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Comment Teréga a fait du cloud public un levier de transformation

Comment Teréga a fait du cloud public un levier de transformation
Émilie Bouquier (Teréga) : « Nous avons décidé de monter en compétences pour accompagner la mise en œuvre du cloud public. »

Dans le cadre d'une transformation digitale démarrée il y a quatre ans, l'opérateur de transport et de stockage de gaz Teréga a migré l'ensemble de ses infrastructures sur le cloud public d'AWS et mis en place un data hub.

PublicitéTeréga est un opérateur de transport et de stockage de gaz implanté dans le Grand-Ouest. En 2016, sous l'impulsion de son Président et Directeur Général Dominique Mockly, l'entreprise a décidé d'enclencher une vaste transformation digitale pour accompagner ses ambitions industrielles et commerciales. Une transformation confiée à Daniel Widera, nommé Directeur de la transformation digitale et de la performance en 2017. « A l'époque, les équipes IT étaient davantage des gestionnaires de contrats que des spécialistes de l'informatique », se souvient Émilie Bouquier, responsable infrastructures et technologies chez Teréga.

A son arrivée, Daniel Widera commence par redéfinir la stratégie IT autour de trois axes : Business, Support et Infrastructure (BSI). Le business désigne l'ensemble des expertises et services nécessaires pour supporter les métiers finaux de l'entreprise. Le support renvoie quant à lui aux fonctions transverses, comme la finance ou les ressources humaines. Enfin, l'infrastructure regroupe les savoir-faire et expertises de l'IT. Ce découpage a déterminé la stratégie en matière de solutions. Ainsi, les fonctions support étant présentes dans toutes les entreprises, de nombreuses solutions du marché peuvent répondre à leurs besoins. Pour ces dernières, Daniel Widera a donc choisi de privilégier les offres SaaS, excluant les développements spécifiques. En revanche, sur la partie business, la création de solutions spécifiques était acceptée, voire souhaitée. « C'est sur ce coeur de métier que nous créons de la valeur et que nous pouvons nous différencier en offrant de nouveaux services », pointe la responsable infrastructures et technologies. Dans ce but, le métier devait pouvoir s'appuyer sur une IT performante, agile et alignée sur les métiers, ainsi que sur des technologies digitales modernes et frugales, afin de répondre aux exigences environnementales fixées par l'entreprise.

Une montée en compétence préalable

Jusqu'à présent, Teréga hébergeait ses applications métiers chez des partenaires infogérants, avec des équipements de haut niveau, mais qui représentaient un coût élevé pour une entreprise de sa taille. Pour aller plus vite, la DSI a donc décidé d'aller vers le cloud public. « Nous ne voulions pas créer nos propres datacenters, mais nous avions de vraies problématiques de haute disponibilité et de maîtrise des flux sur des processus complexes, ainsi que des engagements forts en matière de transparence », relate Émilie Bouquier. Un premier projet de migration des outils bureautiques et collaboratifs vers G Suite, ainsi que la transformation de certaines activités transversales, ont permis à l'entreprise de se familiariser avec le cloud public. Ces phases ont également permis d'acculturer progressivement les métiers au digital.

PublicitéEn 2018, deux grandes options se sont ensuite présentées pour poursuivre la migration des applications métiers : soit migrer l'ensemble du datacenter en mode « lift & shift » afin d'aller très vite, soit chercher à tirer parti des meilleurs services du cloud à travers un projet précis. Teréga a retenu la seconde option, en choisissant d'expérimenter de façon exhaustive les capacités du cloud sur un projet de refonte du portail client. « Nous avons décidé de monter en compétence pour construire ce portail en mode serverless, en choisissant de nous appuyer sur le cloud d'AWS », indique Émilie Bouquier. Au total, une quinzaine de collaborateurs, à la fois côté IT et métier, se sont mobilisés pour acquérir ces nouvelles compétences. Pour les métiers, il s'agissait principalement d'adopter une culture agile, tandis que les collaborateurs de la DSI devaient développer l'expertise nécessaire pour bâtir des services peu coûteux, permettant d'expérimenter rapidement. Pour refléter ce changement d'approche et de culture, la DSI se renomme alors Direction de la Transformation Digitale et de la Performance (DTDP). « Nos objectifs étaient de mutualiser les efforts et de capitaliser sur nos services afin de pouvoir adresser les besoins des différentes directions dans une optique transversale, où chacun bénéfice du travail des autres », ajoute Émilie Bouquier.


De gauche à droite : Jésus Viu et Thomas Delquié, respectivement responsable des infrastructures programmables et responsable data hub chez Teréga.

