Les impacts RSE de l'IA au coeur des préoccupations de la DSI de la Macif
La DSI de la Macif est impliquée au quotidien dans les démarches liées au manifeste sur l'IA éthique de la mutuelle et sa chaire sur la transformation du travail par l'IA. Fabrice Leyglene, directeur du digital et des SI décrit la façon dont l'impact RSE de l'IA et la transformation du travail qu'elle induit relève aussi de la responsabilité de l'IT.
PublicitéFin novembre 2025, la Macif a présenté sa chaire « IA, pour un futur désirable du travail », qui sera lancée en janvier 2026 avec Inria et l'association Matrice. Une initiative qui suit un premier travail de près de deux ans sur toutes les questions RSE posées par le déploiement de l'IA dans la structure, et la publication début 2025, à partir de ce travail, d'un manifeste « pour l'utilisation éthique de l'IA » et d'une gouvernance idoine. Comme le président de la Macif, son DG, son DAF, le DSI et directeur digital de la mutuelle, Fabrice Leyglene, directeur du digital et des SI de la Macif, est partie prenante des travaux de recherche et de prospective qui seront menés dans ce cadre. À l'occasion de la présentation de la chaire, il a raconté à CIO la façon dont la DSI a progressivement investi ces enjeux autres que techniques.
« L'IA, je le confirme, n'est pas un sujet purement technique, mais... c'est aussi un sujet technique ! », tempère néanmoins le DSO pour commencer. Autrement dit, il ne serait pas sage de tenter d'isoler les deux faces de cette même pièce qu'est l'IA. Une fois ce postulat posé, le DSI rappelle qu'en ce qui concerne les impacts RSE de la stratégie IA, tout a commencé avec une première initiative non exclusivement technique, peu après l'arrivée de ChatGPT. La Macif a créé un groupe de travail IA (GTIA) qui réunit un petit groupe d'experts multidisciplinaires internes, que Fabrice Leyglene copilote avec Yann Arnaud, directeur de la réponse aux besoins sociétaires et de l'innovation, autrement dit son homologie du côté des stratégies métier autour du digital. « Ce groupe de travail s'appuie sur des commissions mixtes entre monde technique et monde politique au sein de la Macif, avec notamment une commission mixte de gouvernance du numérique depuis quatre ou cinq ans », poursuit le DSI. Des élus et des patrons techniques du numérique dont Yann Arnaud et Fabrice Leyglene y travaillent à l'acculturation de l'ensemble des élus à tous les sujets numériques, dont l'intelligence artificielle, et ont été progressivement rejoints par des experts juridiques, de la conformité, de la sécurité ou encore le DRH et la DPO. « C'est cette commission mixte de gouvernance du numérique qui est la cheville ouvrière du manifeste », résume-t-il.
Généraliser la mesure de la perception de l'IA
« Nous sommes dans un processus d'open innovation et nous allons tester la technologie, la pertinence pour le métier, poursuit le DSI. Mais nous allons aussi mesurer, notamment avec Matrice, l'impact social, l'impact sociétal et l'impact environnemental ». Une démarche qui a déjà été appliquée aux trois projets d'IA qui occuperont la chaire de recherche de la Macif en 2026 et qui viennent de passer en CSE. Ainsi, lors du choix de l'assistant IA destiné aux les développeurs informatiques, après un POC technologique, la DSI a organisé des ateliers avec Matrice (centre d'innovation technologique, d'imaginaires et de prospective) pour mesurer la perception, les attentes, les craintes à la fois des équipes qui ont participé au pilote et de celles qui n'ont pas participé, y compris les managers. « Et c'est bien cette démarche que nous voulons généraliser, insiste Fabrice Leyglene. Nous l'appliquons par exemple au déploiement de l'assistant aux collaborateurs. Il est important de bien mesurer l'impact pour en être conscient, mais aussi d'être transparent sur cet impact ». Pour ensuite, mettre en place les bonnes mesures d'accompagnement pour déployer. Le premier constat sorti de ces ateliers avec les équipes de développement est une véritable appétence, selon le DSI, voire de l'impatience chez certains. Même si d'autres, moins nombreux, s'interrogent sur ce qu'ils vont devenir avec l'arrivée de l'IA.
