Stratégie

7 mythes sur la transformation numérique

7 mythes sur la transformation numérique
Andy Bennett de Schneider Electric estime que les opérationnels et l'informatique ont peu d'atomes crochus (photo DR).

Les idées fausses sur la transformation numérique peuvent annuler tous les résultats envisagés.

PublicitéLa transformation numérique a le potentiel pour être réellement transformatrice. Même si elle a tendance à s'empêtrer dans le battage médiatique et à ne pas penser à travers les dures vérités de l'exécution. Sa réalité n'est pas à la hauteur des attentes.

Bien sûr, les concepts et stratégies sous-jacents de la transformation numérique ne sont pas nouveaux. L'idée de repenser la manière dont une organisation utilise la technologie pour trouver de nouvelles sources de revenus ou de nouveaux modèles d'affaires est au coeur des préoccupations des entreprises depuis les années 1970 et les débuts de l'informatique explique Michael Kanazawa de Ernst & Young.

Voici les sept mythes sur la transformation numérique repérés par des experts de l'industrie et des chefs d'entreprise du monde IT.

Mythe n ° 1 : La transformation numérique est une question informatique

Selon Janice Miller, directrice des programmes de gestion des produits chez Harvard Business Publishing Corporate Learning, il est important de se rappeler que la transformation numérique relève autant du leadership que de la technologie. «Le leadership numérique exige un état d'esprit entièrement nouveau, qui doit être appliqué à tous les membres d'une organisation et à tous les niveaux», explique-t-elle. Pour réussir, «les entreprises doivent évaluer comment la technologie sera utilisée pour améliorer leur modèle d'affaires, générer de la valeur et se connecter avec les clients finaux».

Selon Aaron Rubinstein, directeur des services partagés et de la technologie pour la supply chain mondiale chez Anadarko Petroleum, la technologie peut être un puissant catalyseur. «Mais sans une structure organisationnelle alignée pour soutenir les objectifs du projet, sans une culture qui accepte la logique du changement et des processus opérationnels intuitifs pour relier les gens et les systèmes, une transformationnel vraiment efficace sera très difficile à obtenir», dit-il.

En pensant à des projets de manière étroite, les implémentations de logiciels aboutissent souvent à un échec. Il faut non seulement la bonne équipe pour mener un effort de transformation, ajoute-t-il, mais aussi une culture organisationnelle large, prête à entreprendre un changement significatif.

Mythe n ° 2 : La vraie transformation est l'affaire des petits disrupteurs

La réalité est que la véritable transformation vient de disrupteurs qui n'ont pas une grande part de marché, affirme Stephen Andriole, professeur à la School of Business de l'université de Villanova. Il y a encore beaucoup d'ignorance entourant ce qu'est la transformation numérique, basée sur les données explique-t-il. Selon certains répondants, cela équivaudrait à installer un nouveau système ERP. En conséquence, les grandes entreprises pensent qu'elles dominent leurs industries simplement parce qu'elles ont réussi dans le passé, souligne Stephen Andriole, notant que « Marriott aurait pu faire AirBnB. Mais ils ne l'ont pas fait. »

PublicitéD'autres startups, comme Amazon, Uber et Netflix, entre autres, ont rencontré un énorme succès par rapport aux acteurs traditionnels dans leurs industries respectives. Les entreprises établies comme Starbucks restent également compétitives parce qu'elles regardent toujours leurs processus et laissent une large place à l'expérimentent en magasin.

«Ils sont très innovateurs, examinent sans cesse leurs processus et font des ajustements pour les améliorer, ils sont les premiers, je crois, à effectuer des transactions sans numéraire parce qu'ils veulent aller plus vite et vendre plus de choses». La plupart des entreprises ne prennent pas le temps de comprendre leurs processus métier ou de créer des cartes de processus actives, dit-il. Ce n'est que lorsqu'ils perdent des parts de marché, ou lorsqu'un dirigeant craint de recevoir une prime moindre, ou d'être licencié, qu'ils deviennent prêts à essayer de nouvelles choses.

Lorsque les entreprises ne disposent pas d'un inventaire complet de leurs processus métier, elles ne sont pas en mesure de répondre à des questions sur la façon d'effectuer des ventes croisées et d'innover. Un processus est rompu, ajoute Stephen Andriole, quand il n'est pas ouvert et agile. Il cite le temps où il a été directeur des technologies de l'information de la société pharmaceutique Shire de 2010 à 2011, par exemple. Il a commencé à s'intéresser au BPM et a découvert que de nombreux processus, comme la planification de la chaîne d'approvisionnement, étaient inactifs.

