Le portage salarial sauvé par une ordonnance dédiée

Le portage salarial, dénoncé par la Cour de Cassation, vient d'être sauvé par une ordonnance votée en Conseil des Ministres le 1er avril 2015.
PublicitéLes nuages de plus en plus orageux s'amoncelaient sur le portage salarial. Mais le Conseil des Ministres du 1er avril 2015 s'est porté au secours de ce statut, étrange à bien des égards selon les règles habituelles du droit.
Cette pratique, très prisée des experts informatiques travaillant en facturant leurs travaux à leurs clients, permet de conserver les avantages du statut de salarié tout en étant de facto indépendant. Le portage repose sur une relation triangulaire : le porté (pseudo-indépendant) est salarié d'une entreprise de portage qui facture au client les prestations du porté pour reverser au porté un salaire calculé à partir du chiffre d'affaires qu'il a généré. Le porté est donc seul responsable de son salaire en étant à l'origine du chiffre d'affaires que l'entreprise de portage va réaliser en lien avec lui. L'entreprise de portage prélève au passage les cotisations sociales et une petite marge.
Une modification de la Loi nécessaire pour sauver le portage salarial
Montage bancal sur le plan juridique, remettant en cause les éléments substantiels du contrat de travail, il se faisait retoquer régulièrement par la Cour de Cassation, notamment encore en début d'année. Mais la Cour de Cassation n'a qu'une mission : appliquer la Loi en vérifiant que les tribunaux de premier et second niveaux ne l'interprètent pas mal.
Pour sauver le portage salarial, il était donc nécessaire de changer la loi. Le Conseil des Ministres du 1er avril 2015 a, à cette fin, adopté l'ordonnance relative au portage salarial. Rappelons qu'une ordonnance a la valeur d'une loi mais qu'elle ne subit pas le passage au Parlement grâce à une délégation expresse du pouvoir de celui-ci via une loi d'habilitation. Le texte est donc d'ores et déjà applicable.
Un régime spécifique et dérogatoire
La difficulté résidait dans une logique très différente de celle du contrat de travail, base du régime du salarié. En effet, un contrat de travail repose sur trois éléments qualifiés de substantiels : la mission (travail à effectuer), la rémunération (fixe et variable) et le lien de subordination. Or le porté étant autonome, le troisième élément faisait défaut. La rémunération n'était, de plus, pas fixée initialement mais dépendait de l'efficacité commerciale du porté. Quant à la mission, même elle pouvait varier.
Pour faire entrer le portage salarial dans le Code du Travail, ce n'est rien moins qu'un régime dérogatoire complet qui est mis en oeuvre. Ce régime vient prendre place aux articles L-1254-1 et suivants. L'article L-1254-1 définit la relation triangulaire. Le L-1254-2 fixe le principe de l'autonomie (notamment l'absence d'obligation de fourniture de travail au porté par l'entreprise de portage) et de la garantie de rémunération du porté. Des restrictions sont apportées à l'article L-1254-3 qui rappellent celles de l'intérim (limite dans le temps et à des tâches occasionnelles, pas de remplacement d'un salarié en cours de conflit du travail, tâches réservées à des permanents, etc.).
La section 3 (à partir de l'article L-1254-7) détaille les règles spécifiques du contrat de travail liant porté et entreprise de portage. Elle définit notamment deux modes différents d'intervention : d'une part le CDD pour une et une seule mission, d'autre part le CDI à missions multiples. La section 4 (article L-1254-22 et suivants) s'intéresse, elle, au contrat de prestation liant l'entreprise de portage et le client chez qui va travailler le porté. Enfin, la section 5 sécurise le dispositif en imposant des garanties au bon fonctionnement de l'entreprise de portage salarial qui ne peut pas avoir d'autre activité (notamment d'intérim ou de recrutement) et doit disposer d'une assurance afin que les portés aient la certitude d'être bien payés.
Les derniers articles de l'ordonnance fixent des dispositions accessoires sur la représentation du personnel, l'intéressement, etc.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
Commentaire
INFORMATION
Vous devez être connecté à votre compte CIO pour poster un commentaire.
Cliquez ici pour vous connecter
Pas encore inscrit ? s'inscrire