Michelin tourne le dos à VMware pour une plateforme Kubernetes 100% Open Source

L'industriel de Clermont-Ferrand a choisi de reconstruire sa plateforme cloud native, à base de conteneurs, sur des composants Open Source à sa main. En ligne avec sa volonté de bâtir une DSI dotée de solides compétences en ingénierie logicielle.
PublicitéMichelin a commencé à investir dans la technologie Kubernetes dès 2018, pour héberger des applications nativement cloud. Si, au départ, l'industriel mise sur une technologie Open Source, plutôt que sur les services managés de son fournisseur de cloud public (Azure), il décide en 2021 de migrer vers la solution de VMware, Tanzu, notamment en raison de la croissance du nombre d'applications tournant sur les clusters et de leur diffusion sur de nombreux environnements, y compris au sein des usines du groupe.
Mais, « les promesses de la plateforme en matière de gestion à grande échelle ont rapidement été contrecarrées par la différence de philosophie entre les outils de Tanzu et les attentes de Michelin », écrit Gabriel Quenesson, le responsable technique de l'offre conteneur as-a-service au sein du groupe de Clermont-Ferrand, dans un billet de blog. Sans oublier une certaine « frustration » des ingénieurs en interne, confinés dans « un rôle passif d'ouverture de tickets et d'interaction avec l'équipe support [de l'éditeur], alors qu'ils pouvaient identifier le problème et, la plupart du temps, savaient comment le résoudre ».
Migration imposée par l'éditeur
Plusieurs éléments se rejoignent alors pour pousser Michelin à réinternaliser sa plateforme. A commencer par la prise de conscience que des technologies Open Source - en particulier, Cluster-API et ArgoCD - rendent envisageables la gestion d'une flotte de clusters Kubernetes. Gabriel Quenesson souligne même « qu'en utilisant des logiciels libres et un peu de savoir-faire, il s'est avéré possible de déplacer les applications en production vers la plateforme libre, sans interruption de service même dans le cas d'une reconstruction complète de la plateforme. C'est quelque chose que même VMware ne pouvait pas proposer, car son propre produit devait connaître des changements radicaux qui nous auraient obligé à une interruption et à une migration dans un avenir proche », écrit le responsable.
En toile de fond, figurent évidemment les changements de licensing et de politique en matière de produits que connaît alors VMware, passé sous la bannière de Broadcom pour 61 Md$ en novembre 2023. « Le produit que nous utilisions n'allait plus être disponible, raconte Arnaud Pons, architecte pour la plateforme CaaS de Michelin, dans une vidéo tournée lors de l'événement Kubecon Europe 2025, qui s'est tenu à Londres, début avril. Ce qui allait nous obliger à une migration de clusters, car le fournisseur ne nous offrait pas de chemin de migration d'un produit à un autre. »
Des coûts réduits de 44%, même après embauche
Par ailleurs, Michelin estime alors l'équation économique favorable à un retour à une solution Open Source, une fraction des coûts de souscription à Tanzu suffisant à couvrir le coût des ingénieurs qui, en interne, font tourner une plateforme aux fonctionnalités similaires. Et cette équation s'est vérifiée avec le temps, puisque, dans un document publié le 12 juin par la Cloud native computing foundation (CNCF), que Michelin a rejointe en avril, l'industriel assure que les coûts de sa plateforme Kubernetes ont été réduits de 44% depuis son retour à une solution Open Source à sa main, en incluant les coûts des ingénieurs embauchés pour construire et maintenir ladite technologie. Enfin, la décision de l'industriel tient aussi à sa volonté de construire une DSI tournée vers l'ingénierie, ce que Gabriel Quenesson appelle « une mentalité de faiseur ».
PublicitéLa plateforme MKS (Michelin Kubernetes Services), construite à base de composants Open Source, a commencé à recevoir ses premières applications en juin 2024, Michelin devant faire face à une fin de contrat VMware à la fin de juillet de la même année. « Bien que la procédure ait été entièrement automatisée et qu'elle se soit avérée sans impact, nous avons décidé d'effectuer ces migrations cluster par cluster », indique Gabriel Quenesson. Une précaution prise pour gérer les éventuels incidents. Mais une précaution finalement inutile, selon le responsable, les migrations étant achevées en juillet avant l'échéance fixée par l'éditeur.
450 applications hébergées, sur 42 sites
L'équipe de Michelin a ensuite consacré la seconde partie de 2024 à mettre la plateforme à jour pour rejoindre les versions supportées par la communauté. Un point sur lequel le passage à l'Open Source a amené des progrès, selon Arnaud Pons : « intégrer les solutions du fournisseur à notre écosystème pouvait nous demander des mois, c'est maintenant une question de semaines pour effectuer le même travail » au sein de la nouvelle plateforme.
Cette discipline dans les montées de versions s'avère indispensable pour une plateforme qui héberge environ 450 applications au sein de 62 clusters répartis sur 42 sites, du fait des déploiements en usines. Si, technologiquement, l'équipe en charge de la plateforme - constituée de 11 ingénieurs - dit ne pas avoir rencontré d'obstacle majeur, elle reconnaît être désormais en première ligne et seule en cas d'incident : « nous devons accepter d'être responsable de ce que nous délivrons au quotidien », dit Gabriel Quenesson. C'est un des facteurs qui ont poussé l'industriel, employant plus de 130 000 personnes, à rejoindre la CNCF, qui héberge des projets Open Source comme Kubernetes, mais également Argo, Crossplane, KubeFlow ou encore Prometheus (au total, la fondation en compte 210).
Article rédigé par

Reynald Fléchaux, Rédacteur en chef CIO
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