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Gendarmerie : « La migration de 70 000 postes sous Linux est pour nous un non-évènement »

Gendarmerie : « La migration de 70 000 postes sous Linux est pour nous un non-évènement »

La Gendarmerie Nationale va progressivement migrer ses 70 000 postes de travail sous Linux Ubuntu, au fil des renouvellements de matériel. Mais la gouvernance appliquée depuis des années rend cette migration massive sans conséquence. Ou comment une stratégie cohérente appliquée depuis 2004 rend indépendant un certain nombre de processus techniques... et permet de diminuer les coûts.

PublicitéLe 30 janvier, le colonel Nicolas Géraud, adjoint au sous-directeur des télécommunications et de l'informatique de la Gendarmerie Nationale, a annoncé dans sa présentation au salon Solutions Linux, au CNIT de Paris La Défense, que la totalité du parc des postes de travail de la Gendarmerie Nationale, soit 70 000 postes, allait migrer sur Linux au fil des renouvellements de matériel. Ce qui constitue à ce jour probablement la plus grande migration de postes de travail sous Linux dans le monde est pourtant vu comme naturelle par la gendarmerie : « La migration de 70 000 postes sous Linux est pour nous un non-évènement », insiste le colonel Nicolas Géraud. En effet, la Gendarmerie a mis en oeuvre depuis plusieurs années une gouvernance des systèmes d'information qui lui permet d'envisager de telles migrations. Le basculement sous Linux Ubuntu a d'abord été expérimenté sur 200 postes avant que la décision finale ne soit prise, décision validée par les plus hautes instances en matière de SIC du ministère de la défense (DGSIC). En 2008, entre 5000 et 8000 postes seront déployés et ensuite 12 à 15000 par an. La migration s'achèvera donc en 2013. « Nous migrons au fil du renouvellement du matériel, avec nos ressources internes et sans aucun prestataire externe, y compris pour la maintenance », indique Nicolas Géraud. Il précise : « Nous avons fait le choix de la distribution Ubuntu car elle constitue une version adaptée au poste de travail dérivée de la Debian que nous utilisons sur nos serveurs. Nous prenons une version standard à laquelle nous ajoutons un paquet prenant en compte les paramétrages propres à la gendarmerie. » Le soutien géré à distance L'une des difficultés majeures lorsque l'on entretien un parc de machines sur 4300 sites, dont seulement 200 disposent d'informaticiens, c'est le soutien et notamment l'installation des patchs de sécurité. Nicolas Géraud en convient : « tous les logiciels et mises à jour sont télédistribués via notre Intranet, que le poste de travail soit à Paris ou bien en Guyane, sans déplacement de personnel. La télédistribution a, en plus, l'avantage de garantir le bon déploiement sur chaque poste de tous les patchs de sécurité. C'est donc à la fois un choix lié au coût et à la sécurité. Que les postes soient sous Linux ou un autre système d'exploitation revient au même sur le plan technique pour le déploiement. Une différence avec d'autres systèmes d'exploitation, c'est notamment le coût initial de la licence... Ajoutons que Linux Ubuntu fonctionne sur des configurations matérielles plus légères, donc moins coûteuses à acquérir, que d'autres systèmes d'exploitation. » Un non-évènement bien préparé Considérer une telle migration comme un non-évènement peut surprendre... Pas le colonel Nicolas Géraud : « Tout tient aux architectures choisies après le passage à l'an 2000 afin de limiter les difficultés de maintenance et d'évolution rencontrées, notamment du fait de l'interdépendance entre les multiples applications. Nous avons mis en oeuvre un socle technique assurant toutes les 'commodités' (traçabilités, annuaire, SSO, messageries, passerelles d'interconnexion, sécurité etc.). » « Ce socle est constitué de modules indépendants, ne communiquant qu'au travers d'interfaces utilisant des standards ouverts. Dès lors, si l'on bouge une brique, il n'y a plus aucun effet domino. Toutes les applications métier viennent s'adosser à ce socle technique et sont accessibles via une interface web. » « Dans ce contexte, le système d'exploitation du poste de travail ne constitue plus une contrainte. Ce choix d'architecture nous permet d'économiser, par rapport à la situation antérieure, 20% sur le coût de réalisation des systèmes d'information métier. » Sur