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La coopérative agricole Land O'Lakes confie la maîtrise de la data aux métiers

La coopérative agricole Land O'Lakes confie la maîtrise de la data aux métiers
Productrice de produits laitiers, d'alimentation animale et d'intrants agricoles, la coopérative Land O'Lakes est friande de data. Et elle a décidé de confier la data en mode produit directement aux métiers. (Photo Land O'Lakes)

Plutôt que d'intégrer des responsables métier dans les équipes data, la coopérative agricole américaine Land O'Lakes a inversé le scénario. Elle place des responsables produits data directement au sein des directions métier.

PublicitéEn informatique, les avantages du modèle produit sur le modèle projet sont désormais bien établis. Cela induit une collaboration plus étroite entre les métiers et la technologie, en orientant des équipes plus autonomes et responsabilisées vers des objectifs business afin d'avoir un impact direct sur les résultats. Pour y arriver, de nombreuses structures choisissent d'intégrer un responsable métier dans chaque équipe produit, chargé de définir les feuilles de route, d'évaluer les résultats des projets et d'adapter les ressources lorsque l'offre ne répond pas à la demande.

Une bonne idée qui ne fonctionne pas toujours.

« Même avec les meilleures intentions, la nature matricielle de cette organisation ne donne pas toujours les résultats escomptés, estime Jeremy Lembeck, directeur data et analytique de la coopérative agricole américaine Land O'Lakes. L'esprit du modèle est sain mais, dans la pratique, l'influence des sponsors métier est souvent diluée ». Jeremy Lembeck travaille depuis 10 ans à la modernisation du potentiel data de la coopérative laitière et fromagère centenaire du Minnesota, également productrice d'alimentation animale et d'intrants agricoles (CA 2024 de 16 Md$ en 2024, soit 14 Md€ ; 9000 employés et 2500 membres).

L'équipe data de Land O'Lakes a donc essayé quelque chose de différent. Plutôt que de désigner des parties prenantes métier pour piloter les équipes data, alors que celles-ci continuent en réalité de rendre compte à la technique, elle a inversé le modèle. Elle a positionné les équipes produit data de manière à ce qu'elles rendent compte directement au business. « Comme tout le monde veut désormais avoir de l'influence sur des sujets très liés à la data, comme l'IA par exemple, poursuit le directeur data et analytique, nous nous sommes demandé si nous obtiendrions de meilleurs résultats en donnant davantage la main aux métiers sur leurs équipes produit data, c'est-à-dire sur l'ingénierie des données, la datascience et le leadership produits ».

S'approprier les data incite à la responsabilité

Jeremy Lembeck l'admet, ce n'est pas une solution miracle. « Mais il y a quelque chose de puissant dans le fait d'installer les unités opérationnelles aux manettes. Car l'appropriation crée la responsabilité ». Lorsque les responsables métier s'approprient le backlog et le reporting, il devient plus difficile pour eux de se dégager des responsabilités associées ou de sous-évaluer les ressources nécessaires pour bâtir des solutions qui pourront passer à l'échelle.

« Bien que les centres de coûts et les employés qui les composent relèvent toujours de l'informatique, la dynamique s'est inversée, raconte Jeremy Lembeck. Alors que l'informatique réclamait sans cesse davantage de ressources pour atteindre les objectifs fixés, c'est au sein des métiers que l'on trouve maintenant les plus grands défenseurs de l'investissement. Et cela se traduit par une plus grande rapidité de mise sur le marché ».

PublicitéUne structure centrée sur des directions opérationnelles

Pour que le modèle fonctionne, Land O'Lakes a intégré un data product owner dans trois de ses entités opérationnelles : WinField United (intrants agricoles), Truterra (conseil en réduction des émissions scope 3) et Animal Nutrition. Ils sont directement rattachés à la direction opérationnelle et travaillent directement avec les responsables métier pour définir des objectifs de création de valeur en lien direct avec les objectifs spécifiques de l'entité.

Chaque product owner s'appuie sur une équipe multidisciplinaire : des ingénieurs data pour construire les pipelines de transformation de données brutes en formats utilisables ; des data scientists pour associer les bons algorithmes au bon cas d'utilisation ; et des analystes BI pour visualiser les résultats - descriptifs ou prédictifs - avec des tableaux de bord et des outils d'aide à la décision. Les équipes utilisent la méthode agile, mais l'accent est davantage mis sur les résultats que sur cela. Enfin, une équipe d'ingénierie de plateforme centralisée qui rend compte à Jeremy Lembeck accompagne toutes ces équipes produit spécifiques à une BU. « Elle sert vraiment de tissu de connexion, explique-t-il. Elle relie les plateformes, crée des dispositifs accélérateurs et veille à l'efficacité de la factory ».

Rompre avec le modèle matriciel

Land O'Lakes a donc pris le parti de déléguer la majorité des rôles liés aux données aux métiers, contrairement à ce qui se passe dans beaucoup d'entreprises. Les détracteurs de cette approche soulèvent souvent deux questions : comment, dans un tel modèle, empêcher le shadow IT et comment s'assurer que les ingénieurs data et les data scientists continuent de progresser dans leur métier ? Pour Jeremy Lembeck, la réponse est simple : « Il y a toujours une possibilité de shadow IT, mais si nous faisons correctement notre travail, c'est-à-dire que nous instaurons la confiance et que nous maintenons le dialogue en permanence, nous pouvons continuer à avoir de l'influence, même dans ce modèle décentralisé. Et comme les décisions relatives à l'architecture et à la technologie sont réparties au sein des équipes métier, ceux qui effectuent le travail s'approprient le « comment » plutôt que d'attendre qu'on leur dicte tout en central. C'est cette appropriation qui fait que la magie opère ».

Le directeur data et analytique de Land O'Lakes attribue à son patron, Teddy Bekele, directeur technique de la coopérative, le mérite de cette approche : « il m'a beaucoup appris sur la puissance d'un travail plus transverse. En discutant avec un nombre suffisant de personnes dans l'entreprise, on prend le pouls de ce qui fonctionne, de ce qui ne fonctionne pas et de ce sur quoi il faut concentrer son énergie ».

Des guildes de data scientists

En ce qui concerne la montée en compétences des experts data, Jeremy Lembeck s'est inspiré de Spotify. Il a créé des guildes d'ingénieurs data et de data scientists qui partagent les meilleures pratiques entre les différentes business units, ce qui contribue à élever le niveau de qualité des projets livrés. « Ils ne se contentent pas de partager ce qui a fonctionné, explique-t-il. Ils partagent aussi ce qui a été douloureux ».

Pour s'assurer que cet état d'esprit produit s'enracine, Jeremy Lembeck et son équipe évitent aussi de s'attarder sur la sémantique. « Nous essayons de ne pas perdre de temps à débattre de la question de savoir si quelqu'un est product owner ou product manager, insiste-t-il. Dans ce contexte, le langage importe moins que les comportements ». L'équipe data et analytique se concentre ainsi plutôt sur les principes fondamentaux : « Est-ce que nous définissons les prochaines étapes de manière proactive ? Est-ce que nous passons bien les produits en revue avec le métier avant de les lancer ? Parlons-nous le même langage ? Mesurons-nous bien les résultats, et pas seulement ce qui est produit ? Les méthodes de travail sont importantes, mais la mentalité "produit" n'a rien à voir avec le jargon. Ce sont l'état d'esprit et les résultats qui comptent ».

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