Un data hub pour centraliser les données

En parallèle du projet de portail, la DTDP a lancé un grand chantier d'architecture, afin de reconstruire son socle technique en plaçant les données au centre. « Nous avons créé un data hub dans lequel sont centralisées les données de référence, tout en commençant à bâtir une culture de data management », explique Thomas Delquié, responsable service Datalab chez Teréga. « Pour soutenir toutes nos ambitions et créer de nouveaux services, il fallait des données propres et disponibles. » En amont, un gros travail a été mené avec les responsables fonctionnels afin de définir les données. « Il est important d'avoir des product owners convaincus de l'utilité de la transformation », estime Émilie Bouquier. Pour obtenir cette adhésion, la DTDP a notamment misé sur la production de reportings de qualité, qui montrent l'intérêt de centraliser les données.

D'un point de vue technique, le data hub a démarré sur une base PostgreSQL, hébergée sur le cloud AWS. Il s'est ensuite étendu, en intégrant des bases NoSQL afin d'accueillir d'autres types de données. Toutes ces bases sont accessibles à travers des APIs. « Le data hub est indépendant des applications métiers, afin de casser les silos existants. L'objectif était de libérer les données à valeur de l'entreprise », précise Thomas Delquié. Le socle technique, dénommé IOBase, comporte également d'autres composants clefs, comme la gestion des accès et la supervision des services, « des briques essentielles pour être en capacité de livrer des services et applications de façon plus rapide et agile », selon le responsable service Datalab.

Des gains financiers et environnementaux

Fortes de l'expérience acquise avec le projet de portail, les équipes se sont ensuite reposé la question de la migration du datacenter dans le cloud. « Cette fois, nous avions la maturité nécessaire pour faire un lift & shift vertueux, avec de vrais gains en termes d'efficience, que nous n'aurions pas obtenus si nous avions fait l'inverse », estime Émilie Bouquier. En 2019, la DTDP a donc entamé la migration totale de ses infrastructures sur le cloud AWS, dans l'objectif de décommissionner totalement son datacenter. Le passage au cloud public a permis des gains majeurs en termes d'efficience, avec des coûts d'hébergement divisés par 14. « Le lift & shift direct, comme envisagé au début, n'aurait pas permis de remplir nos objectifs en termes de coûts », estime Thomas Delquié. Pour ce dernier, le plus difficile lors du passage au cloud a été l'adoption de méthodes de travail totalement différentes. « Mais tout cela s'apprend. Il existe de nombreux éléments disponibles pour se former, et les fournisseurs de cloud sont à l'écoute. » Il estime aujourd'hui que les promesses du cloud sont tenues, que ce soit sur la sécurisation ou la maintenabilité. Le développement de l'approche DevOps a également permis d'internaliser les astreintes, l'équipe disposant désormais des compétences requises pour maîtriser les infrastructures opérationnelles en toute confiance. « Chacun dispose de l'expertise nécessaire, ce qui a permis de monter en responsabilités », pointe Thomas Delquié. Enfin, l'équipe a pris conscience des enjeux croissants autour de la sobriété numérique, qui convergent avec la stratégie et les engagements de Teréga. « Le passage au cloud a aussi un impact important sur nos émissions de carbone, c'est un autre aspect qui apporte de la valeur à ce que nous faisons », souligne Émilie Bouquier. Actuellement, la DTDP réfléchit sur la manière de mieux communiquer ces gains et de mettre en avant le retour sur investissement à la fois à travers des indicateurs financiers et environnementaux.

Au démarrage de la transformation, les équipes se sont heurtées à quelques écueils. « Nous avons réalisé le premier projet cloud alors que nous n'avions pas encore beaucoup de compétences, et sans réellement comprendre la notion d'agilité », se souvient Jésus Viu, responsable du service infrastructures programmables chez Teréga, qui assume également le rôle de FinOps. « Notre façon de travailler s'apparentait plus à un cycle en V maquillé en agile. » Toutefois, les équipes ont rapidement appris de leurs erreurs et l'organisation a été modifiée pour devenir vraiment agile. Cette prise de conscience a notamment été possible grâce à l'accompagnement mis en place. « Nous avons choisi de faire appel à deux entreprises nées dans le cloud, Gekko et Skale-5, afin de nous aider à construire les premières infrastructures dans AWS », précise Émilie Bouquier.


En prenant le temps de développer les compétences nécessaires, Teréga a pu tirer pleinement parti du cloud public.

