Stratégie

Maersk transforme sa chaîne d'approvisionnement avec l'edge computing

Maersk transforme sa chaîne d'approvisionnement avec l'edge computing
Gavin Laybourne, DSI monde de l'activité APM Terminals de Maersk : « Jusque-là, notre culture d’entreprise a été celle de configurateurs. Désormais, nous avons basculé dans une culture de bâtisseurs. »

A travers son activité d'opérateur portuaire APM Terminals, le géant du transport maritime Maersk développe le port du futur en s'appuyant sur la 5G privée, des appareils IoT renforcés par l'IA et un solide socle d'edge computing.

PublicitéCette année, les entreprises de tous les secteurs ont été affectées par des perturbations de la chaîne d'approvisionnement. Pour faciliter le volet des transports, le géant danois du transport maritime Maersk a engagé une transformation qui illustre parfaitement la puissance de l'edge computing. Pour accélérer et renforcer la chaîne d'approvisionnement mondiale, Gavin Laybourne, le DSI mondial de l'activité APM Terminals de Maersk, adopte des technologies de pointe. Il collabore avec des géants de la technologie pour mettre en oeuvre une informatique edge, des réseaux 5G privés et des milliers de dispositifs IoT dans ses terminaux et améliorer ainsi l'efficacité, la qualité et la visibilité des porte-conteneurs que Maersk utilise pour transporter des marchandises sur les océans. Basé à La Haye, aux Pays-Bas, Gavin Laybourne supervise 67 terminaux qui traitent collectivement les quelque 15 millions de conteneurs expédiés depuis des milliers de ports. Le DSI a rejoint Maersk il y a trois ans, après avoir travaillé dans l'industrie pétrolière et gazière. Depuis, il supervise les clouds publics et privés, applique l'analyse des données à tous les processus et prépare ce qu'il appelle la prochaine génération de « smartports », des ports intelligents s'appuyant sur l'informatique edge afin de fournir un traitement en temps réel. « L'Edge fournit les ressources pour le calcul en temps réel, qui entrent en jeu dans la vision par ordinateur et l'exécution en temps réel d'algorithmes pour la prise de décision », explique Gavin Laybourne. « Et l'on peut renvoyer les données vers le cloud avec un délai de traitement de 5 à 10 millisecondes », ajoute le DSI. « Cette puissance de calcul à la périphérie permet d'analyser les données en temps quasi réel, une nécessité dans la chaîne d'approvisionnement, ce qui ne serait pas possible avec le cloud seul », poursuit-il. Gavin Laybourne a travaillé en étroite collaboration avec Microsoft pour faire évoluer l'infrastructure périphérique. Cet environnement va devenir essentiel dans de nombreux secteurs, comme l'industrie manufacturière, qui a besoin d'accéder rapidement aux données. Chez Maersk, Gavin Laybourne déplace les données pendant que d'autres déplacent les conteneurs.

