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Derrière la nouvelle usine Modulus de Sanofi, l'interfaçage entre IT et OT

Derrière la nouvelle usine Modulus de Sanofi, l'interfaçage entre IT et OT
Le 13 septembre, Sanofi a inauguré son site de production Modulus, capable de s'adapter en quelques jours ou heures à la fabrication d'un nouveau produit. Un concept d'usine qui repose largement sur un projet informatique. (Photo : Sanofi)

Derrière l'usine modulaire et adaptable de Sanofi, inaugurée le 13 septembre, se cache l'interfaçage entre IT et OT et la modularisation des procédés au sein du SI. Responsable de la digitalisation au sein de ce programme, Arnaud Chatelus explique à CIO les dessous de ce lego industriel, matériel, data et logiciel.

PublicitéUn site de production modulaire capable de produire jusqu'à 4 vaccins ou médicaments différents en parallèle et de s'adapter en quelques semaines, voire en quelques jours, à un nouveau produit. C'est la promesse du groupe pharmaceutique français Sanofi avec sa nouvelle installation industrielle de Neuville-sur-Saône (Rhône), inaugurée le 13 septembre par le président Emmanuel Macron. Cette usine au budget de 500 M€ est ainsi non seulement capable de fabriquer plusieurs produits en même temps, mais aussi de s'adapter rapidement afin de fabriquer de nouveaux produits dans l'équivalent de 34 mini-usines standardisées. Comment ? En grande partie grâce à une modularité du SI industriel, ainsi qu'à l'interfaçage et au partage de data entre le SI entreprise et les équipements de production.

Derrière les 24 000 m2 de bâtiments flambant neufs de Modulus, se cache donc sans surprise un projet informatique d'ampleur. Démarré début 2022, il est piloté par Arnaud Chatelus, responsable de la digitalisation du site, avec une équipe d'une quinzaine d'ingénieurs production, procédés et logiciels. « Le principe de la modularité du site repose en quelque sorte sur la division de la zone de production en 34 différentes stations d'accueil possibles, explique Arnaud Chatelus. Nous pouvons y connecter n'importe quel équipement industriel à n'importe quel endroit, et brancher l'électricité, le gaz, les fluides et flux d'information nécessaires. »

L'indispensable intégration de l'OT et de l'IT

Avec un premier enjeu majeur : l'intégration des couches IT et OT (operational technology, soit les capteurs, les équipements, l'instrumentation, le contrôle commande, etc.). Comme souvent dans l'industrie, chez Sanofi, les deux systèmes sont habituellement conçus séparément, puis des passerelles sont installées entre les deux a posteriori. « Tout le projet Modulus a justement été mené pour assurer dès le départ la convergence entre toutes les data et tous les équipements, quels qu'ils soient. Nous devons pouvoir acheter n'importe quel équipement, exploiter différents protocoles de communication et n'importe quelle structure de data ».


Arnaud Chatelus, responsable de la digitalisation de Modulus chez Sanofi : « sur l'aspect IT, notre grande chance, c'est que ce nouveau bâtiment nous permet de partir d'une feuille blanche. A cela s'ajoute le fait que Sanofi a entamé un travail de standardisation de ses SI depuis plusieurs années déjà. » (Photo Sanofi)

Pour atteindre cet objectif, faute de réponse prête à l'emploi sur le marché, Sanofi a dû concevoir sa propre méthodologie. Sur le principe Plug and Produce, elle s'appuie sur une plate-forme de connectivité industrielle et une suite d'outils de consolidation, d'historisation et de contextualisation des data industrielles. L'équipe digitalisation s'est appuyée sur la définition de protocoles comme OPC UA (open connectivity - unified architecture), un standard d'échange de données pour systèmes industriels, et sur divers protocoles de bases de données. « Mais nous avons aussi beaucoup travaillé sur les règles de nommage de nos data, précise Arnaud Chatelus. Après quoi, nous avons développé des logiques pour les contextualiser et les stocker. »

PublicitéUn SI d'entreprise en 4 core models

Les données industrielles de Sanofi se rangent dans trois grandes catégories principales : les lots de fabrications, les données de procédé (essentiellement des séries temporelles) et les alertes et événements provenant des équipements. Ces dernières, d'une grande diversité, sont les plus complexes à gérer, selon le responsable de la digitalisation du site. S'il n'a pas trouvé de réponse sur le marché, il n'a pas non plus été possible pour Sanofi de collaborer directement avec les équipementiers. Pour Arnaud Chatelus, ils ne sont pas encore suffisamment avancés sur le sujet. Et ceux qui le sont, comme Siemens, ne sont pas suivis. « Nous sommes peut-être arrivés trop en avance pour cela. »

Second aspect majeur du projet de digitalisation de Modulus, la modularisation du SI derrière les processus industriels. « Sur l'aspect IT, notre grande chance, c'est que ce nouveau bâtiment nous permet de partir d'une feuille blanche », insiste Arnaud Chatelus. « A cela s'ajoute le fait que Sanofi a entamé un travail de standardisation de ses SI depuis plusieurs années déjà. » Le groupe a en effet défini 4 core model au sein de son SI : son ERP (SAP), son MES, sa gestion des data de laboratoire (laboratory information management system, Lims) et son quality management system. Tous basés sur des solutions du marché. « Nous disposons donc déjà de process d'entreprise simplifiés, poursuit Arnaud Chatelus. Qui plus est, Modulus est le seul site industriel à s'appuyer sur les 4 core models, avec une couche d'intégration de l'OT. » Toutes les données industrielles sont rapatriées vers la couche data centralisée du cloud de Sanofi pour alimenter le SI.

