. Elle a néanmoins défini une stratégie différente de Terrena, avec deux grands axes de développement de la data. « « Pour commencer, nous faisons face à un avenir incertain, insiste le data manager, avec peut-être seulement un élevage sur trois capable de trouver un repreneur. Leur transformation est donc un enjeu majeur, d'autant que les éleveurs prêts à reprendre les exploitations ne le feront pas dans n'importe quelles conditions. Et l'équipe data doit être capable d'apporter des solutions pour répondre à cet enjeu ». Deuxième axe de développement data pour Cooperl : s'appuyer sur une transformation digitale venue majoritairement du terrain. « Nos métiers ont vite compris l'enjeu de pilotage des exploitations et des usines avec la data, et ont déjà pris beaucoup d'initiatives », confirme Grégoire Gautier de Charnacé. Reste à exploiter cette dynamique.

PublicitéDémarrer avec une petite équipe

La stratégie data de Cooperl vise donc en premier lieu à rapprocher les enjeux d'évolution de l'élevage et les initiatives remontées du terrain. Le plan comprend un premier volet centralisé, traditionnel, avec de la BI, des data scientists et un service innovation. « Mais cela devient vite un goulet d'étranglement, reconnaît le data manager de la coopérative. Avec nos 600 métiers, les équipes data sont, en effet, contraintes à chaque fois de comprendre les processus, le fonctionnement de l'exploitation, les indicateurs, etc. » Cooperl a donc décidé d'ouvrir un second front, décentralisé cette fois. « Chaque exploitation, chaque usine, a déjà des contrôleurs de gestion, des data analystes qui manipulent les données. De façon très empirique, nous estimons qu'entre 70 et 80% des KPI sont créés par des employés qui ne sont pas des analystes ». La coopérative a donc décidé de les équiper d'outils pour les rendre le plus autonomes possible.

Chez Terrena, la stratégie a suivi une trajectoire différente, car comme l'explique Edouard Berthelin : « nous avions à la fois une dette technique et une dette culturelle ». Ainsi, la coopérative ne disposait pas de la plateforme adaptée pour casser les silos de données comme elle le souhaitait et pour valoriser la vision complète d'une exploitation. En 2022, elle a donc priorisé la mise en place d'une plateforme data avec des outils de traitement, des processus et une gouvernance adéquats. Qui plus est, les employés de la coopérative étaient peu matures et la data ne bénéficiait d'aucun soutien de la direction. Dans cette situation, la coopérative a préféré monter une petite équipe pour développer sa plateforme, avec Dataiku, et répondre à de premiers cas d'usage pour donner confiance dans l'initiative. Elle a par exemple conçu un outil d'accompagnement technique de la culture du maïs qui va du conseil sur les semis, avec des prédictions de température et d'aptitude des sols réalisées dans Dataiku, mais aussi avec des prévisions de dates de récolte optimales pour la qualité. Aujourd'hui, ces outils d'aide à la décision pilotent plus de 500 000 ha.

Se positionner sur les marchés très en amont

« Nous avons aussi développé une prévision de collecte, pour prendre position très en amont sur les marchés, poursuit Edouard Berthelin. Les céréales sont parfois vendues avant même d'être semées ! Il est important de se positionner très tôt. Ces deux cas d'usage s'appuient sur du machine learning, mais c'est encore l'exception. Aujourd'hui, ce que nous pratiquons le plus avec Dataiku, ce sont les analytiques classiques, pour de la segmentation, du calcul de KPI ou d'indicateurs de pression environnementale, etc. »

Cooperl, de son côté, a développé une solution pour ses vétérinaires. Ce sont les métiers qui ont élaboré, dans Dataiku, de nombreux KPI en no code pour ces derniers et ont ensuite travaillé avec les data scientists. « De cette façon, les vétérinaires arrivent en intervention avec toutes les informations nécessaires, et même tout l'équipement nécessaire, précise Grégoire Gautier de Charnacé. C'est intéressant, car c'est un premier cas d'usage développé quasiment uniquement par des citizen developpers en no code. Nous avons aussi équipé directement nos ingénieurs carbone avec Dataiku, pour calculer notre bilan carbone, complexe à réaliser. Nous sommes passés d'un an de travail à trois mois. » Dans les deux coopératives, la démarche est aussi passée par une phase d'acculturation et de formation à la data et à la plateforme, aussi bien de la direction que des métiers et des adhérents.

Une nouvelle voie d'innovation par la data

Pour l'avenir, Terrena voit de plus en plus de projets de machine learning émerger, pour la gestion des stocks par exemple, et voudrait ouvrir des sujets d'agents IA pour aider, par exemple, les technico-commerciaux sur le terrain qui pratiquent à la fois de l'administratif, du conseil technique, de la prise de commande, etc. 

De son côté, Cooperl a l'ambition de rendre autonomes sur la data non plus 30 à 40 personnes, mais 100 ou 200. « Mais il est aussi vital d'accompagner et de transformer l'élevage pour l'avenir, sans quoi on aura une perte de production sèche. Et cela passera par la data. Enfin, nous avons lancé un grand plan avec toute une voie d'innovation nouvelle appuyée sur la data. Et nous espérons réellement arriver à ce que les outils produits par le métier alimentent directement cette voie d'innovation », dit Grégoire Gautier de Charnacé.

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