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Sanofi mise sur l'IA de la recherche jusqu'au patient

Le centre mondial d'innovation de Sanofi, à Barcelone. (Photo DR)

Le laboratoire pharmaceutique français Sanofi a déployé l'IA pour prendre des décisions plus rapides et efficaces, réduire le taux d'erreur et accélérer le développement de solutions thérapeutiques. Il s'appuie sur son centre mondial d'innovation à Barcelone, et puise son inspiration jusqu'en F1.

PublicitéL'industrie pharmaceutique est en pleine transformation, non seulement pour accélérer la recherche et la production de médicaments, mais aussi pour améliorer la prise en charge globale des patients. La combinaison d'IA, de biotechnologies et de robotique est essentielle à la réussite de ce type de stratégie. Pour cette raison, Sanofi allie depuis des années science et technologie afin de développer des traitements et des vaccins plus efficaces et accessibles.

Depuis peu, le laboratoire pharmaceutique français se concentre en particulier sur l'application de l'IA à grande échelle dans son secteur. Selon Lara Carreter, directrice de la transformation du groupe en Espagne, l'entreprise connaît une transformation scientifique, technologique et culturelle, et pas uniquement numérique. « L'IA est intégrée à l'ensemble de la chaîne de valeur de l'entreprise, depuis l'identification de nouvelles molécules jusqu'à la livraison ponctuelle de médicaments là où ils sont nécessaires, en passant par notre façon de travailler, poursuit-elle. Cette transformation est portée par une ambition claire : devenir la première entreprise biopharmaceutique à adopter l'IA à grande échelle, avec un impact direct et tangible pour les patients. »

À tous les niveaux de l'organisation

La transformation numérique de Sanofi est un processus continu, né de la nécessité d'adapter ses méthodes de recherche pour développer, produire et proposer des solutions thérapeutiques dans un monde de plus en plus connecté, agile et centré sur les données. Son accélérateur numérique a été conçu dès 2022 pour accélérer l'utilisation de technologies de rupture comme l'IA à tous les niveaux de l'organisation, depuis la R&D jusqu'aux processus métier. Si l'objectif final de mieux connecter la science, la technologie et les compétences en vue d'améliorer la vie des patients a toujours été clair, le processus lui, n'est pas toujours simple.

« Les défis les plus importants sont davantage liés aux personnes qu'aux techniques, explique Alex Pérez, responsable de la communication chez Sanofi Espagne. Il faut passer du travail en silos à la réflexion en réseau, et de processus linéaires à des modèles itératifs. Mais en ce qui concerne la culture, nous préférons être proactifs que d'attendre qu'elle évolue d'elle-même. Nous créons des environnements dans lesquels aller vite et faire des erreurs fait partie intégrante du processus d'innovation, où la science croise l'IA, et où la hiérarchie cède la place à des méthodes de travail ouvertes, horizontales et connectées. Après tout, la technologie à elle seule ne transforme rien, c'est la façon dont les gens l'utilisent qui transforme, et ce changement culturel est un levier clé ».

Un socle technologique solide

PublicitéLa stratégie technologique de Sanofi repose sur trois piliers fondamentaux. Une infrastructure numérique mondiale, sécurisée et évolutive, pour commencer, permet à l'entreprise d'opérer en temps réel dans plus de 100 pays. Ensuite, l'intégration de l'IA tout au long de la chaîne de valeur, de la recherche fondamentale à la production et à la distribution. Enfin, l'adoption d'un cadre éthique propre appelé Raise (responsible AI at Sanofi for everyone), qui garantit que chaque modèle utilisé est traçable, explicable et conforme aux réglementations les plus exigeantes. La responsable de la stratégie globale data et IA du groupe, Yasmine Zaimi a détaillé cette démarche à l'occasion du salon Vivatech en juin 2024 à Paris.

« Avec ces trois piliers, nous avançons rapidement et de manière responsable dans la transformation numérique du secteur de la santé », estime Lara Carreter. « Nous utilisons l'IA générative pour concevoir de nouvelles molécules, prédire des réponses immunitaires complexes et simuler le comportement d'un médicament selon différents profils de patients », précise Alex Pérez. Une stratégie genAI transverse et globale de Sanofi que Kaoutar Sghiouer, global head of data and AI du groupe (CDAIO) a détaillé à l'occasion du salon Vivatech, à Paris en juin 2025. Comme Lara Carreter, elle a précisé que l'IA avait le potentiel de réduire de moitié le délai entre la découverte et la livraison d'un nouveau médicament aux patients, et d'améliorer jusqu'à 30 % le taux de réussite durant les premiers stades de développement. « Pour les patients, cela se traduit par des traitements plus rapides et personnalisés, avec de meilleurs résultats », poursuit la directrice de la transformation.