«Mais le cours de bourse étant en hausse, les cadres et dirigeants qui pilotaient ces processus inactifs étaient tout naturellement portés sur tout ce qui brille et moins à parler des problèmes internes. Pourquoi attirer l'attention sur ces problèmes quand tout le monde gagne de l'argent ?» Le cours de bourse  a continué à augmenter, de sorte que l'appétit pour la transformation des processus est resté faible. Plus récemment, le cours de l'action étant retombé, le besoin de transformation numérique est devenu plus évident.

Mythe n ° 3 : La transformation numérique consiste à réduire la main-d'oeuvre

En faisant appel aux nouvelles capacités de l'IA et de l'apprentissage automatique, la transformation numérique incite certains à croire qu'elle va se passer des êtres humains. Mais, vous aurez toujours besoin d'êtres humains, explique Andy Bennett, vice-président d'IoT EcoStruxure une filiale de Schneider Electric.

«Ce n'est pas une surprise, mais je pense que la première chose qui perturbe ou du moins contredit une grande partie du battage médiatique ... revient au facteur humain. Souvent, vous entendez les gens parler de cet impact énorme qui va se produire avec l'apprentissage automatique et, en bout de ligne, va diminuer le personnel et stimuler l'efficacité. Mais, c'est quelque chose que je ne vois pas aujourd'hui

Au lieu de cela, Andy Bennett observe que plus il y a d'automatisation et d'analyse des données dans les organisations et plus il faut d'êtres humains pour piloter les algorithmes et comprendre ce qui se passe dans un univers très complexe. Pour lui, il y a «tellement d'inefficacités dans les dispositifs connectés» qu'il est faux de supposer que l'analyse des données permettra un temps de réaction plus rapide. Je trouve que nous allons presque dans la direction opposée», affirme-t-il. «L'IoT nous aide à mieux trouver de l'information, mais il faut beaucoup d'interactions humaines».

Lorsqu'Andy Bennett a des conversations avec des DSI, il découvre parmi eux une croyance inhérente, selon laquelle l'analyse de données et l'intelligence artificielle enlèveraient toute nécessité d'entretenir les équipements, ce qui n'est pas le cas. «Ce que nous serons en mesure de faire, c'est d'être plus réactif, peut-être d'être dans le préventif, mais vous avez toujours besoin d'une personne pour se présenter à une usine et faire quelque chose à ce sujet».

Mythe n ° 4. La transformation numérique, c'est avant tout de la technologie

Selon Seth Robinson, directeur principal de l'analyse de la technologie à CompTIA, association américaine de normalisation, les entreprises ont simplement besoin d'apporter de nouveaux outils, modèles et compétences pour amener la concurrence sur un nouveau terrain. Soixante-dix-huit pour cent des entreprises interrogées déclarent utiliser la technologie pour générer des résultats commerciaux, mais seulement 28% sont extrêmement confiantes dans leur capacité à faire correspondre la technologie aux objectifs commerciaux, assure Seth Robinson.

Les entreprises réclament souvent une transformation numérique parce qu'elles voient évoluer les environnements commerciaux et les demandes des clients. Mais les percées récentes, en particulier autour du cloud, ont suscité certaines attentes qui ne sont pas toujours valables. La technologie seule, souligne-t-il, n'est pas la panacée. À mesure que les entreprises passent à la transformation numérique, elles devront investir dans la construction de la culture appropriée, ainsi que dans la transformation de la fonction informatique, y compris de nouvelles compétences et opportunités de partenariat.

Michael Kanazawa d'E&Y est d'accord. « Le mythe clé est que la transformation numérique serait  juste une question de technologie, plutôt que de création de nouvelles expériences d'une valeur incroyable pour les clients, les partenaires et les employés. Pour lui, les expériences de consommation amènent un besoin de grandes expériences pour des clients numériques dans des marchés inexplorés. « Nous avons des responsables sur des secteurs industriels comme les services énergétiques, l'agriculture et la gestion des bâtiments ... qui décrivent leur frustration de ne pouvoir acheter des produits industriels et des pièces avec la même facilité qu'ils téléchargent du contenu numérique chez eux, louent un service de voiture en temps réel ou font déposer leur bouteille de vin préférée chez eux le jour même. Donc, quand on sert son client on est en concurrence avec les meilleures expériences numériques que le client a dans sa vie personnelle. »

Mythe n ° 5 : Le feu vert du Comex est une garantie

Pour qu'un projet réussisse, il a besoin de l'adhésion et du soutien continu de la haute direction. La transformation numérique ne fait pas exception à cette règle. Pourtant, les dirigeants sont souvent réticents à donner le feu vert à ces projets parce qu'ils sont souvent complexes et décourageants, affirme Stephen Andriole, qui est également consultant, en plus de son activité d'enseignant

Quant il est appelé pour conseiller une entreprise qui pense avoir besoin de lancer un projet de transformation numérique, il se retrouve souvent face à des responsables qui veulent se lancer, après du bouche à oreille plutôt qu'en scrutant la réalité. Et qui n'entament jamais de projet à moins d'y être obligé par un dysfonctionnement.

