Stratégie

Grand Théma DSI 2026 : les DSI face à des budgets de plus en plus déséquilibrés

Grand Théma DSI 2026 : les DSI face à des budgets de plus en plus déséquilibrés
De gauche à droite et de haut en bas, David Quantin, directeur général adjoint numérique et innovation de Matmut, Pascale Montrocher, vice-présidente du Cigref, et Julien Largillière, CTO groupe de Veolia.

Dépendance de la DSI à quelques fournisseurs et hausse des tarifs de ces mêmes fournisseurs s'enracinent au sommet des préoccupations des DSI pour 2026. Un constat logique : aux questions géopolitiques se greffe l'inflation à deux chiffres du cloud et du logiciel, qui déséquilibre les budgets IT.

Publicité« La principale préoccupation des DSI, c'est la construction budgétaire, qui est de plus en plus tendue ». D'emblée, Pascale Montrocher, la vice-présidente du Cigref et par ailleurs DSI de SFR donne le ton. Selon elle, le sujet budgétaire occupe aujourd'hui une place centrale dans l'esprit de ses pairs. « La structure de coûts d'une DSI a complètement changé avec les augmentations tarifaires, des éditeurs notamment. La dépense logicielle se fait aux dépens de l'investissement humain sur les nouveaux projets », confirme David Quantin, directeur général adjoint numérique et innovation de Matmut, qui indique qu'environ 50% de son budget est orienté vers des solutions américaines, tandis qu'environ 20% est fléché vers la French Tech.

Regardez notre émission « DSI 2026 : les DSI face à des budgets de plus en plus déséquilibrés »

« L'un des enjeux d'une DSI est d'articuler le temps court et le temps long », reprend Pascale Montrocher, qui évalue l'augmentation des dépenses à un peu plus de 10% par an en moyenne. Selon elle, la conséquence est mécanique : « moins de budgets pour la transformation, l'innovation et la gestion de la dette technique ».

Limiter l'adhérence à telle ou telle technologie

Or, comme l'indiquent tant la vice-présidente du Cigref que le DGA de Matmut, hausses incontrôlées des coûts et dépendance à une petite poignée de fournisseurs sont en réalité les deux faces d'une même pièce. Une problématique que tente également de maîtriser le troisième invité de notre émission Grand Théma, Julien Largillière, CTO de Veolia, groupe qui a amorcé un virage massif vers le cloud public il y a de cela quinze ans déjà. « Nous sommes multicloud avec des convictions orientées best-of-breed sur les différents services. Répartir les usages chez différents acteurs nous permet d'avoir des leviers de négociation. Même si les discussions sont parfois animées », souligne le CTO, qui indique vouloir limiter l'adhérence aux différentes plateformes de cloud pour garder un degré de liberté - donc une marge de négociation - avec les hyperscalers. « Dans la mesure du possible, nous recherchons des architectures composables, comportant nombre de briques Open Source », ajoute-il.


« Depuis cette année, la dépendance de nos SI à quelques technologies est devenue un sujet de préoccupation du Comex », dit David Quantin, DGA numérique et innovation de Matmut.

Pour la multinationale, le sujet de la dépendance technologique est devenu une priorité, alors que 87% de ses dépenses IT vont à des acteurs américains. « Ces questions de souveraineté et de reprise en main de nos ressources se posent », dit Julien Largillière. Rappelons que le Cigref et Numeum, en s'appuyant sur une étude du cabinet Asteres, évaluent à 83% la part moyenne des achats numériques des entreprises européennes se dirigeant vers des acteurs américains. Soit 264 Md€ de dépense annuelle, ce qui représente près des deux tiers des achats annuels du continent en gaz et pétrole, comme le souligne Pascale Montrocher. Notons d'ailleurs que la dépendance est réciproque puisque 30% du chiffre d'affaires de la tech américaine provient de l'UE. « Depuis cette année, la dépendance de nos SI à quelques technologies est devenue un sujet de préoccupation du Comex », dit David Quantin. Selon le DGA numérique de Matmut, l'arrivée du règlement Dora, qui impose la prise en compte du sujet de la résilience des systèmes d'information, a servi de première impulsion à cette prise de conscience. « La seconde est venue des augmentations de tarifs, de Broadcom/VMware évidemment, mais aussi des autres éditeurs de logiciels américains, qui passent en 2025 des augmentations à deux chiffres, voire à trois ! », reprend David Quantin.