le plan technique, et au contraire de projets métier comme le SIRH AGORHA ou le système de rapprochement judiciaire ARIANE, la migration du poste de travail ne mobilise qu'une équipe réduite, similaire à celle utilisée pour déployer les systèmes d'exploitation antérieurs . « Ce qui est important, ce sont les applications métier, le système d'exploitation est une commodité ; le PC est neutre, banalisé », martèle Nicolas Géraud. Une gestion du changement adaptée La Gendarmerie Nationale a choisi une interface Gnome avec une ergonomie proche de Windows XP pour une migration dans la continuité. « Les gendarmes non-informaticiens ne sont pas administrateurs de leur poste et la migration sera pour eux sans véritable rupture. Nous prévoyons cependant un didacticiel sur l'Intranet pour les quelques modifications d'apparence sur l'interface et le système de gestion des fichiers », explique Nicolas Géraud. L'administration des postes étant confiée à des personnels déjà formés à Linux Debian, leur adaptation à Ubuntu fait partie de la formation continue. La Gendarmerie Nationale prévoit aussi une heure de présentation de la nouvelle interface lors des formations aux nouveaux logiciels métier qui, eux, constituent les véritables enjeux informatiques. Le choix de Linux Ubuntu pour les postes de travail vient après celui d'OpenOffice en 2005, de Thunderbird et de Firefox en 2006. Nicolas Géraud se souvient : « avant 2004, nous achetions 13 000 licences d'outils bureautiques par an. Sur les budgets 2005, 2006 et 2007, nous n'en avons acheté que 27, soit moins de 10 par an. A ce jour, moins de 2 % des postes ont une deuxième suite bureautique en plus de OpenOffice, en lien avec des usages particuliers ou certaines adhérences applicatives résiduelles qui disparaîtront dans l'avenir. » La force essentielle des choix stratégiques de la Gendarmerie Nationale réside dans leur cohérence. A titre d'illustration, cette armée recrute chaque année 10 à 15 000 personnes qui passent donc nécessairement en école professionnelle. Un mois après le choix d'OpenOffice, tous les nouveaux recrutés étaient formés sur OpenOffice... Pour l'interopérabilité, la maitrîse technique et les coûts Le choix du logiciel libre s'est donc déroulé progressivement, avec pragmatisme. Mais accompagné par une véritable gouvernance. Le colonel Nicolas Géraud en détaille les trois raisons : « Tout d'abord, les logiciels libres utilisent des standards ouverts selon la définition de la LCEN [Loi sur la Confiance dans l'Economie Numérique, NDLR]. Pour nous, c'est la garantie d'une interopérabilité indépendamment des logiciels utilisés à l'exemple d'Internet dont le succès est dû à son caractère universel lié à l'utilisation de standards ouverts. Ce point est essentiel pour nous qui sommes un acteur de la sécurité intérieure, car notre environnement est de plus en plus hétérogène, inter-administrations, sans oublier demain le dialogue direct avec les citoyens. » « La deuxième raison est la maîtrise interne du socle technique et de sa sécurité qui permet d'adapter plus rapidement les systèmes d'information aux enjeux stratégiques de la gendarmerie . Enfin, le choix du logiciel libre repose sur la maîtrise des coûts. Après quatre ans d'expérience dans le domaine nous n'avons pas détecté de coûts cachés supérieurs à ceux existant dans le monde propriétaire pour des logiciels du type de OpenOffice, Firefox, Thunderbird ou Linux. » « Toute l'administration du socle technique est faite en interne, mais les développements d'applications sont en général externalisés. La maîtrise du socle technique permet de mieux faire jouer la concurrence entre les prestataires. Et puis, une connexion d'un gendarme à l'intranet, c'est pratiquement 15 couches de services logiciels. Avec les logiciels libres, nous n'avons pas eu à passer de marché public sur toutes les couches. 70% sont en logiciels libres et nous économisons donc à ce jour 700 000 licences de 25 à 300 euros l'unité. Lorsque, chez nous, nous déployons un logiciel à 100 euros/poste, c'est un budget de 7 millions d'euros ! Le logiciel libre est donc pour nous une manière de participer à la baisse du coût total de possession de notre parc informatique. » Note : L'article a été relu et validé par le Sirpa de la Gendarmerie et le colonel Nicolas Géraud.

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