Une dimension RH essentielle

Ces partenaires ont également permis à Teréga de comprendre quelles compétences étaient nécessaires pour renforcer les équipes. « Début 2018, nous avons cherché des tech leads DevOps, des profils très rares, presque introuvables sur le marché », indique Émilie Bouquier. Pour pallier la pénurie, l'entreprise a embauché plusieurs développeurs qui n'étaient pas forcément spécialistes du cloud, et elle a décidé de les former. Teréga a aussi identifié des collaborateurs en interne qui avaient le profil adapté pour apprendre DevOps. Avant de devenir responsable des infrastructures programmables, Jésus Viu travaillait par exemple côté opérationnel, avec une culture de l'industrialisation qui s'est révélée précieuse une fois appliquée au cloud. Grâce à ces actions, Teréga a pu recruter et former quatre tech leads, chargés de piloter les équipes durant un projet ou bien de suivre la mise en production et l'exploitation. Afin de répondre à ses besoins à moyen terme, l'entreprise s'est également rapprochée du CESI (Campus d'Enseignement Supérieur et de formation professionnelle de Pau) pour mettre en place des formations en alternance aux métiers du Cloud (DevOps, DataOps...) Le succès de cette démarche a conduit les deux partenaires à s'associer avec d'autres acteurs locaux, afin de lancer en octobre 2020 la Pyrénées Cloud Academy. « Notre but est de créer une vraie dynamique à l'échelle du territoire, car de nombreuses autres entreprises veulent se transformer », explique Émilie Bouquier. Pour celle-ci, il serait en effet dommage de faire une transformation digitale sur d'anciennes technologies, faute de compétences. Plusieurs entreprises se sont déjà positionnées pour accueillir les alternants, à l'image de Teréga qui en accueille actuellement cinq.

Aujourd'hui, la DTDP a atteint un régime de croisière, selon les mots d'Émilie Bouquier. « Après une phase d'acculturation parfois difficile au cours des deux premières années, nous sommes désormais en train d'accélérer. » Disposer d'infrastructures peu coûteuses se révèle un avantage, car cela permet à la DTDP d'accompagner rapidement les métiers, à travers des MVP (Minimum Viable Product). « Il est essentiel de ne pas répondre à côté, en ciblant bien des besoins réels et sans inventer des fonctionnalités inutiles », souligne Jésus Viu. « Nous faisons aussi beaucoup de proof of concept sur des solutions technologiques, pour en montrer les avantages », ajoute la responsable infrastructures et technologies. Teréga s'appuie également sur des solutions low code pour répondre à certains besoins métiers : digitalisation d'un workflow, refonte d'une macro Excel... Une autre approche, qui a également beaucoup de valeur pour livrer rapidement des solutions selon Émilie Bouquier. Deux fois par an, la DTDP organise des Digital Days pour présenter ses méthodes de travail et les diffuser dans toute l'entreprise. « Nous sommes intégrés dans la dynamique business, c'est essentiel pour produire vite et réduire le time-to-market » pointe Jésus Viu. « Si les métiers ne sont pas convaincus, la transformation est infaisable. Notre tâche est de garder ce lien toujours actif, la communication est un travail permanent. »

De nouveaux services intelligents

« Avec cette transformation, l'IT est devenue un vrai levier pour améliorer la performance globale de l'entreprise », constate Thomas Delquié. Désormais, ce sont les métiers qui sont moteurs sur les projets. Et ceux-ci ne manquent pas. Il reste ainsi de nombreux processus métiers à transformer, comme la refonte des mécanismes commerciaux, une application qui date d'une vingtaine d'années. La DTDP prévoit également de développer de nouveaux services créateurs de valeur, autour de technologies phares de l'industrie 4.0, comme le machine learning ou l'Internet des objets. « Auparavant, ces approches n'étaient pas possibles, car les données n'étaient pas disponibles », souligne Thomas Delquié. Elle collabore également avec les métiers pour préparer l'arrivée de nouveaux gaz, notamment l'hydrogène. Autre exemple avec le projet Impulse 2025 de système multiénergie intelligent, mené par Teréga en collaboration avec l'EPFL (École Polytechnique Fédérale de Lausanne) et l'UPPA (Université de Pau et des Pays de l'Adour). Grâce au Cloud, la DTDP a pu développer un MVP simulant une plateforme multiénergie, une approche plus concrète que de simples slides. « Le support digital permet de tester des hypothèses industrielles, de maturer les concepts et d'identifier certaines problématiques comme la contractualisation dans un contexte multi-industriel », observe Emilie Bouquier.

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