Digitaliser le port du futur

Le passage de Maersk à l'edge fait suite à une importante migration vers le cloud réalisée il y a quelques années à peine. La plupart des entreprises qui passent au cloud devraient s'arrêter là, mais Gavin Laybourne pense que de nombreux conglomérats industriels et fabricants vont suivre l'exemple de Maersk en adoptant l'edge computing. « Il y a deux ou trois ans, nous avons tout déplacé dans le cloud, mais ce que nous faisons maintenant est différent », indique le DSI. « Pour moi, le cloud, n'est pas l'étoile Polaire. Nous devons être à la périphérie. Nous avons besoin de jeux d'instructions en temps réel pour les machines, en particulier pour les équipements qui manipulent les conteneurs dans les terminaux portuaires adaptés à ces derniers, puis nous utiliserons les technologies du cloud quand les données n'exigent pas de traitement immédiat ». L'équipe IT de Gavin Laybourne travaille avec Microsoft pour déplacer les données du cloud vers la périphérie, là où les conteneurs sont retirés des navires par des grues automatisées et transférés vers des emplacements prédéfinis dans le port. À ce jour, le DSI et son équipe ont migré environ 40 % des données cloud d'APM Terminals vers l'edge, l'objectif étant d'atteindre 80 % d'ici à la fin 2023 dans tous les terminaux exploités. Selon Gavin Laybourne, cette initiative permet à Maersk de capitaliser sur un changement radical de sa future supply chain mondiale, en l'alimentant par une meilleure analyse des données et une meilleure connectivité via les réseaux privés 5G/6G. Celle-ci profitera aussi de la connectivité par satellite et de normes industrielles permettant l'interopérabilité entre les ports. À ce jour, Maersk contrôle environ 19 % de la capacité globale sur son marché. Grâce à l'infrastructure edge, Maersk peut faire examiner le contenu des conteneurs par une myriade de capteurs IoT dès leur arrivée dans les terminaux. Les tags RFID peuvent également être vérifiés rapidement et saisis dans le manifeste avant que les conteneurs soient déplacés par des robots vers leurs emplacements temporaires. « Dans certains terminaux, ces opérations sont encore effectuées par des personnes, la cargaison étant enregistrée sur papier et les données n'étant pas accessibles dans le cloud avant plusieurs heures, voire plus », précise le DSI.

PublicitéLa cybersécurité est bien entendu un autre impératif majeur pour Maersk, tout comme l'interopérabilité des données. Gavin Laybourne représente l'entreprise au sein du comité de la Digital Container Shipping Association, qui crée des normes d'interopérabilité. « Nos clients ne veulent pas avoir affaire au papier, ils veulent une expérience digitale », affirme le DSI. Le travail de digitalisation est en bonne voie. Pour informer ses clients sur les marchandises, Maersk utilise des outils numériques en temps réel, notamment des notifications de suivi, de traçabilité et d'état des conteneurs, des API et des alertes de terminal. « Les grues automatisées et la robotique ont permis de supprimer la plupart des tâches dangereuses et manuelles effectuées par le passé, et ont amélioré les efforts de durabilité et de décarbonation de l'entreprise », pointe Gavin Laybourne. « Cela fait de nombreuses années que l'automatisation robotisée est en place dans le secteur », explique-t-il, ajoutant que la pandémie a fait évoluer les mentalités en faveur de la formation des employés et de l'amélioration de l'efficacité de la chaîne d'approvisionnement. « Nous utilisons beaucoup d'équipements automatisés, comme des grues et des postes d'amarrage, mais nous devons aussi faire en sorte de les rendre plus autonomes. Après la pandémie, les clients ont commencé à reconfigurer leurs chaînes d'approvisionnement », précise-t-il, ajoutant que la robotique autonome de nouvelle génération est un objectif clé. « Au regard de la crise énergétique, de la situation en Ukraine, de l'inflation, et de bien d'autres choses encore, les entreprises ont une nouvelle approche de la continuité des activités et cherchent à inscrire durablement leur conformité dans le temps ».

De grands fournisseurs, comme Microsoft et Amazon explorent les cas d'usage de l'edge dans tous les secteurs, et pas seulement pour le transport et la logistique. Selon IDC, en 2023, plus de 50 % des nouvelles infrastructures IT seront déployées à la périphérie. Gartner qualifie les implémentations comme celle de Maersk de modèle « cloud-out edge ». « L'objectif n'est pas tant de passer du cloud à la périphérie que de rapprocher les capacités du cloud des utilisateurs finaux », explique Sid Nag, vice-président et analyste chez Gartner. « Cela permet également de mettre en place un modèle beaucoup plus omniprésent et distribué ».