Un MES organisé en briques fonctionnelles 

Cependant, pour répondre à l'enjeu de modularité du nouveau site industriel, Sanofi a principalement travaillé sur la couche MES, la plus proche du procédé proprement dit. « Nous avons créé des blocs fonctionnels qui pourront être assemblés à chaque nouveau procédé, détaille Arnaud Chatelus. Nous avons constitué une bibliothèque de procédés : pour l'assemblage des équipements, le recueil des données, les indications aux opérateurs, par exemple. Ce sont des briques fonctionnelles à assembler comme des Lego ». Et c'est bel et bien l'utilisation de ces dernières au sein du MES qui permet de concevoir rapidement un nouveau mode opératoire. L'industriel travaille déjà sur 3 premiers procédés qui arrivent dans l'usine et lui ont permis de tester cette modularité, mais aussi le potentiel de réutilisation d'un process à l'autre. « Les procédés ne sont pas tous arrivés en même temps dans nos équipes de développement. Or, dès le 2e, nous avons pu réutiliser des briques du premier. »

« Nous avons aussi créé des classes d'équipement qui engendrent des échanges de données de même format, complète Arnaud Chatelus. Pour configurer un nouvel équipement rapidement, nous pourrons ainsi l'instancier. Sur le même principe qu'une instanciation logicielle. » Mais l'équipe digitalisation a aussi posé des limites. « Nous avons forcé l'intégration entre IT et OT partout, de bout en bout. Mais nous avons été très attentifs à ne pas coupler trop étroitement les différentes composantes OT. Elles fonctionnent là encore comme des services logiciels, avec leur autonomie ».

En attendant une large automatisation avec l'IA

L'équipe d'Arnaud Chatelus, en charge de ce projet digital, compte une quinzaine de personnes. Des chefs de projet avec des profils d'ingénieurs logiciels, d'ingénieurs de production, d'ingénieurs procédé, etc. Autrement dit, un savant mélange d'experts SI et métier. « Nous travaillons aussi avec les automaticiens, avec les équipes digitales du groupe pour les infrastructures et les équipes cybersécurité », complète le responsable de la digitalisation de Modulus. La cybersécurité a été intégrée au projet dès le départ, entre autres avec un audit amont de tous les fournisseurs d'équipements et de logiciels sur la base d'exigences particulièrement fortes.


Installée dans le Rhône sur 24 000 m2, l'usine Modulus de Sanofi peut produire jusqu'à 4 vaccins ou médicaments en parallèle, et adapter ses lignes en quelques jours maximum à la fabrication d'un nouveau produit. (Photo : Sanofi)

Dans quelques semaines, les premiers lots de produits seront fabriqués sur le site de Modulus. L'équipe digitalisation disposera ainsi des retours des premiers utilisateurs du SI et pourra effectuer de premiers réglages. Mais, à plus long terme, c'est une 2e partie de la feuille de route digitale qui l'attend, avec l'intégration de l'IA pour aller plus loin dans l'automatisation. Et cela passera par de nouveaux jumeaux numériques pour optimiser certaines activités dans l'usine comme l'ordonnancement fin.

Et des jumeaux numériques...

Sanofi exploite bel et bien des jumeaux numériques de plusieurs types pour Modulus, mais pas pour soutenir la modularité proprement dite de l'usine. « Nous n'avons pas de jumeau numérique pour tester les modes opératoires, mais nous en avons en projet pour préparer la reconfiguration des lignes et pour certaines formations ». Sanofi exploite aussi un jumeau numérique qui calcule des phénomènes physiques et mécaniques pour dimensionner certains équipements à l'avance.

L'industriel a aussi beaucoup utilisé la 3D pour concevoir Modulus. « Des équipes de production ont pu travailler en avance pour le positionnement des équipements, la sécurité, l'ergonomie, l'encombrement, précise Arnaud Chatelus. Et cela va encore nous être utile, car la zone de production sera bientôt fermée et aseptique. Les techniciens ne pourront plus y entrer pour prendre des cotes par exemple ». Le jumeau du bâtiment a donc été couplé avec des modes de projection à l'échelle 1:1 pour appréhender les notions de hauteur et d'espace ou évaluer la capacité à contourner une machine.

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