Publicité« Nous avons mesuré les gains qu'on pourrait estimer sur le process de développement, depuis la conception et le développement jusqu'aux tests et à la mise en production, explique Fabrice Leyglene. On arrive certes à des gains de productivité, mais qui ne sont pas aussi spectaculaires qu'on pourrait penser ». Pour lui, il s'agit plutôt de simplifier et d'enrichir le travail du développeur, et de lui apporter des outils qui vont l'aider à aller plus vite pour produire ce qu'il a à produire, mais aussi rendre des productions de meilleure qualité, ne serait-ce que parce qu'il va pouvoir les challenger avec l'IA. « Mais on se rend également compte des limites, poursuit le DSI. On ne veut pas, par exemple, que les développeurs s'isolent, ne parlent plus qu'à la machine et ne fassent confiance qu'à elle. Nous voulons qu'ils conservent un regard critique sur ce que propose l'IA et que la décision reste entre leurs mains. Il faut de l'esprit critique pour échanger avec ses pairs, avec son manager, et c'est la même chose avec l'IA. C'est aussi le sens de nos travaux avec Inria au sein de la chaire. »
Exiger la feuille de route RSE des fournisseurs
En ce qui concerne la composante environnementale de la RSE, la Macif a entamé une démarche autour du numérique responsable en 2023 - une des thématiques de son manifeste - et a commencé, comme beaucoup d'organisations, par mesurer l'empreinte carbone de son SI. Le DSI compte aujourd'hui dans ses équipes un référent numérique responsable qui pilote la feuille de route associée sur 2024 - 2026 (mesure de l'empreinte carbone, plans d'action pour la maîtriser, etc.) « Et c'est une démarche que nous appliquons aussi à nos partenaires, insiste le DSI. Parce qu'on peut construire un manifeste IA, mais s'il ne s'applique qu'à ce que nous faisons en propre à la Macif, sur nos sites, on a tout perdu ». La mutuelle tient ainsi compte de ses critères dans ses appels d'offres, mais elle contraint aussi ses fournisseurs actuels comme Pegasystems, Guidewire, Genesys, à partager leur feuille de route en la matière : quelles IA utilisent-ils dans leur technologie et de quelle façon, comment manipulent-ils les données de la Macif avec l'IA et où ces dernières sont-elles stockées.
Historiquement, la mutuelle travaille beaucoup avec les systèmes Google dont entre autres GCP et Big Query. Elle s'appuie donc aussi sur Google pour explorer l'IA, même si elle commence à collaborer avec Mistral. « Nous travaillons aussi beaucoup avec Google pour nous acculturer, nous éduquer entre guillemets, autour de l'IA ou de la data, par exemple, complète le DSI. Sur le langage naturel, nous travaillons avec le Français Illuin technology ». En revanche, en matière d'empreinte environnementale, Google ne rend que rarement ses données publiques. « Mais ils seront poussés à le faire, estime Fabrice Leyglene, car l'enjeu de l'empreinte carbone devient majeur. Mais comme pour nous, c'est un véritable partenaire autant qu'un fournisseur, nous arrivons à obtenir certaines informations sur le sujet et même à faire bouger Google quand elles ne correspondent pas [à nos exigences]. »
Mesurer l'empreinte de l'IA sans les informations sur les LLM
L'empreinte environnementale de l'IA, au même titre que l'impact sociétal et l'impact social, est présente dans les trois dossiers projet présentés par la Macif à son CSE pour 2026, dans le cadre des travaux de la chaire. Les données sur les algorithmes en général, les LLM en particulier, étant très rarement disponibles, la mutuelle exploite des données globales publiques et la solution open source Ecologist pour les modéliser à partir du nombre de requêtes ou de la fréquence d'utilisation par exemple. « Cela s'appuie évidemment sur des hypothèses, nuance le DSI, mais cela permet de mesurer l'empreinte de ce que nous allons développer, et d'inscrire cette empreinte dans notre approche globale du numérique responsable. Et donc de maîtriser cette empreinte globale, voire de la compenser si besoin avec des actions sur le cycle de vie ou l'écoconception des applications, par exemple. »
Article rédigé par
Emmanuelle Delsol, Journaliste
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