Connectivité de nouvelle génération et IA

Outre son partenariat avec Microsoft sur l'edge computing, Maersk collabore également avec Nokia et Verizon pour construire des réseaux 5G privés sur ses terminaux et l'entreprise a récemment présenté ses projets au Verizon Innovation Center de Boston. « Les travaux en cours font partie des premières étapes vers une percée en matière de connectivité et de sécurité », affirme le DSI. « C'est une technologie beaucoup plus ouverte en termes de connectivité, et dans certains de nos terminaux, où nous avons des plates-formes de systèmes critiques, la latence que la 5G peut offrir est fantastique », apprécie Gavin Laybourne. Selon lui, l'edge permettra aussi à la cargaison d'envoyer au port des données toutes les 10 millisecondes, au lieu de plusieurs semaines. « Mais la véritable avancée sur la 5G et la LTE est de pouvoir sécuriser son propre spectre : je suis le propriétaire de ce port, et personne d'autre », ajoute le DSI. Sid Nag de Gartner est lui aussi convaincu que la 5G privée et l'edge offrent des synergies significatives. « La 5G privée peut garantir une connectivité à haut débit et de faibles latences, indispensables dans les secteurs où les cas d'usage impliquent généralement le déploiement de centaines de dispositifs IoT, lesquels nécessitent à leur tour une interconnectivité entre eux », explique l'analyste.

Pour Maersk, l'installation de capteurs et de dispositifs IoT révolutionne également les opérations du terminal. Auparavant, la cargaison dans les conteneurs devait être inspectée et enregistrée sur papier. À l'avenir, selon Gavin Laybourne, le processus sera entièrement automatisé et les données seront rapidement numérisées. Par exemple, son équipe de data scientists a écrit des algorithmes pour les dispositifs de vision par ordinateur installés dans les conteneurs afin d'avoir un oeil électronique permanent sur la cargaison, d'identifier et éventuellement de prévenir les dommages ou les détériorations. L'edge associée à des capteurs IoT intégrant la vision par ordinateur et l'IA donnera également aux clients ce qu'ils attendaient depuis longtemps, en particulier pendant la pandémie : un accès quasi instantané aux données relatives à la cargaison à l'arrivée, ainsi que des réparations ou des corrections automatisées. « Le système peut alors décider si une intervention est nécessaire, comme une maintenance ou une réparation, et cette information est communiquée au client », décrit le DSI, ajoutant que des caméras et des dispositifs de collecte de données seront installés dans tous les terminaux pour surveiller ce qui se passe, que ce soit du vol, de la perte de marchandises ou des situations potentiellement dangereuses.

Maersk a également travaillé avec le pionnier de l'IA Databricks pour développer des algorithmes afin de rendre ses appareils IoT et ses processus automatisés plus intelligents. En interne, les data scientists de l'entreprise ont construit des modèles d'apprentissage machine pour améliorer la sécurité et identifier les cargaisons. Les data scientists iront un jour encore plus loin en créant des modèles avancés pour rendre tous les processus autonomes. « À ce moment-là, nous pourrons atteindre le Saint Graal ! », projette Gavin Laybourne. En d'autres termes : changer la nature de l'entreprise et du secteur. « Jusque-là, notre culture d'entreprise a été celle de configurateurs. Désormais, nous avons basculé dans une culture de bâtisseurs », note le DSI. « Nous développons nous-mêmes une grande partie des logiciels, et nos data scientists créent les algorithmes d'apprentissage machine ». Par exemple, ceux-ci travaillent sur des modèles ML avancés pour gérer les exceptions ou les variations dans les données. Ils travaillent également sur des algorithmes de planification et de prévision avancés qui auront un impact sans précédent en termes d'efficience. « Traditionnellement, ce secteur pense au jour suivant », rappelle le DSI. « Nous voulons nous donner les moyens de penser à la semaine prochaine, ou aux trois semaines suivantes », affirme Gavin Laybourne. « La mission principale ne changera pas. Mais tout le reste changera », ajoute-t-il. « Nous devrons toujours soulever les conteneurs d'un navire pour les mettre ailleurs. Je ne pense pas que les conteneurs flottants autonomes et les convoyeurs sous-marins hyperloop soient pour demain », estime le DSI, observant que l'industrie des conteneurs est loin derrière les autres en termes de transformation numérique, mais que le secteur change à la vitesse de l'éclair. « Le chargement et le déchargement feront toujours partie des opérations. Mais les technologies que nous mettons autour et dedans vont tout changer », affirme-t-il.

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