Dans ces cas, le conseil de Stephen Andriole est de «trouver un grand miroir et de le regarder. Que voyez-vous vraiment ?  S'il n'y a aucune raison réelle de déployer une initiative ou un engagement numérique de la part de la direction, ne le faites pas». L'appui apparent du Comex n'est pas une garantie de succès.


Mythe n ° 6 : La transformation numérique apporte l'harmonie entre l'informatique et le business

Les transformations numériques réussies requièrent une collaboration entre l'informatique et l'entreprise, mais si vous pensez que l'harmonie entre les deux est le résultat garanti d'une transformation numérique, vous devrez peut-être y réfléchir à nouveau, déclare Andy Bennett de Schneider Electric. «Je pense que c'est une erreur. Ils ne s'entendent pas très bien. Ils viennent de points de départ très différents».

Chaque fois qu'il entend parler d'une entreprise qui engage une convergence technologique IT-opérationnelle, il dit que cela lui offre toujours une récréation. «Je dis « Wow », parce que ces gens ne vont même pas déjeuner ensemble». Il se souvient avoir été dans une grande entreprise de distribution d'électricité où son équipe mettait en oeuvre le logiciel de distribution de Schneider Electric, qui gérait l'ensemble du réseau électrique. Le personnel des opérations de ce secteur  public, qui ne faisait pas partie du service informatique, était responsable de la gestion de cette fonction critique. «Chaque fois que des informaticiens entraient dans la pièce, le gars des opérations passait une musique de cirque sur son ordinateur de bureau. Je disais : « Pourquoi joues-tu ça ? Bref, ils ne sont pas toujours d'accord sur les projets informatiques».

C'est un mythe de croire que, simplement parce que les appareils connectés entrent dans les entreprises, l'IT et les opérations vont «converger de manière naturelle et prédictive», affirme Andy Bennett. «Les gens oublient vraiment qu'il y a un facteur humain fondamental qui prendra des années et des années à être intégré. C'est un gros problème de gestion du changement».

Mythe n ° 7 : Le passage au numérique se termine dès la mise en oeuvre

Dan Doggendorf a appris par expérience que la transformation numérique n'est pas toujours la solution miracle pour résoudre un problème commercial. Vice-président des opérations commerciales et directeur des technologies de l'information pour l'équipe de hockey de la Stars de la LNH, il a ouvert les yeux après le déploiement d'un nouveau système téléphonique permettant de faire le suivi des ventes. Il a acheté un système avec beaucoup de fonctionnalités «et honnêtement, la seule chose qu'ils utilisent est le tableau de bord», note-t-il.

Pour l'avenir, Dan Doggendorf dit qu'il a appris à «presser vraiment la communauté des utilisateurs et obtenir un engagement de leur part, pour qu'ils utiliseront un nouveau produit et comprendront comment cela fonctionne, mais seulement après avoir dépassé leurs exigences en matière d'IT». Très souvent, les utilisateurs nous apportent une solution qu'ils trouvent cool, mais ils ne savent pas vraiment ce que cela signifie. Dans le cas de notre système téléphonique, il offre la possibilité de faire de l'analyse de données et de la veille économique, mais il n'est pas utilisé à son plein potentiel.  «Je ne connais d'ailleurs pas beaucoup d'organisations qui effectuent une évaluation après coup, sur un déploiement technologique pour glaner ce qu'il a fait pour eux et ce que donne le ROI», observe Dan Doggendorf.

Dans le cas du système téléphonique, les données auraient dû confirmer par exemple, si les données devaient être analysées. Les responsables pourraient alors déterminer d'où provenait un bon contact et comment on peut le convertir en contrat. «Tant de gens parlent d'IA et de ceci et de cela, pour moi, il y a beaucoup de battage médiatique dans ce genre de choses. C'est cool, mais rien ne vaut de vraiment examiner les sujets avec les responsables. Ce n'est pas un monde plug-and-play».

Esther Shein / IDG News Service (adaptation Didier Barathon)

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