Une démarche inspirée des courses de F1

L'un des projets les plus transformateurs selon Sanofi, combine l'IA et les modèles prédictifs au service de sa supply chain et de son processus de fabrication. « Nous avons mis en oeuvre des jumeaux numériques et des algorithmes de machine learning pour anticiper 80 % des perturbations logistiques et prédire 65 % de leurs causes », explique Alex Pérez. L'entreprise réagit ainsi plus rapidement, garantit la disponibilité de ses médicaments et optimise chaque étape du processus. « Nous avons également poussé cette vision plus loin avec une collaboration étonnante et pionnière avec l'équipe McLaren de F1, ajoute-t-il. Nous avons appliqué leur approche précise et agile de la course à nos environnements industriels. Nous avons travaillé avec leurs ingénieurs pour optimiser les temps de changement sur les lignes de production, améliorer l'efficacité de nos usines et adopter un état d'esprit basé sur l'itération rapide et l'analyse en temps réel. Cela a non seulement amélioré les indicateurs clés, mais a également conduit à un changement culturel tangible : des équipes plus autonomes, des processus plus intelligents et une usine qui apprend et s'adapte rapidement. »

Pour réussir l'intégration de ses projets d'IA, Sanofi s'est appuyé sur sa migration vers Google Cloud, la modernisation de l'infrastructure permettant des analyses avancées et le déploiement de solutions d'IA à grande échelle. Le laboratoire français a également développé son application d'IA interne appelée plai, destinée à fournir des analyses en temps réel et des scénarios hypothétiques basés sur des modèles prédictifs permettant aux équipes internes de mieux se préparer, avec la startup allemande Aily Labs, créatrice d'une app d'aide à la décision basée sur l'IA. D'autres collaborations avec des entreprises telles qu'Exscientia, BioMap et IGM Biosciences lui donnent accès à des IA plus spécialisées respectivement pour la conception de molécules, de produits biothérapeutiques et de thérapies innovantes.

Une réglementation exigeante, mais adaptée

Depuis 2016, l'Espagne est devenue le fer de lance de l'innovation et de la transformation internationales de Sanofi grâce à son Centre mondial d'innovation. « Cette année, nous avons franchi une nouvelle étape avec la création de notre pôle mondial, qui va créer plus de 300 emplois hautement qualifiés », précise Alex Pérez. Sanofi y travaille sur des projets stratégiques qui appliquent l'IA à l'ensemble de la chaîne de valeur, en se concentrant sur des domaines tels que la génération de données probantes issues du monde réel (RWE, real world evidence), l'analyse clinique et la programmation statistique, le soutien scientifique et à la R&D, et le développement de modèles prédictifs pour la logistique et la chaîne d'approvisionnement.

Le 1er août a par ailleurs marqué le premier anniversaire de l'entrée en vigueur de l'AI Act européen, une étape nécessaire pour Alex Pérez, qui apporte une sécurité juridique et renforce la confiance dans les secteurs où la traçabilité, la transparence et la qualité des données sont fondamentales. Cependant, le rythme rapide de l'innovation dans le secteur de la santé nécessite des cadres réglementaires capables de soutenir ces progrès. « Les futures lignes directrices de l'Agence européenne des médicaments (EMA), ainsi que des initiatives telles que des environnements de test réglementés, peuvent faciliter la validation de solutions innovantes basées sur l'IA dans des conditions contrôlées et sûres, selon lui. Et, surtout, une étroite collaboration entre les institutions, le secteur privé et les associations de patients sera essentielle pour que l'Europe domine la transformation numérique des soins de santé avec responsabilité et ambition. »

Reste que le défi le plus urgent est de garantir l'interopérabilité et l'accessibilité sécurisée des données cliniques. « Sans cela, insiste Lara Carreter, ni l'IA ni la médecine personnalisée ne progresseront. Il est essentiel d'investir régulièrement dans les infrastructures numériques, de former les professionnels et de disposer d'une réglementation flexible pour accélérer le rythme de l'innovation ».