PublicitéRegardez notre émission « DSI 2026 : les DSI face à des budgets de plus en plus déséquilibrés »

Construire une vision à 5 ans et planifier les migrations

Pour le dirigeant, les DSI ont toutefois plusieurs leviers à disposition pour tenter d'enrayer ce cercle vicieux, où une dépendance croissante à quelques technologies vient enclencher une spirale budgétaire incontrôlable : « un des axes consiste à savoir acheter autrement là où c'est possible. Une autre pratique passe par des engagements sur le temps long, pour atténuer les chocs et avoir une prévisibilité des coûts. Un autre levier réside dans la maîtrise technologique : quoi qu'on achète, savoir l'installer et l'administrer nous-mêmes. » Par exemple, Matmut a choisi d'acheter des GPU de Nvidia pour les intégrer dans ses datacenters afin de savoir les administrer et y faire tourner des algorithmes. Tout en utilisant les capacités d'un cloud de confiance ou du cloud public pour le passage à l'échelle. « Enfin, il faut savoir travailler en avance de phase pour construire une vision à 5 ans et identifier les plaques technologiques qu'il faudra bouger sur cette plage de temps ; et il y en a ! La sortie de certaines solutions doit se planifier », reprend David Quantin.


« Il est important que la DSI conserve la maîtrise de l'ensemble [des initiatives IA] et la gouvernance, en particulier sur le sujet de data », souligne Pascale Montrocher, vice-présidente du Cigref.

Pour sortir de la nasse, il n'existe « aucune martingale », estime de son côté Pascale Montrocher, qui conseille d'appliquer « avec discipline » un certain nombre de bonnes pratiques : audit des droits acquis par l'entreprise, gestion globale du FinOps pour les dépenses cloud ou encore recours à l'open source.

Data et IA : vers une décentralisation de la tech ?

Cette discipline sur les coûts récurrents est d'autant plus essentielle que les DSI doivent trouver des marges de manoeuvre pour financer - et sur long terme ! - les stratégies IA de leur organisation. Chez Veolia, plus de 80 000 personnes utilisent ainsi déjà la plateforme de GenAI interne. La multinationale a aussi déjà formé en présentiel quelque 15 000 personnes, un dispositif auquel s'ajoutent des parcours en e-learning.


« La DSI n'est plus le gardien du temple de la technologie, elle est passée dans un rôle de fournisseur de plateformes clefs en main », décrit Julien Largillière, CTO de Veolia.

Un mouvement de démocratisation de la technologie qui s'accompagne d'une certaine décentralisation des initiatives, les métiers renforçant peu à peu leur autonomie sur ces sujets. « Dans l'IA, nombre d'expérimentations sont aujourd'hui à la main des métiers. Et c'est normal : ce sont eux qui connaissent leurs processus. En revanche, l'optimum global pour une entreprise n'est jamais la somme des optima locaux. Donc il est important que la DSI conserve la maîtrise de l'ensemble et la gouvernance, en particulier sur le sujet de data », prévient toutefois Pascale Montrocher.

« Ma conviction, c'est que les métiers vont manipuler de l'algorithmie et écrire du code mais dans un cadre qui va rester plus que jamais de la responsabilité d'une DSI ou d'une direction du numérique. Je ne suis pas convaincu pour l'heure d'une réelle décentralisation de type citizen dev ou business dev », abonde David Quantin. « La DSI n'est plus le gardien du temple de la technologie, elle est passée dans un rôle de fournisseur de plateformes clefs en main et sécurisées, et se reconfigure selon une organisation produit », résume Julien Largillière.

Regardez notre émission « DSI 2026 : les DSI face à des budgets de plus en plus déséquilibrés »

Partager cet article

Commentaire

Avatar
Envoyer
Ecrire un commentaire...

INFORMATION

Vous devez être connecté à votre compte CIO pour poster un commentaire.

Cliquez ici pour vous connecter
Pas encore inscrit ? s'inscrire

    Publicité

    Abonnez-vous à la newsletter CIO

    Recevez notre newsletter tous les lundis et jeudis